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La descente, c’est maintenant


Boulevard de la Bastille, le café Les Associés affiche complet dès 19 heures. A l’invitation d’Arnaud Montebourg, les sympathisants de La Rose et le Réséda se sont retrouvés dans ce troquet un tantinet branchouille pour célébrer la victoire annoncée de François Hollande. Petit à petit, le ban et l’arrière-ban de la montebourgie se postent devant les deux écrans de télévision égrainant les minutes qui nous séparent de l’heure H. L’issue ne fait guère de doute, grâce au tripatouillage post-électoral qui laisse tout loisir aux médias belges et suisses de vendre la mèche dès le début de l’après-midi. Entre 52 et 53% pour Hollande murmure-t-on près du génie de la Bastille.

Tandis que les spéculations vont bon train, les images d’archives défilent à l’antenne de France 2 : devant le visage vainqueur de Mitterrand en 1981, la foule des militants socialistes exulte. Trente ans après, la mariée n’est décidément pas rancunière ! Cocue mais éternellement reconnaissante, elle oublie volontiers les errements de son mari volage, l’enlèvement d’Europe au nom de la raison d’Etat libérale, pardonnant toutes les avanies possibles et imaginables au nom de la mythique union de la gauche. Nicolas Sarkozy est hué : certes, le héros triomphant de 2007 a massivement défiscalisé, multiplié les concessions à l’Allemagne, arrimé la nation à l’OTAN, perdu le match qui opposait la France à la mondialisation. Un vrai « socialiste » à la sauce Mitterrand-Jospin !

Déjà, alors que les premières estimations attendent leur heure, les slogans pro-Hollande fusent. Un début de liesse révèle la maigre force de conviction du militant PS moyen : on avait beau défendre la démondialisation, le protectionnisme européen et fustiger Monsieur synthèse molle le temps de la primaire socialiste, l’opposition à l’hydre Sarkozy fait peu de cas des divergences idéologiques. Paris vaut bien une fête et l’Elysée la mise en sourdine des clivages politiques. Tant pis pour l’intelligence…

Cinq, quatre, trois, deux, un… François Hollande est proclamé vainqueur par l’onction des instituts de sondage : 52 % bientôt ramenés à un plus modeste 51.6%. Le raz-de-marée attendu n’a pas eu lieu mais qu’à cela ne tienne, la fête est à son comble.
Quelques minutes plus tard, lorsque le président sorti dit adieu aux armes à la Mutualité, il se fait copieusement siffler. Malheur au vaincu ! Son bourreau du soir prend ensuite le micro, dans un discours victorieux prononcé à Tulle : fierté, respect et continuité républicaine sont de mise. Dommage, ici beaucoup ont envie d’en découdre avec l’UMP et se ravissent de son probable départ de la vie politique. D’après les premières études d’opinion, le président de la République a raflé 40% des voix bayrouistes, 50% des suffrages lepénistes. Las, la lame de fond antisarkozyste aura eu raison de sa remontée finale. A l’écran, Marine Le Pen répond aux ubuesques accusations de Nathalie Kosciuszko-Morizet qui lui impute la responsabilité de la débandade sarkozyste. Parmi les dizaines de socialistes qui remplissent la salle, un silence gêné accompagne la scène. Entre antifascisme d’un autre âge et conscience d’une alliance objective FN-PS, le cœur du quidam balance. A quelques mètres de là, on entend les premières notes du concert de Yannick Noah, chanteur millionnaire adepte du sans-frontiérisme qui entonne « Aux arbres citoyens », mièvre Marseillaise faussement écolo. Quelques drapeaux français colorent le ciel, noyés sous les étendards tunisiens, algériens, syriens, cubains, ivoiriens, uruguayens et une sono aussi agressive qu’un calembour de Nadine Morano.

Dans un coin des Associés, une poignée de mauvais coucheurs se réjouit de la défaite de Sarkozy mais n’ont pas voté Hollande. Plus inquiets qu’euphoriques, nous entrons dans l’opposition à 20h01. Notre petit doigt nous dit qu’une fois élu et investi, François Hollande se réconciliera illico presto avec « (s)on ennemie la finance » avant de bifurquer sur le terrain sociétal. Gageons que l’organisation d’un referendum sur la participation des étrangers aux élections locales, la légalisation du mariage gay et la réouverture de la peine de mort pour les vieux – pudiquement baptisée « euthanasie » – enfumeront des citoyens assommés par les plans de rigueur.

Hier soir, le peuple de gauche a cru élire Jaurès. A son corps défendant, il a peut-être désigné le Mario Monti français.



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est journaliste.

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