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Les Alpins sur la mauvaise pente


Les Alpins sur la mauvaise pente

Il y a plus de dix ans maintenant, je lançai dans le débat public, à la « une » du Monde daté du 12 mars 1999, un concept qui allait susciter quelques controverses : celui de  » populisme  alpin ». Il se fondait sur une observation du terrain (très en pente), des régions situées sur l’arc Nice-Ljubljana, qui faisait apparaître qu’une famille de partis politiques présentant un certains nombre de caractéristiques communes avait émergé dans ces contrées au début des années 1990.

La Ligue du Nord en Italie, le FPOe de Jörg Haider en Autriche, et même une partie de la CSU bavaroise se fabriquaient une pelote électorale en titillant les vieux réflexes issus d’un mode de vie et de pensée montagnard élaboré depuis le Néolithique. On découvrira aisément, et sans trop se prendre la tête, les éléments principaux de cette weltanschauung en relisant la collection complète des Heidi de Johanna Spyri.[access capability= »lire_inedits »]

C’est pas trop compliqué, comme morale : pour survivre dans cet univers rude, faut pas être fainéant, trop causer nuit à la bonne qualité du travail, et les ceusses d’en bas qui réclament toujours plus de Sécu, allocs chômage et congés payés feraient mieux de se retrousser les manches au lieu de geindre et tendre la sébille.

Du temps de Heidi (fin du XIXe siècle), les Alpins de tous les pays étaient misérables, partageaient leur humble masure au toit de bardeaux avec les vaches, qui servaient de chauffage central, et pratiquaient entre eux une solidarité de pauvres, limitée à l’environnement proche.

Comme il y a quand même une justice en ce bas monde, leur ardeur au travail et leur peu d’appétence pour le bling-bling (les Rolex, on les fabrique et on les vend, mais on se contente de la toquante du grand-père) a fini par les propulser au somment du PIB par tête dans leurs pays respectifs. Les « petits boulots » qui occupaient leurs longs hivers se sont révélés des niches lucratives dans une économie mondialisée, et le développement des loisirs leur a apporté une manne touristique considérable. Aujourd’hui, Heidi dirige un cinq étoiles à Gstaad et son copain Peter a monté une PME de micromécanique high tech dans la vallée. Tous deux apportent leurs suffrages à l’UDC de Christoph Blocher, classé dans la catégorie populiste-xénophobe par les grosses têtes de la plaine. Voilà qui met un terme, j’espère définitif, à l’hypothèse selon laquelle le populisme serait issu de la théorie développée au XVIIIe siècle par le philosophe sud-tyrolien Karl-Theodor Popul, dont BHL a découvert récemment l’existence lors d’une tournée de conférences dans les universités vénézuéliennes.[/access]

Novembre 2010 · N° 29

Article extrait du Magazine Causeur



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