Meeting germanophobe à Frangy-en-Bresse


Meeting germanophobe à Frangy-en-Bresse

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À quoi aurait ressemblé l’édition 2015 de la Fête de la rose de Frangy-en-Bresse, si Arnaud Montebourg avait vraiment déserté le champ politique pour retourner à la « vie civile » ? Ce rendez-vous bourguignon fondé en 1974 en pleine euphorie du programme commun PS-PCF par Pierre Joxe, missionnaire socialiste dans ce département rural de Saône-et-Loire, donne depuis la température du moral des militants de base du PS à la veille de la rentrée politique. Sans le show médiatique magistralement mis en place par l’ex-ministre de l’Economie Arnaud Montebourg, l’ambiance eût certainement été à l’image de la météo de ce dimanche 23 août : maussade comme un jour de pluie de fin d’été rappelant qu’il est grand temps de retourner au charbon…

Pour les socialistes du coin, l’année 2015 a été horribilis : déjà étrillés au municipales de 2014, ils ont perdu les départementales de mars 2015 et donné à la droite l’ancien fief d’Arnaud Montebourg, viré du gouvernement à la suite de son incartade anti-Valls de la fête de la Rose, cuvée 2014. De plus, le jeune espoir local, le député Thomas Thévenoud, donné comme successeur naturel du flamboyant Arnaud, appelé au gouvernement lors du remaniement de septembre 2014, en est débarqué quelques jours plus tard, pour cause de « phobie administrative » l’empêchant d’honorer ses obligations fiscales…

Donner un écho national et même international à ce rassemblement champêtre d’éclopés de la politique relevait du Guiness Book of records de la com’ ! Eh bien, il l’a fait ! Le vice-président d’Habitat a réussi à faire venir dans un trou perdu, à peu près inaccessible par la SNCF, le gratin du journalisme politique parisien arrivé toutes affaires cessantes en limousine de location pour les plus riches, par Bla-Bla-Car pour les plus démunis…
Pour cela une bonne recette : l’effet « vu à la télé » allié au «  lu dans Paris Match », de la pipolitique à haute dose, et sans modération ! On invite le « bogosse » Iannis Varoufakis, héros de la résistance grecque contre la barbarie germano-bruxelloise, viré par son patron Tsipras, et qui  balance  à tout va sur les turpitudes des rapaces des « institutions ». Ça va donc saigner ! Pour la douceur et la tendresse, on emmène sa nouvelle compagne, la co-virée et ex-ministre de la culture Aurélie Filipetti, dont on a pris soin de fournir aux magazines pour salons de coiffures les photos estivales en maillot de bain révélant l’arrivée prochaine d’un heureux événement…

Les cadors du PS qui ont boudé ce rendez-vous, sur ordre du Parti, du Premier ministre et du Président de la République ont bien eu tort : ils auraient eu plus de chance de montrer leur binette à la télé et de mouliner des petites phrases pour la radio à Frangy-en-Presse qu’à La Rochelle pendant leur foire annuelle curieusement nommée université d’été du PS.

Une fois le décor mis en place, le contenu importe peu, et le discours politique se doit d’être simple, sans nuances trop subtiles propres à égarer une corporation journaleuse qui ne déteste rien tant que se prendre le chou pour essayer de vendre aux rédac-chefs de la pensée politique complexe. Postulat : Iannis Varoufakis et Arnaud Montebourg, occupant les rôles des « bons » (normal, ils sont les organisateurs de la fête), il faut construire les caractères négatifs, les «  méchants » et les «  lâches ». Le guignol peut commencer. Le rôle du salaud est dévolu à l’Allemagne en général, et à son ministre des Finances Wolfgang Schäuble, tireur de ficelle diabolique d’un Eurogroupe sous influence, en particulier. Pour chauffer la salle, le numéro bien rôdé de Iannis Varoufakis « Wolfgang m’a tuer ! » est décliné sous toutes les formes dans les multiples entretiens accordés aux médias français avant après et pendant la Fête de la rose. «  Wolfgang Schäuble ne cherchait pas le remboursement de la dette grecque, sinon il aurait accepté nos propositions raisonnables ! Il voulait notre capitulation sans conditions, parce qu’il voulait faire un exemple. Ne vous y trompez pas, ce n’est pas la petite Grèce qui importe à Schäuble, c’est la France ! Et le sort que nous avons subi sera le vôtre si vous ne réagissez pas ! » Et de se lamenter sur l’absence politique de la France et d’un François Hollande (le lâche) évanescent et sans vision dans ce combat désespéré de la chèvre grecque contre le loup allemand.

Le german bashing d’Arnaud Montebourg, moins tragique, n’en fut pas moins vigoureux : l’obsession allemande de la dette plombe la croissance européenne. Leur rigorisme dogmatique et l’usage immodéré de leur puissance économique est également une catastrophe politique et met la démocratie française en danger : « Vous pouvez toujours voter pour la gauche, le système des institutions européenne fera que vous serez gouverné par la droite allemande !». Le propos fait mouche dans l’assistance qui ouvre ses parapluies sous l’averse revenue – ma voisine me fait profiter du sien, qui porte le logo du géant allemand de l’assurance Allianz. Un vieux grognard du PS, maire d’un arrondissement de Lyon et enfant du pays bressan, sent se rouvrir une vieille blessure : il avait voté « non » au référendum de 2005. Même s’il est un fidèle du très droitier Gérard Collomb, il n’a pas digéré le retour par la fenêtre, grâce au PS, du traité rejeté par le peuple.

Si, sur l’estrade, la germanophobie reste dans les limites de la controverse policée, il n’en est pas de même dans les discussions entre militants sous les tentes. «  Ils ne changeront jamais ! Jamais ! » tonne un septuagénaire qui stigmatise le peu de mémoire historique et l’ingratitude de nos voisins d’outre-Rhin, dont on a effacé la dette en 1953 et permis en 1995 de déroger aux critères de Maastricht pour financer la réunification. Ces arguments, qui font fi du contexte historique des époques concernées, alimentent le ressentiment du peuple de gauche contre ces Allemands, où même les « camarades » du SPD vous font faux bond.

L’approbation est bruyante lorsqu’une dame, se présentant comme professeur d’allemand dans le département, s’érige en experte en germanitude pour asséner : «  C’est vrai, il n’ont pas changé, sinon en pire ! Je vais souvent en Allemagne avec des élèves, et moi qui suis plutôt brune, on me regarde d’un sale œil, surtout dans le nord… Schäuble ? Vous savez peut-être que sa mère s’appelait Gertrud Göhring… C’est tout dire ». Une vague homonymie maternelle avec le Reichsmarschall Hermann Goering, et je vous construis un diable en fauteuil roulant. C’était Frangy-en-Bresse 2015 rebaptisé Frangy-en-Grèce par le communiquant Montebourg. L’édition 2016 prévue pour le 24 août de l’an prochain s’annonce grandiose : elle coïncide avec la Saint Barthelémy. Ça va être gore !

*Photo: Sipa. Numéro de reportage : 00721349_000001.



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