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Lettre à Shakespeare au sujet d’Hamlet Junior


Bonjour William,

Je viens de relire Hamlet. Tu ne seras pas étonné d’apprendre que je trouve ton travail sensationnel. J’imagine que tu dois en avoir marre d’entendre des éloges, aussi irai-je directement au fait.

Une question me taraude depuis deux jours. J’avoue qu’elle n’est pas des plus capitales, mais je te la pose malgré tout: si le Père d’Hamlet est un type bien, pourquoi  est-il en enfer ?

Il est étrange qu’Hamlet ne se pose jamais la question, lui qui s’en pose pas mal, comme tu sais. Avant de venger son père en tuant son beau-père, ne convient-il pas d’en savoir un peu plus sur le premier ? L’attitude normale vis à vis d’un fantôme n’est-elle pas de lui demander ce qu’il fait là, d’où il tient ses informations sur le type qui l’a dindonné, etc, etc ? Quel drôle d’oiseau que ce père vaporeux, tout de même. Je dois dire que cette manie d’en faire un mari idéal me semble profondément suspecte. On a envie de crier à Hamlet, comme chez Guignol: « Hou ! Hou ! Avant de t’en prendre à Claudius, demande-toi d’abord si le vrai méchant n’est pas le fantôme! ». Mais non, ce névrosé d’Hamlet se pose toutes les questions possibles, sauf la bonne.

Personnellement, j’établis un rapport direct entre cette idéalisation et l’impuissance d’Hamlet. Procrastination, sueurs froides, jérémiades : voilà ce qui arrive à un fils dont le Père ne descend jamais de son piédestal. Hamlet est la tragédie du Surmoi, et sa formule peut être résumée comme suit:  « Qui obéit à son Père au lieu de le tuer finit toujours en bien mauvaise posture ».

Malheureusement, tous ne sont pas d’accord avec mon interprétation. Ma femme soutient qu’il s’agit d’une explication psychanalytique « à la mords-moi le noeud » (je la cite), et que le Surmoi n’a rien à voir là dedans. Comme je ne suis pas très sûr de mon coup, j’aimerais beaucoup que tu m’écrives deux ou trois lignes à ce sujet, comme ça je saurai quoi lui répondre.

Fidèlement,
David



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