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Européens, encore un effort !


Européens, encore un effort !

La métaphore n’est peut-être pas la plus délicate, ni d’ailleurs la plus adéquate, mais L’Europe frigide d’Elie Barnavi pose d’entrée un constat : le désir d’Europe s’est dramatiquement affaibli dans les pays membres de l’Union européenne. Le double refus français et néerlandais du Traité constitutionnel, le « non » irlandais au Traité de Lisbonne ne sont pas des phénomènes marginaux, mais des révélateurs de ce mal insidieux qui ronge l’Europe institutionnelle. Barnavi fait une description clinique de cette forme d’aboulie politique qui empêche l’Union européenne d’accéder au statut de pôle planétaire de puissance et de rayonnement, aux côtés des Etats-Unis aujourd’hui et, peut-être demain, de la Chine.

Historien israélien devenu, après son passage dans la diplomatie, conseiller scientifique du Musée de l’Europe à Bruxelles, Barnavi rêve d’être pour l’Union Européenne ce que Michelet ou Renan furent jadis pour la nation française : le producteur d’un récit historique dans lequel les citoyens du Vieux Continent trouveraient les héros et les symboles de leur unité dans la diversité. Si les princes ont fait les Etats, les historiens, certes, ont grandement contribué à construire les nations et leur conscience collective, mais cela ne marche pas à tous les coups. La fascination de l’historien Barnavi pour ce phénomène inouï – l’abandon volontaire d’éléments de souveraineté de l’Etat-nation au profit d’un instance supérieure supranationale – l’incite à estimer irresponsable que des peuples, et les hommes politiques censés les guider, ne s’enthousiasment pas (ou plus) pour ce projet grandiose : la création d’un empire par consentement mutuel.

Il regrette ainsi que l’Europe se refuse à franchir le « portail sacré du politique », selon l’expression de Jean-Louis Bourlanges, fervent europhile aujourd’hui bien désabusé. Le retour en force de l’Etat-nation, y compris au coeur même de l’Union européenne (voir les Flamands), n’est pas une régression, contrairement à ce que pense l’auteur, mais le rappel d’une évidence: depuis Athènes, l’espace du politique est celui où les citoyens, même lorsqu’ils s’affrontent durement, parlent de la même chose dans la même langue. L’organisation du parlement européen en groupes politiques et non pas nationaux est un leurre qui ne trompe que ceux qui veulent bien l’être. A l’exception, peut-être des Verts, seule mouvance dotée d’une idéologie vraiment transnationale, les affinités demeurent plus nationales que politiques. Ainsi, un PS français se sentira, intimement, toujours plus proche et solidaire d’un UMP que d’un blairiste britannique… C’est pourquoi il est à craindre que la potion que le Dr Barnavi se propose, avec une conviction admirable, d’administrer à l’Europe pour la remettre sur le chemin de l’orgasme communautaire ne se révèle poudre de perlimpinpin.

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