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La France est de retour ! (dans l’Otan)


La France est de retour ! (dans l’Otan)

Ça y est ! Après 43 ans d’absence, la France est de retour dans le commandement intégré de l’Otan ! Vous me direz : qu’est-ce que ça change ? Pour les uns, cette décision n’est qu’une heureuse clarification – qui ne change rien à l’essentiel, et ne saurait avoir que des avantages collatéraux.

Pour les autres au contraire, c’est un revirement dangereux : la France y perd, sans contrepartie, un peu plus de son autonomie. Accessoirement, dans un contexte géopolitique mouvant comme les sables du même nom, les conséquences à moyen terme sont imprévisibles… De fait, la France est engagée politiquement dans l’Alliance atlantique depuis sa création. Mais jusqu’à présent, et depuis 1966, elle seule pouvait décider des modalités de son engagement militaire. Quand ? Comment ? Où et jusqu’où ? Qu’en sera-t-il demain de cette marge de manœuvre(s)

À terme, savez-vous, le problème se pose même pour la dissuasion : la France est aujourd’hui la seule puissance nucléaire indépendante en Europe. En théorie bien sûr, cette autonomie n’est nullement remise en cause par notre retour dans le commandement intégré de l’Otan. Mais l’intégration est un processus : une fois enclenché, qui peut dire où il s’arrêtera ?

Voyez l’Europe : il y a loin de Rome à Lisbonne ! Parmi les signataires du traité de 1957, ils étaient peu, sans doute, à imaginer comment et par quelles « ruses de la Raison » européenne, on en viendrait cinquante ans plus tard au « mini-traité » de Lisbonne. Les uns, à l’instar de Robert Schuman, s’impatientaient déjà depuis 1951 et la Ceca. D’autres, comme de Gaulle, en eussent avalé leur képi. Prenons un peu de hauteur, si ca ne vous dérange pas. Jusqu’à présent, la France avait une politique étrangère originale et indépendante, fixée par « Le Général » et maintenue par tous ses successeurs. Le monde entier la lui reconnaissait, et le Tiers-Monde – l’Afrique et le Proche Orient en particulier – lui en étaient reconnaissants.

En s’engageant toujours plus avant dans l’intégration à un ensemble multinational lui-même de plus en plus intégré, notre pays n’est-il pas condamné à perdre cette originalité qui fait son rayonnement, cette indépendance qui fait son crédit – et pour finir son rôle sur la scène internationale ? « What the fuck ? », m’opposeront certains. Réponse : La France.

Il me semble que tous les pays dignes de ce nom – de la Chine à Taïwan (en passant par le Tibet) – mènent leur politique étrangère en fonction de ce seul critère : où est l’intérêt de mon pays, aujourd’hui et après-demain ? Et pourquoi, s’il vous plaît, la France ferait-elle exception ? Lorsque Nicolas Sarkozy parle de « retour dans la famille occidentale » (sic) les pays du Tiers-Monde ne risquent-ils pas de comprendre ce que ça veut dire ? A savoir que la France leur tourne le dos pour se fondre définitivement dans le Club des pays riches…

Dieu sait que je ne suis pas un inconditionnel du prétendu principe de précaution – surtout quand il est le prête-nom de l’obscurantisme écologiste. Mais lorsque ce principe peut sans risque éviter le pire, pourquoi l’écarter ? Pourquoi se précipiter quand il n’y a aucune espèce d’urgence… sauf celle d’attendre ? Je ne sais pas si vous avez remarqué mais, ces dernières décennies, plus l’Histoire s’accélère, plus notre mémoire collective semble se raccourcir.

La chute du Mur n’a pas encore fêté ses vingt ans qu’elle paraît déjà centenaire ! Or qui d’entre nous, à part ce ouf malade d’Emmanuel Todd, avait prévu l’implosion brusque de l’URSS, après 70 années qui semblaient suggérer l’éternité ? Et qui peut sérieusement prédire aujourd’hui le monde de demain ? Quelles alliances ? Allons-nous vers un couple sino-américain ? Ou germano-russe ? Lesquelles, parmi les « puissance émergentes », vont-elles vraiment émerger ? Et quid de la « poudrière proche-orientale » (comme on écrivait dans le temps) ? Nul n’en sait rien, ni à quelles menaces et à quelles agressions il faudra faire face demain.

Quelle mouche a donc piqué notre Président, pour qu’il choisisse aussi clairement son camp (le nôtre !) avant même de savoir dans quelle guerre ?



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