Joe Cocker : gloomy blues


Chez les commères savantes du rock, on lui reprochait d’avoir choisi la facilité de mélodies en moleskine, des chansons sinon d’aéroport au moins de jet privé, de s’être glissé dans la peau d’une sorte de crooner à la voix de râpe huilée au sirop de glucose. Or, le miracle de son chant se reproduisait toujours, et nous laissait interdits, stupéfaits, fervents.

Joe Cocker inventa le blues de Sheffield, ville du nord de l’Angleterre où il naquit, autrefois prospère par ses aciéries, condamnées à peupler les grands cimetières industriels sous la lune. Un peu de cet acier mêlé de rouille se fixa sur ses cordes vocales. Quand il chantait, lui au naturel si placide, se métamorphosait en bonhomme d’animation, des spasmes d’électricité agitaient son buste et brutalisaient ses mains. Il chantait, et c’était comme une forge de mélancolie.

Joe Cocker était malade depuis longtemps, aujourd’hui il est mort. Il fut à la mesure de notre immense chagrin moderne.



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Né à Paris, il n’est pas pressé d’y mourir, mais se livre tout de même à des repérages dans les cimetières (sa préférence va à Charonne). Feint souvent de comprendre, mais n’en tire aucune conclusion. Par ailleurs éditeur-paquageur, traducteur, auteur, amateur, élémenteur.

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