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Comics de (re)situation


Comics de (re)situation

Madame Gabriela Manzoni a surgi de nulle part, un bien beau jour, sur Facebook. Avec un dessin détourné, qui présentait cette originalité de ne pas avoir été pioché dans une bande dessinée connue. Ceux qui, peu nombreux aujourd’hui, avaient eu le privilège de feuilleter le magazine Nous deux dans les années 60 ont reconnu les publications américaines sirupeuses qui faisaient la joie sages des midinettes de ce temps. Pour les autres ce fut une surprise et immédiatement un triomphe. Depuis, les « like » s’ajoutant aux « like » les aficionados forts nombreux eurent leur ration quasi quotidienne. Les éditions Séguier ont eu la bonne idée de les rassembler dans un premier recueil accompagné d’une « baseline » imparable : « 200 pages de mauvais esprit. Et du bon ! »

Dans une préface subtile Madame Manzoni nous explique pourquoi ces comics ne sont pas détournés comme pouvaient le faire les situationnistes, mais retournés comme une scène de film dont on aurait changé le dialogue pour mieux approcher la vérité. S’inspirant des « moralistes les plus sombres » nous dit-elle, elle s’est efforcée « de mettre une philosophie dans chaque vignette retournée ». Et c’est un bonheur, une vraie et originale réussite.

Alors bien sûr, après le rire ou le sourire, on se prêtera au petit jeu de la recherche des inspirateurs. Naturellement viendront à l’esprit Cioran, Chamfort, Schopenhauer, voire Alphonse Allais qui prétendait que « les parents emmenaient leurs enfants au bord de la mer dans l’espoir secret de noyer les plus laids ». À qui répond un des bellâtres de Madame Manzoni : « Je suis contre l’avortement… Tuer un être humain avant sa naissance ? Quelle impatience ! » Il y a probablement aussi du Freud, le charlatan viennois. Le problème est que leur méchanceté, à tous ceux-là est souvent parasitée par d’autres sentiments. Le pessimisme de Chamfort, la vanité de Schopenhauer, ou le désespoir vrai de Cioran. Rien de tel, heureusement, chez Madame Manzoni. Pas une trace de tendresse ou de compassion, rien que de la méchanceté lucide et distante, on la dira chimiquement pure. Pour ce qui me concerne, j’y trouve une correspondance avec Saki, un merveilleux auteur anglais aujourd’hui un peu oublié.

Je me pose maintenant la question de savoir si Gabriela Manzoni doit rejoindre la liste établie par Olivia Resentera « des femmes admirables ». Dans un ouvrage éponyme « l’auteur nous entraîne dans une plongée sans complaisance vers le côté obscur du féminin ». Elle y rejoindrait Madame Bovary mère, Madame Fichini, la Reine Rouge ou Lady Macbeth. Mais en fait non, il s’agit là souvent de vraies mégères. Ce que n’est pas Madame Manzoni, que je crois trop froide et trop maîtrisée pour cela.

Je ferai état pour terminer de ma vignette préférée, parce que dessin et texte, il exprime à la perfection la méchanceté intelligente que nous offre Madame Manzoni.

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