Miscellanées universalistes abstraites


Miscellanées universalistes abstraites

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Mississippi Burning

Parfois, ceux qui veulent travestir vos opinions vous font de jolis cadeaux. Alors disons-le tout net : oui, je suis un « universaliste abstrait ». Cette expression stigmatisante, utilisée par les ennemis de la laïcité en général et du Printemps républicain en particulier, est abominablement bien trouvée et me sied à ravir.

Oui, je pense que la laïcité old school, « à la française », est un modèle universel, valable pour la Terre entière, y compris en faisant abstraction du poids de l’Histoire, des mentalités et toussa toussa. Parce que justement, ce poids devient pesamment pesant.

Oui, je suis un « universaliste abstrait » parce que la laïcité – sans adjectif à la noix pour la lobotomiser – garantit intégralement la liberté de culte, mais verrouille les tentations totalitaires des fanatismes religieux.

Un exemple de ce qui se passe là où la laïcité est exotique ? Dans l’Etat du Mississippi, le gouverneur, sous la pression des télévangélistes et de l’électorat « Bible Belt » vient de valider une loi qui, au nom de la « liberté religieuse », permet aux  entreprises et aux commerces de refuser la clientèle gay, lesbienne ou trans.

Alors oui, notre modèle est supérieur, parce qu’il rend impossible ce genre de « libertés ». Il est bon pour nous, et au lieu de l’enterrer peu à peu, on ferait mieux de se battre pour l’exporter dans le monde entier !

PS : Amis de la liberté huguenots, calvinistes et tutti quanti, harcelez vos églises pour qu’elles prennent position ! Le silence de la Fédération protestante de France sur ce genre de dérives commence à devenir assourdissant. Not it your name ! Je me permets d’adresser la même supplique aux catholistes non intégristes, face aux velléités de certaines églises nationales d’interdire totalement l’IVG.

Benbassa vs Mary Quant

Je laisse à mes copines féministes, fashionistes, exhibitionnistes, bellesgambettistes ou simplement anticrétinistes le soin de répondre comme il se doit à la tribune salafo-relativiste publiée ce matin par la sénatrice EELV Esther Benbassa dans Libé sous le titre : « Le voile, pas plus aliénant que la minijupe »

Mais, en tant que vieil habitué du Café de Flore, j’insisterais quand même sur la conclusion de cette tribune, d’une hauteur de vue sidérante : « Quant à nos ministres et intellectuels germanopratins, une petite promenade hors de leurs ghettos les aiderait sûrement à révoquer en doute quelques-unes de leurs certitudes.»

Après avoir bien rigolé, j’ai aussitôt pensé à une autre déclaration du même tonneau :  « C’est bien beau les leçons de droits de l’Homme et les postures, entre le café de Flore et le Zénith (…) C’est bien beau le principe qui consiste à être tellement certain de tout ce à quoi on pense en prenant son café-crème boulevard Saint-Germain ». Elle est signée de Nicolas Sarkozy, lors de sa conférence de presse à l’Elysée, le 10 décembre 2007.

Arrête ton char, Segard !

Bien que résolument hostile à la loi Travail, je ne suis pas de ceux qui disent qu’elle «nous ramènerait au XIXe siècle», parce que l’exagération nuit à la crédibilité. N’empêche, certains patrons s’évertuent à nous prouver le contraire.

Ainsi, François Segard, PDG des Fonderies du Nord à Hazebrouck, veut licencier trois ouvriers syndiqués à la CGT pour avoir fait grève jeudi contre la loi El Khomri. 
Sous prétexte d’avoir « désorganisé la production », les trois hommes sont convoqués le vendredi 8 avril dans la matinée pour entretien préalable à leur licenciement. En attendant, ils subissent une mise à pied conservatoire.

S’il y a une justice dans ce pays, j’attends que Monsieur Segard passe la nuit prochaine au poste, ainsi que quelques autres, pour avoir délibérément violé le Code du travail et la Constitution. Plus largement, cette affaire vient nous rappeler que les lois sociales ne peuvent être qu’ « inégalitaires ». 
Sans lois contraignantes, un patron peut licencier sans motif valable et sans risques un ouvrier. Un ouvrier ne peut pas licencier son patron, même s’il est totalement incompétent. Le droit du travail a vocation à rétablir un minimum d’équité, donc de civilisation. N’y touchez pas!



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De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

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