Après une décrue spectaculaire jusqu’en 2005, la tuberculose connaît en France un renouveau ces dernières années. Renouveau modeste, mais prometteur grâce à l’abandon de la vaccination obligatoire des enfants, décidé en 2007 par le gouvernement. Qui montre ainsi qu’il est soucieux du devenir de notre littérature. Car celle-ci ne peut guère se passer d’une maladie qui lui est consubstantielle.
Il est permis d’espérer que les écrivains d’aujourd’hui, sortes de poupons toujours bien frais pour la plupart, bien portants, très organisés dans leur travail, dont on imagine qu’ils auraient réussi dans n’importe quel autre métier – banquier, bureaucrates, vendeurs de voitures – cèdent la place à la figure de l’écrivain telle qu’on la connaissait jadis : tuberculeux par essence. On aurait tort de croire que cette maladie contrecarre l’effort d’écriture. C’est tout le contraire. Ecoutons Paraz : » Streptomycine ! (…) J’ai 40° de tempé, mais ça ne m’a jamais gêné pour écrire, au contraire. » (Le Gala des Vaches). Un écrivain menacé de crever à tout moment produit nécessairement des trucs plus intéressants que les gérants de Sicav littéraire qui inondent les étals des libraires de leurs écrits falsifiés. L’écrivain tuberculeux parle de la vie, tout simplement.
Le plus extraordinaire avec cette maladie, c’est qu’elle constitue un sujet littéraire en elle-même. Le livre le plus drôle de la littérature française est peut-être L’hôpital : une hostobiographie où Alphonse Boudard raconte sa vie de tubard, de sana en sana. Il en profite même pour faire son » éducasse littéraire « , en lisant Proust au milieu des crachats et des urinoirs. Le tableau de ses collègues de chambrée vaut en tout cas le détour, comme dirait le guide Michelin. Ils sont encore plus pittoresques que les taulards décrits dans La cerise.
Reste évidemment à savoir s’il se trouvera un Boudard ou un Paraz parmi les tuberculeux de demain.
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