Mondial 2014 : Black-Blanc-Beur, la mauvaise piste


Mondial 2014 : Black-Blanc-Beur, la mauvaise piste

equipe de france

Vendredi soir, les Bleus vous ont régalés en réduisant l’équipe suisse au rôle de sparring-partner conciliant. Vous vous êtes enthousiasmés pour cette équipe, régalés de sa cohésion, de la solidarité entre les joueurs, du talent qui transpire. Il est bien évident que vous n’avez, comme nous, jamais pensé à l’origine des joueurs, ni à leur couleur de peau. Vous vous souvenez de Kopa, de Platini, de Vieira  ou de Tigana dont vous fichiez bien de savoir qu’il était né à Bamako ; c’était un Français, il avait un moteur dans le ventre. À l’image de ce cru 2014. Bref, cette équipe, vous commencez à l’aimez autant que vous avez détesté celle de Knysna.

Et puis, le matin, patatras. Comme souvent, les lendemains de fête sont difficiles. Les Bleus qui gagnent, c’est l’occasion rêvée pour nos hommes politiques de se lancer dans des envolées lyriques socio-footballistiques bancales. Cette fois c’est Julien Dray qui s’y colle : « Comme quoi le black blanc beur ça marche…Faut juste y croire et donner du temps au temps… »[1. Profil Facebook de Julien Dray. Il va de soi que nous n’aurions jamais fait état de cette déclaration si son profil n’était pas public.]. SOS racisme, association dont il est le fondateur, embraye sur Twitter : « La France multicolore (…) va se qualifier, pensée émue pour Eric Zemmour qui passe une très mauvaise soirée », aucun autre tweet ne viendra se féliciter de la victoire des Bleus, non, pour SOS Racisme, la victoire a le goût amer de la vengeance. Vous vous dites alors que décidément, certains n’ont rien appris, n’ont rien compris. Si SOS racisme est coutumier du fait, comment un esprit pourtant si vif et intelligent comme Julien Dray peut se laisser aller à ce genre de sottise ?

À croire qu’il n’a pas compris que cette tentative de récupération politique autour du slogan « Black-Blanc-Beur » était totalement éculée, après s’être retournée contre son objectif initial. Daniel Riolo l’avait très bien expliqué dans son ouvrage Racaille Football Club. Si la France gagne en 1998 parce qu’elle est black-blanc-beur, on en déduit ensuite –forcément- qu’elle nous fait honte en Afrique du Sud parce qu’elle est black-blanc-beur. Pour notre part, nous pensons que si elle gagne en 1998 et qu’elle nous donne de l’espoir aujourd’hui, c’est qu’elle regorge de talents et qu’elle est bien dirigée, par un entraîneur qui a rigoureusement coupé les branches pourries et apporté du sang neuf. Et qu’elle nous a ridiculisés en 2010 parce qu’une poignée de petits cons (bien aidés dans leur entreprise de démolition par un grand journal sportif) sans distinction de couleur, de race et de religion-  avait pris le pouvoir. Un avis que partage d’ailleurs la ministre Najat Vallaud-Belkacem « Quand je regarde Benzema, Sakho ou Matiudi, je m’interroge pas d’abord sur leur origine, je m’interroge sur leurs performances et leurs qualités ». Ouf.

Et au fait, Julien Dray, l’équipe de France a-t-elle cessé entre 1998 et 2014 d’être black-blanc-beur ? La diversité, dans le football, ce sont les profils techniques, pas la proportion de ceux qui vont à la mosquée, à l’église, aux putes, ou ailleurs. Si on se souvient des débats sur les morphotypes à la fédé de football il y a quelques années, les problématiques raciales avaient été balayés d’un revers de main par le sélectionneur Blanc et les Français de bonne volonté. Une équipe ne gagne pas ou ne perd pas parce qu’elle est homogène ou hétérogène ethniquement. L’Espagne gagnait hier, elle perd aujourd’hui. Elle ne gagnait pas parce qu’elle était homogène pas plus qu’elle ne perd aujourd’hui pour les mêmes raisons.

La réussite au très haut niveau se joue dans un savant mélange entre talent des joueurs, leur volonté de jouer ensemble pour leur pays, du savoir-faire de leur sélectionneur et aussi de la chance. Cela s’appelle le football.

Les Français se sont remis à aimer leur équipe depuis novembre et le match contre l’Ukraine. Elle n’avait pas beaucoup changé par rapport au match aller. On avait les mêmes proportions ethno-religieuses chères à Julien Dray et à FdeSouche. Et pourtant, il s’est passé quelque chose. Entretemps, Deschamps a imposé Varane. Et puis, par la suite, il s’est définitivement débarrassé d’une génération capricieuse en se privant de Nasri ou Ménez ou Abidal. D’un seul coup, l’esprit avait changé. Notre regard, sûrement aussi. L’un des plus beaux symboles de cette équipe est justement Raphaël Varane. Certains voient dans le jeune défenseur un métisse  ; pour notre part, nous avons l’impression de revoir Kaiser Franz.

Parce que nous aimons le football, sans doute.

*Photo : David Vincent/AP/SIPA. AP21586477_000004.



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