Accueil Politique Et si Copé avait un métro de retard ?

Et si Copé avait un métro de retard ?


Photo : UMP Photos

Mardi soir, au siège de l’UMP, les partisans du Président sortant débattaient des « valeurs ». Vaste programme ! Les « valeurs », parlons-en. Ce serait l’angle mort du projet de Hollande, contre lequel les troupes de l’UMP ferraillent sans cesse, pointant ici et là quelques franches contradictions (régularisation partielle des sans-papiers, création de 60 000 postes dans l’éducation nationale en provenance d’autres services publics, droit de vote accordé aux étrangers et appel permanent à la République, je t’aime moi non plus adressé à la finance…). Par un mimétisme des formes, ces fameuses « valeurs », nous dit-on, structureraient le début de campagne de Nicolas Sarkozy, très axé sur le « régalien » (identité nationale, sécurité, immigration) sur les conseils de son spin doctor Patrick Buisson.

Ouverte par Jean-François Copé[1. Qui se targue d’avoir lancé un grand programme de réflexion en concertation avec des think tanks européens, à commencer par la Fondation Konrad Adenauer, conscient que la France et l’Allemagne ont « des intérêts communs ».] , grand architecte de l’événement, animé par Marie-Anne Montchamp, secrétaire d’Etat aux handicapés, prise de guerre villepiniste de novembre 2010. Plus sarkozyste que le candidat de l’UMP, Montchamp ouvre la danse avec le zèle des convertis : les « courageuses » réformes du quinquennat exprimeraient les saintes « valeurs » de la France, si méchamment niées par une gauche archaïque. Copé remet une couche sur le même ton : le programme de François Hollande serait bien sûr has been, émanant du parti du conservatisme (si seulement…), resté bloqué en 1981, comme si nous vivions toujours dans ce XXe siècle crypto-soviétique. Travail-autorité-liberté-solidarité-laïcité : en v’là des « valeurs » que personne n’aurait songé à défendre !

Sur le même registre, mais plus finement, la plupart des quatre intervenants rejouent la même partition sarkozyste en taclant implicitement l’opposition. Du Nadine Morano light. Ancienne membre de la Commission Balladur, la constitutionnaliste Anne Levade défend mordicus les institutions de la Ve République comme cadre juridique des « valeurs » précitées. On la comprend, notamment lorsqu’elle fait l’éloge du référendum comme exercice de démocratie directe, dans le même esprit que l’élection du Président de la République au suffrage universel, que la gauche parlementaire a si longtemps (et idiotement) condamnée.

Quelques minutes plus tard, sa consoeur Pascale Joannin, directrice de la Fondation Robert Schuman, essaie de résoudre une équation explosive : comment réconcilier la France du Oui et du Non au Traité Constitutionnel Européen de 2005 ? La recette est simple, nous explique-t-elle, et celui qui n’était alors que candidat putatif à l’Elysée l’a proposée dès 2006-2007 : présenter un mini-Traité européen qui reprend l’essentiel de la Constitution rejetée par le peuple français. Au passage, l’élection à la fonction suprême vaudra gage de légitimité : après tout, Sarkozy avait annoncé la couleur et les Français l’ont élu à 53%… face à une adversaire degauche tout aussi oui-ouiste !
Répondant à une question du public, Anne Levade dira d’ailleurs ce que Pascale Joannin pense tout bas : si référendum il y avait eu sur Lisbonne, le traité aurait probablement été rejeté ! Mis en rapport avec son soutien appuyé aux projets de consultations plébiscitaires du candidat à sa réélection, cet aveu signifie une chose : les référendums, c’est bien lorsqu’on est sûr de les remporter … N’est pas De Gaulle qui veut.

Suivra l’intervention de l’ineffable Dominique Reynié, directeur général de la Fondation pour l’Innovation politique, la boîte à idées officieuse de l’UMP (ce qu’il ne faut pas claironner trop fort pour éviter d’énerver ce social-démocrate bon teint…). Le professeur à Sciences Po se penche sur un de ses thèmes de prédilection, ennemi tout désigné par la prêtresse Marie-Anne Longchamp : le populisme, voilà l’ennemi ! Inutile de définir le terme, la presse et les médias audiovisuels s’en chargent quotidiennement et il n’est pas un seul militant UMP présent dans la salle pour questionner la pertinence de son usage intempestif. Loin de la rigueur conceptuelle d’un Pierre-André Taguieff, le mot et la chose sont ici exploités à toute fin utile. Notamment pour discréditer les critiques de la construction européenne et toute remise en cause de la potion imposée à la Grèce en échange d’un neuvième plan d’aide qui ne l’empêchera pas de couler. Miss Montchamp évoquera même une responsabilité collective des Grecs, d’après elle si prompts à accumuler du déficit, de la dette et fuir le fisc. Au fait, comment éviter le populisme né de la dette, questionne Montchamp ? La dette qui vous soumet aux marchés financiers par l’apparition du Saint Esprit, n’eût été la loi du 3 janvier 1973 qui interdit à la Banque de France de prêter à l’Etat à taux zéro et contraint nos dirigeants à emprunter sur les marchés financiers. Inconnue au bataillon en ces lieux. Et ne vous avisez pas d’aborder l’épineuse question, populiste va !

Quant aux effets secondaires de la lutte contre le populisme, Copé et Montchamp semblent les avoir oubliés. A croire qu’ils n’ont pas entendu les envolées bonapartistes du discours de Marseille de leur champion Sarkozy qui a lancé sa campagne au nom de « l’appel au peuple » et du contournement plébiscitaire des « corps intermédiaires ». Il faudrait accorder vos violons, les amis. Parce que si la ligne du parti, c’est ce qu’on a entendu ce soir-là rue de Vaugirard, Jean-François Copé risque de réclamer au Bureau Politique l’exclusion immédiate de Nicolas Sarkozy…
Finalement, hormis le brillant exposé de Frédéric Rouvillois sur la généalogie de l’utopie, de Thomas More aux totalitarismes[2. Hélas objet de toutes les récupérations politiques car pour l’UMP, valeurs = pragmatisme = résignation de la droite opposé au supposé idéalisme « gaucho-socialiste ». On rit !], un seul point saillant surnage : la très convaincante diatribe de Reynié contre l’infotainment. Du Petit journal à On n’est pas couché, cette dérision permanente discrédite les politiques, constamment raillé et livré en pâture aux artistes, actrices pornos et autres humoristes qu’ils côtoient dans d’indigents talk shows. Si cette dérive n’explique pas le divorce entre le peuple et ses élites, elle participe à coup sûr d’une chienlit niveleuse qui considère nos gouvernants comme des paquets de lessive à choisir.

A l’issue de ce symposium pro domo, on aurait aimé que l’UMP amorce un début d’autocritique, ne serait-ce que sur des points secondaires de son bilan. Au lieu de cela, la masse des spectateurs convaincus s’est engluée dans de stériles réquisitoires contre le « populisme keynésien », « l’utopisme de la gauche » et la dissolution de « l’identité judéo-chrétienne de la France » par l’immigration de culture islamique. A ce dernier point[3. Qui mériterait de plus amples développements.] comme sur tant d’autres sujets, sans céder à la panique morale du peuple de droite, on opposera la question suivante : depuis dix ans, la faute à qui ?



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