Accueil Brèves Le parti d’en pleurer

Le parti d’en pleurer


Les tandems comiques rencontrent souvent un succès fulgurant. Laurel et Hardy. Laurel et Hardy de Gaule (Astérix et Obélix). Jean Poiret et Michel Serrault. Jacques Vergès et Roland Dumas. Shirley et Dino. Roux et Combaluzier. Omar et Fred. Dieudonné et Elie Semoun. Dieudonné et Manuel Valls. Ne revenons pas sur la consternante polémique. Ne nous éternisons pas ici sur les vannes antisémites pitoyables de l’entrepreneur de théâtre en gros Dieudonné, qui a gâché son talent en se laissant envahir par un ressentiment d’assez basse qualité. Ne sombrons pas dans la sodomie de diptères au sujet des gesticulations de Manuel Valls, qui – en cherchant à interdire les shows de Dieudonné – n’est parvenu qu’à élargir l’aura sinistre de l’humoriste faisandé… Tout cela est connu, et bien connu.

Bon. Retenons que la saison est aux clowns tristes. Guy Bedos, gourou tutélaire du métier et octogénaire (cette année) au bout du rouleau, se croit drôle en qualifiant Nadine Morano de « conne » sur une scène ; avant de déclarer à la presse que Marine Le Pen « fait la campagne d’Hitler ». Ca fait des points pour Monsieur Godwin ça… Quant à Jean Roucas – l’âme damnée du Bébête show ! –, il fait sans complexe la promotion de son ami Gilbert Collard, député apparenté… FN. Comme disait le poète… « J’sens comme un vide, remets-moi Johnny Kidd. » Ou bien Desproges. Ou encore Pierre Dac et Francis Blanche (encore un tandem comique !) qui militaient jadis pour le « Parti d’en rire »… Nous en sommes au Parti d’en pleurer.

En cette sombre saison les clowns sont tristes. Un fait divers dijonnais m’a confirmé cette intuition : les intolérables violences qu’un clown professionnel (assermenté et inscrit au registre national des clowns autorisés) a infligé à un enfant une gifle en pleine représentation ! Le drame s’est joué sur le territoire de la commune d’Arc-sur-Tille, une ville bien sympathique de la Côte d’Or de 2500 âmes. Louis XIV y coucha le 19 juin 1674, après la conquête de la Franche-Comté, dans un hôtel assez miteux, dont les chambres ne comportaient même pas de téléviseur (Je ne parle pas même pas d’un abonnement à Canal+ !). L’histoire ne documente malheureusement pas ce que le souverain entreprit de faire le lendemain…

Le quotidien régional Le Bien Public titrait en cette toute fin d’année : « Une gifle qui fait polémique ». Un clown – exerçant donc cette fonction depuis un demi-siècle – avait commis l’irréparable à l’égard d’un enfant. Et derechef à quelques encablures du jour de l’an. « Excédé par l’un des garnements, le clown l’a giflé. L’artiste – indique le quotidien – devait pourtant divertir les enfants, avant l’arrivée du Père Noël. » Comme le show must go one et que le Père Noël aussi, le spectacle n’a pas trop pâti de cette incartade. C’est après le drame que les langues se sont déliées. « Les parents d’Hugo*, 9 ans, qui a reçu la gifle, jugent ce comportement ‘inadmissible’ pour ‘un professionnel de l’animation » (le prénom a été modifié, comme l’indique Le Bien Public en note). Tolérance zéro à l’égard des clowns tristes ou attristés. Il faut dire à la décharge de l’amuseur survolté que l’audience juvénile était électrique…  « Certains enfants auraient même jeté sur scène des bananes, que leur avait auparavant envoyée la compagnie de cirque, lors d’un numéro. ‘Avoir des bananes écrasées sous les pieds alors que l’on court, cela est dangereux’, note le clown. »  Oui, c’est une lecture. Une autre dirait que c’est drôle. Des bananes… Nous sommes passés juste à côté des quenelles…

Le maire du bourg, Patrick Morelière, déclare à nos confrères que ces « incidents ne devraient pas arriver ». En effet, il est temps de mettre au rencard les clowns qui sont à la fois blessants et dénués de tout humour ! Quant aux lecteurs du quotidien régional dijonnais pourvoyeur de l’anecdote, ils ne se sont pas privés de commenter le drame… « Si un clown avait mis une claque à mon enfant, je pense qu’il en aurait repris deux derrière » indique notamment une lectrice. Bang. Les parents de la victime, eux, n’ont pas porté plainte, pour « préserver leur fils ». Se faire gifler par un clown professionnel – le crime était quoi qu’il advienne irréparable.

L’année 2014 promet de ne pas être triste.

Ni drôle non plus. Bien au contraire.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Nous risquons tous de sous-estimer la liberté d’expression
Article suivant Quenelles
Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération