Hollande à Colombey: des nains et un géant


Hollande à Colombey: des nains et un géant
François Hollande à Colombey-les-deux-églises. Sipa. Numéro de reportage : 00760189_000005.
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François Hollande à Colombey-les-Deux-Eglises. Sipa. Numéro de reportage : 00760189_000005.

François Hollande multiplie actuellement les hommages au Général de Gaulle. En attendant le 18 juin, et la cérémonie au mont Valérien, il s’est rendu hier à Colombey-les-Deux-Églises. Le vendredi 17 juin, le chef de l’État visitera aussi l’exposition «Un président chez le roi – De Gaulle à Trianon» au Grand Trianon de Versailles. Puis il se rendra le lendemain, comme il le fait chaque année, au Mont Valérien, pour le 18 juin, date de l’Appel à la résistance lancé par le général en 1940. Il n’y aurait rien à dire à cela si quelque événement venait justifier ces commémorations. Notons qu’il aurait pu se rendre à la demeure du Général pour l’anniversaire de sa mort, ou qu’il aurait pu le faire le 8 mai, pour l’anniversaire de la victoire. Bref, pour tout dire, cela sent le fabriqué, le manipulé, le produit de communication, le pas vraiment sincère, bref la campagne électorale. Car, si ce n’est d’être le Président de la République, quels sont les titres de François Hollande pour rendre, en cette année 2016, un nombre aussi appuyés d’hommages ?

Hommages à contretemps ?

S’il souhaitait honorer l’homme politique, il pouvait choisir de le faire pour l’anniversaire de la constitution, c’est à dire le 4 octobre. Ou alors, il pouvait saisir le 70ème anniversaire du Discours de Bayeux (16 juin 1946) dans lequel le Général de Gaulle avait exprimé sa pensée sur les réformes institutionnelles qu’il souhaitait introduire. Ou encore, le discours d’Epinal, certes moins connu mais non point important (29 septembre 1946). Il pouvait aussi choisir de commémorer le discours de Phnom Penh s’il voulait saluer la politique étrangère de son illustre prédécesseur. Sauf que cela impliquerait un 1er septembre. On le voit, aucune date ne peut être précisément invoquée pour cette subite poussée de fièvre commémorative.

On dira, et cela n’est pas faux, que l’on peut commémorer en toute saison un homme immense. Sauf que rien, dans l’attitude de François Hollande, ne laisse à penser qu’il tienne Charles de Gaulle pour un homme immense. La comparaison, de plus, entre les attitudes de l’un et de l’autre serait bien cruelle pour François Hollande. Quand on sait avec quelle farouche énergie le général de Gaulle avait séparé sa vie privée de sa vie publique, allant même jusqu’à faire installer un compteur électrique sur les parties privées de l’Elysée afin que sa vie courante ne soit pas à la charge de la République, et quand on compare cela aux aventures sur deux roues de l’actuel résident du palais présidentiel se rendant en secret de sa compagne dans le lit de sa maîtresse, on conçoit bien que la comparaison n’est pas possible. Elle l’est encore moins si l’on se réfère à la politique où François Hollande a régulièrement pris le contre-pied de son illustre prédécesseur.

… et à contresens

Et cela renvoie à la folie qu’il y eut pour François Hollande de proclamer une « présidence normale ». L’acte d’exercer le pouvoir présidentiel est en effet tout sauf « normal ». François Hollande a confondu le « normal » avec le « commun. » Car, dans « normal » il y a norme et il peut y avoir plusieurs types de normes. En particulier, on peut penser qu’il y a une norme « héroïque » qui convient bien mieux à l’exercice du pouvoir suprême. Pour l’avoir oublié, pour avoir tiré la fonction présidentielle vers le « commun », et certes il ne fut pas le premier Nicolas Sarkozy ayant bien entamé cette tâche, il risque de passer à la postérité pour le président le plus détesté des Français. Ce n’est pas par hasard si, aujourd’hui, il y a une telle nostalgie pour le personnage qu’incarnait le général de Gaulle. Et les Français savent bien que l’homme ne correspondant pas nécessairement à l’image qu’il nous a léguée.

Mais ils lui sont reconnaissants d’avoir tenu ce personnage public même s’il pouvait être assez différent dans la vie privée. François Hollande, dès lors qu’il avait décidé de briguer la Présidence de la République, aurait pu, et dû, comprendre que la dignité de la fonction qu’il allait exercer impliquait des contraintes sur sa vie personnelle. Mais, à avoir voulu vivre une vie « normale », au sens de « commune », alors qu’il était dans une fonction exceptionnelle, il a tout perdu. Il a sous-estimé la dimension symbolique de la souveraineté qu’il allait incarner et cela sans doute, parce qu’européiste convaincu, et ses convictions sont respectables, il ne pouvait comprendre le caractère spécifique et particulier de la souveraineté et ce qu’elle implique pour qui l’incarne. Ici repose sans doute l’un des malentendus les plus tragiques et les plus destructeurs du mandat de François Hollande.

Alors, que conclure de tout cela ? Que François Hollande, conscient de sa petite stature, cherche à se grandir en montant sur les épaules du général. Assurément, il ne sera ni le premier ni le dernier à vouloir le faire. Mais qu’il prenne garde : à vouloir monter là où l’on n’a pas de raison d’être, on risque de chuter. Le général était grand, au physique comme au moral. La chute pourrait n’en être que plus brutale…

Retrouvez cet article sur le blog de Jacques Sapir.



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économiste, spécialiste de la Russie.

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