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L’affaire DSK, dégâts collatéraux…


Je tiens pour acquis que le refus de calquer le droit sur la morale personnelle marque la vraie nature de la civilisation. Le rôle des lois est de protéger la société des criminels, non de juger les mœurs privées. Aujourd’hui, avec l’affaire DSK, hier avec les cas Polanski et Kouchner, cette qualité essentielle semble néanmoins se transformer en morale perverse.

Après les révélations sur la vie dissolue de l’ancienne sainte qui ont finalement empêché la tenue d’un procès, qu’avons-nous dû entendre ? « DSK innocent ! », « DSK martyr du brutal système américain » voire DSK : « saint de la république sacrifié sur l’autel du populisme »- la femme de chambre du Sofitel ne possédant plus l’apanage de la pureté, il faut un nouveau saint aux esprits binaires. Comme si la mauvaise moralité de Nafissatou Diallo la protégeait d’une agression sexuelle, que les prostituées ne couraient jamais le risque d’un viol et qu’il n’existait sur cette terre que Dieu ou Diable !

Drôle de monde qui d’un côté refuse que le tempérament « séducteur » de DSK le condamne d’avance mais qui, le procès s’annulant, rend soudainement l’accusé à sa virginité de nourrisson, tant et si bien que quelques-uns paraissent espérer, d’une manière ou d’un autre, son retour dans la course présidentielle !

Une société libre, c’est-à-dire une société capable de distinguer la morale du droit, refuse d’ignorer qu’il existe des innocents en prison et des criminels en liberté. Mieux encore, elle ne se prononce jamais un comportement général mais juge un acte posé à un instant précis, ce dernier n’engageant pas la valeur fondamentale de celui qu’elle disculpe ou condamne. Ainsi, en fonction des circonstances et des lois, un salaud peut être lavé par la justice et un juste périr selon son glaive.

En théorie, le droit n’accorde pas de brevet d’aptitude au respect de la décence commune, aujourd’hui bafouée… Bafouée car pour les amis de DSK, la common decency se confond avec l’application stricte du droit dont on ne sait plus s’il est hors morale ou au contraire s’il la personnifie. Que penser d’un DSK tellement « séducteur » qu’une élue de son propre bord refuse de partager un ascenseur seule en sa compagnie ? Soit-dit en passant, ce simple fait le stigmatise plus encore que ne le ferait une condamnation criminelle en le portraiturant comme un sale type qui confond séduction et pression !

Inquiets à force de ne plus éduquer nos comportements à l’exercice subtil de la morale, nous demandons à la justice de nous indiquer ce qui est bien ou mal. Or, s’il est une grâce de vivre dans un système qui prend soin de distinguer la loi de la morale, l’enfer s’annonce lorsque cette morale se mélange tant et si bien avec la loi qu’elle finit par y disparaître.

Et si nous pouvons chérir un pays qui ne condamne pas un malotru sous prétexte de sa grossièreté envers les femmes, craignons ce monde où celui qui n’est pas condamné devient systématiquement un juste !



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est critique littéraire et professeur de philosophie.

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