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Finances publiques françaises: un indispensable «changement de logiciel»

La France peut-elle encore éviter la chute économique ?


Finances publiques françaises: un indispensable «changement de logiciel»
Luca de Meo, le patron de Renault avec le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, Sandouville (76), 29 mars 2024 © ROMUALD MEIGNEUX/SIPA

Une analyse d’André-Victor Robert, auteur de La France au bord de l’abîme (éd. L’Artilleur, 2024), qui estime que notre pays risque de connaitre à très court terme un effondrement économique majeur, si rien n’est fait.


De longue date, la France témoigne d’un penchant immodéré pour la dépense publique et ses deux corollaires que sont les prélèvements obligatoires et l’endettement. De tous les pays d’Europe occidentale, c’est en France – et de très loin – que les dépenses publiques sont les plus élevées, en proportion du PIB : 58,1 % en 2022, à comparer à 49,7 % en Allemagne ou 44,5 % aux Pays-Bas… Cet argent est-il bien dépensé ? L’effondrement de la France au fil des ans dans les classements éducatifs internationaux et l’état de délabrement de certains de nos services publics (hôpitaux, police, justice…) conduisent à en douter, et d’ailleurs la satisfaction des Français vis-à-vis de leurs services publics est médiocre, significativement moins bonne que chez tous nos voisins, exceptées l’Italie et l’Espagne, si l’on en juge par les résultats 2017 de l’Eurobaromètre.

Financer des dépenses publiques élevées exige un recours massif à l’impôt ou à l’endettement : la France a choisi de faire appel à l’un et à l’autre, dans des proportions inégalées chez nos voisins. Exception faite du Danemark, c’est en effet en France que le taux de prélèvements obligatoires est le plus élevé parmi les pays d’Europe occidentale, à 48% du PIB en 2021. La France a pour autant aussi largement recours à l’endettement pour financer ses dépenses publiques : depuis vingt ans, le solde budgétaire courant (c’est-à-dire le solde des recettes et dépenses publiques exceptées les charges d’intérêts) est en effet systématiquement plus négatif – ou moins positif – dans notre pays que chez tous nos voisins y compris l’Italie et l’Espagne.

Dette publique sans précédent depuis la guerre

En Europe de l’ouest, seules la Grèce et l’Italie présentent une dette publique – exprimée en pourcentage du PIB – significativement plus importante que celle de la France, et à 110,6 % du PIB, la dette publique française atteint un niveau quasiment sans précédent depuis 1900, si l’on excepte les années au sortir des deux guerres mondiales ; mais à l’époque la dette publique française était majoritairement détenue par des résidents, alors qu’elle est aujourd’hui détenue pour plus de la moitié par des étrangers, et au surplus les ménages et entreprises français étaient bien moins endettés qu’aujourd’hui.

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Dépenses publiques élevées et faible satisfaction des usagers, fort recours tout à la fois à l’impôt et à l’endettement pour les financer, les conséquences de ces piètres résultats sont dramatiques : la dégradation continue de nos performances éducatives finit par peser négativement sur le niveau de qualification de la main d’œuvre et donc sur la productivité de celle-ci, qui constitue le principal déterminant à long terme du niveau de vie de la population ; le niveau élevé des impôts pèse sur le pouvoir d’achat des ménages et sur la compétitivité de nos entreprises ; enfin, le niveau élevé de notre endettement dégrade notre souveraineté et nous expose à une possible – pour ne dire probable – remontée des taux d’intérêts.

Notre pays est sur le déclin : nous avons perdu des parts de marché, notre industrie s’est réduite comme peau de chagrin, et, exprimé par habitant et en parité de pouvoir d’achat, le PIB français est inférieur de 14,5% au PIB allemand en 2022, alors que l’écart n’était que de 1% en 1974 (source OCDE). Le pire serait de laisser la situation se dégrader encore un peu plus sans rien faire, et d’attendre d’être sous la pression des évènements pour prendre des décisions qui s’imposeraient et seraient alors en grande partie subies. Il y a à notre sens urgence à « changer de logiciel » et à définir une stratégie claire pour enrayer ce déclin, plutôt que de différer la prise de mesures correctrices. Le redressement de nos finances publiques nous semble devoir s’appuyer sur quelques principes, que nous exposons et détaillons maintenant.

Quelles dépenses publiques rogner ?

Tout d’abord, on peut considérer que le niveau d’ores et déjà extrêmement élevé des prélèvements obligatoires interdit toute hausse supplémentaire de ceux-ci, sauf à accepter de faire encore un pas dans la direction de ce qu’il faut bien appeler du « collectivisme ». C’est donc dans les dépenses qu’il va falloir tailler.

La réduction des dépenses devra toutefois être ciblée, dans le temps, et selon les types de dépenses. En période de mauvaise conjoncture, la réduction des dépenses publiques est susceptible d’aggraver la récession, alors qu’à l’inverse en période de bonne conjoncture, un surcroît de dépenses publiques est susceptible d’alimenter l’inflation et d’évincer des dépenses privées. C’est donc avant tout sur les années de bonne conjoncture que devra porter la réduction des dépenses. Il n’est pas normal que le solde budgétaire de la France soit systématiquement négatif depuis cinquante ans, il n’est pas normal que les années de bonne conjoncture n’aient pas été mises à profit pour dégager un solde budgétaire positif et ainsi réduire la dette publique.

S’agissant du type de dépenses à cibler, il conviendra d’épargner les dépenses qui contribuent à la croissance de la productivité et par là-même au maintien et à la progression du niveau de vie de la population, ce qui inclut une partie des dépenses d’enseignement et de recherche. Pour ne donner qu’un exemple, il est difficile d’imaginer que l’on puisse redresser le système éducatif sans mieux rémunérer les enseignants nouvellement recrutés, pour autant que leurs compétences le justifient, tant la profession d’enseignant souffre à présent d’une désaffection profonde. Cela ne veut pas dire que toutes les dépenses engagées par le ministère de l’éducation méritent d’être sanctuarisées, il y a sans doute des économies possibles par ailleurs dans le budget de ce ministère, au niveau des personnels administratifs par exemple, ou encore en instaurant une sélection à l’entrée à l’université, de façon à dissuader à s’engager dans les études universitaires les étudiants qui ont a priori une très faible chance de les mener à bien.

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Mieux cibler les dépenses, c’est aussi, pour l’état français, se préoccuper en priorité du bien-être de ses seuls ressortissants (à l’instar de ce que font tous les États à la surface de la Terre) et renoncer à l’objectif – vain et pour tout dire un peu délirant – de vouloir sauver la planète et l’ensemble de ses habitants. La plupart des pays du monde (quasiment tous les pays hors UE) ne consentent à autoriser à séjourner sur leur sol que les migrants qui sont peu susceptibles de peser sur leurs finances publiques, et les étrangers qui ne sont plus en mesure de subvenir à leurs besoins sont en règle générale invités à regagner leur pays d’origine. 

Un assentiment populaire difficile à obtenir

Enfin, l’État doit cesser de s’ingénier à empêcher les individus de travailler et les entreprises de produire. La coexistence de nombreux emplois peu qualifiés non pourvus et d’individus en âge et en capacité physique de les occuper justifierait de durcir les conditions d’octroi du RSA, en alignant par exemple les obligations de recherche active d’emploi des bénéficiaires du RSA sur celles qui sont imposées aux chômeurs indemnisés. Lorsque l’état (ou l’UE) impose aux entreprises industrielles des normes drastiques d’émissions de gaz à effet de serre qui conduisent ces entreprises à délocaliser leur production dans des pays où ces normes ne seront pas respectées, et ce alors même que la France représente moins de 1% des émissions mondiales de GES, on peut considérer que la mesure est contre-productive à la fois au regard d’un objectif hypothétique de réduction des émissions de GES et en termes de recettes fiscales pour la France.

Nous considérons que les résistances éventuelles, au sein de l’élite et de la haute administration, à ce changement de paradigme, se manifesteront avec d’autant moins d’acuité et de véhémence que le peuple sera associé étroitement au suivi et au contrôle des dépenses publiques.

En la matière, on pourrait songer à s’inspirer de l’exemple de la Confédération helvétique, où l’existence – à tous les niveaux du pouvoir – du référendum d’initiative citoyenne contribue grandement au bon emploi des deniers publics en obligeant les élus et les administrations à s’interroger sur le risque d’une possible censure populaire à l’encontre de tout projet dont les bénéfices paraîtraient trop faibles ou trop incertains au regard des coûts à engager.



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André-Victor Robert est économiste. Il est l’auteur de « La France au bord de l’abîme » (éd. L’Artilleur, 2024)

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