Les idées – quelles soient de droite ou de gauche – sont certes importantes, et il est essentiel de ne pas nous enfermer dans un conformisme idéologique. Mais ne sous-estimons pas non plus le rôle du lien empathique avec l’autre qui nous donne envie de débattre avec lui. Le regard de Philippe Bilger.
Il y a mille manières de se tromper ou d’être en désaccord : j’aime, en général, la façon qu’a Marianne de traiter de la liberté d’expression, de la Justice, de la droite et de la gauche.
Sur le plan judiciaire, Laurent Valdiguié est incomparable. Pour les analyses politiques, Hadrien Mathoux est très pertinent.
Récemment j’ai pu lire un texte de Léa Dubois suscitant une réflexion stimulante avec ce titre : « CNews, Valeurs actuelles, FigaroVox… même les « droitards » c’était mieux avant ! ».
Je ne suis pas enchanté par le terme « droitards » même si je crois percevoir derrière le sarcasme une touche de tendresse…
Je ne crois pas qu’on puisse dire « qu’ils étaient mieux avant ». En tout cas, ils étaient plus rares et moins libres. Sans abuser du terme, ils faisaient de la résistance. Ils se heurtaient à un climat qui ne les accueillait pas à esprits ouverts. Il avaient à vaincre une épaisse couche de conformisme qui les faisait systématiquement apparaître pour des provocateurs, des agités. Alors qu’ils se permettaient seulement d’instiller quelques gouttes de dissidence dans un océan largement consensuel. Celui-ci était majoritairement orienté à gauche en vertu de cette absurdité, qui a fait beaucoup de mal, selon laquelle les médias se devaient d’être un contre-pouvoir, avec une propension perverse à ménager les pouvoirs de gauche et à accabler ceux de droite.
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Aujourd’hui, si on conteste ces chaînes et ces sites – on pourrait rajouter Causeur -, ils sont aussi « installés » dans le paysage médiatique. Ils ne se contentent plus de jeter quelques piécettes dans le bain de l’information générale, ils participent très directement à l’élaboration de celle-ci, à sa validation ou à sa mise en cause. La démonstration la plus éclatante de leur impact est d’ailleurs la dureté de l’offensive que concurrents et instances de régulation mènent contre eux.
Il est capital que pour vivifier nous soyons prêts non seulement à tolérer la contradiction mais à la vouloir, en ouvrant de larges fenêtres sur les antagonismes qui pour l’instant demeurent à nos portes, au lieu de venir se proposer avec liberté et audace. Il est clair que tout seuls nous mourrons à petit feu, aussi contents de nous et de nos idées que nous serons !
Rien ne serait pire qu’une partialité qui nous détournerait de considérer le conformisme de droite quand celui de gauche continuerait à nous endormir, à nous indigner !
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Cependant, dans cette réplique consacrée aux « droitards » d’aujourd’hui, je dois faire un aveu. Les idées certes ne me sont pas indifférentes. À arbitrer, je me passerais volontiers de celles d’Edwy Plenel pour garder celles d’Alain Finkielkraut ou de Michel Onfray quand il est le contempteur de notre modernité dévoyée. Mais je dois reconnaître qu’elles ne sont pas fondamentales dans l’approche immédiate que j’ai d’un être humain, intellectuel ou non. Ce qui compte d’abord pour moi, c’est le visage. Avant même que le propos de droite, de gauche ou d’ailleurs ait permis un ancrage. Le visage, l’empathie, l’être humain, le lien instinctif qui vous donne envie ou non de poursuivre avec quelqu’un, de commencer l’échange avec un homme ou une femme. C’est toujours peu ou prou la même interrogation : sera-t-il, sera-t-elle un personnage ou une personne ?
C’est vrai pour ceux avec qui j’ai déjà débattu, pour les animateurs de plateau, pour les gloires médiatiques comme pour le commun des mortels.
D’abord le visage puis le mot et, enfin, le lien.
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