Comment se débarrasser de la CGT?


Comment se débarrasser de la CGT?
(Photo : SIPA.00757742_000051)
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C’était pourtant bien calculé. Le mouvement social qui dure tout de même depuis deux gros mois devait se dissoudre dans l’Euro. La compétition de foot, pas la monnaie qui n’a pas de majuscule. Encore que la confusion puisse être entretenue puisque l’euro aussi (la monnaie donc) a pour mission de faire s’évaporer toute contestation possible au niveau national d’une politique économique gravée dans le marbre de l’Europe. Sachant que le dernier empire en date ayant agi de cette manière s’appelait l’URSS.

Oui, avec la lâcheté coutumière et le machiavélisme de comptoir du libéralisme honteux à la sauce hollandaise, on avait compté, du côté du gouvernement, sur la vieille devise romaine : « Du pain et des jeux ». Le problème, c’est que le volet « pain » a été un peu trop oublié avec la loi El Khomri. Alors du coup, pour tout dire, la fête est d’ores et déjà un peu gâchée. Voilà qu’on ne sait même pas s’il y aura assez de RER pour amener les supporters au Stade de France pour le match d’ouverture avec la Roumanie, un autre pays exemplaire qui vient, lui, de réélire la plupart de ses maires accusés de corruption façon Levallois-Perret.

En plus, le gouvernement doit rager puisque la divine surprise des inondations n’a même pas fait fléchir les affreux de la CGT. A croire que ces syndicalistes obtus, fanatiques même,  sont protégés par une espèce de grâce efficace qui les empêche, contrairement à leurs concitoyens, d’avoir des pieds dans l’eau. Si on écoute les médias, d’ailleurs, on a même l’impression que les cégétistes et consorts non seulement ne sont pas inondés mais ne sont pas non plus des travailleurs ou alors des travailleurs dont le métier exclusif seraient d’empêcher les honnêtes gens, ceux qu’on n’a de plus en plus de mal à trouver dans les micros-trottoirs, d’aller travailler justement.

Le syndicaliste, cet extraterrestre

En fait, un syndicaliste, par les temps qui courent, c’est pratiquement un extraterrestre : il marche sur l’eau, il n’aime pas le foot et surtout il est à peine français puisqu’il se moque de l’image de la France à l’étranger. On ne sait plus sur quelle fibre jouer pour l’amadouer. Il est complètement enfermé dans sa logique de lutte des classes et doit comploter le soir dans un bunker souterrain autour de Philippe Martinez dans le rôle de l’Ombre Jaune en comptant les subsides que lui envoient de mystérieuses étrangères.

Depuis la disparition de l’URSS, que nous avons signalée plus haut et qui était bien pratique pour accuser tout ce qui était à gauche du PS de servir la subversion communiste internationale, il ne reste plus guère que la Corée du Nord ou les Emirats arabes. Ah, non, excusez-moi, les Emirats arabes et l’Arabie saoudite, malgré l’Etat islamique qu’ils ont réchauffé en leur sein, sont nos alliés officiels et de très bons sponsors pour nos compétitions sportives, ce qui ne gâche rien. On peut ainsi parier que la Sainte et Récente Colère de Nicolas Sarkozy contre la tyrannie des minorités et le communautarisme qu’il a articulé dans une grande subtilité dialectique avec les racines chrétiennes de la France, ne visait en aucun cas nos amis qataris, par exemple. Car finalement le Qatar aime la France, lui, contrairement à la CGT.

En plus, la CGT a commis un autre crime : il a rappelé que la classe ouvrière existait. Entre le terranovisme post-socialiste et le néo-libéralisme hardcore des candidats à la primaire de LR, on l’avait un peu oublié, le prolo. La France était ce pays qui aimait le libéralisme et qui bientôt serait entièrement peuplé de geeks auto-entrepreneurs travaillant dans la conception graphique. Ou de monades ubérisées se transformant en artisans le week-end après une semaine à avoir transporté des gens dans leur voiture particulière.

Et voilà qu’à cause d’une minorité tellement minoritaire (mais alors comment arrive-t-elle à mettre un tel souk sans que les gens les lapident dès qu’ils les voient?), tout d’un coup, on s’aperçoit que Monsieur Geek et Monsieur Uber prennent parfois le train, l’avion ou le métro,  descendent leurs poubelles après avoir fait leur tri sélectif parce qu’ils sont éco-responsables et mettent de l’essence dans leur voiture. Bref, qu’il faut des gens en bleu de travail, en casque et qui parlent de manière rugueuse pour que ce joli monde puisse tranquillement vaquer à son esclavage consenti. Celui qui renvoie à l’époque préindustrielle décrite par Marx, quand chaque artisan tisserand bossait chez lui et non en usine, et du coup était soumis à un dumping social permanent. Donc, il est urgent, désormais, de se débarrasser de la CGT, de Sud et autres activistes anti-France.

Je n’ai pas de conseils à donner mais je la connais, moi, l’arme fatale pour que l’image de la France ne soit pas atteinte et que cette partie des travailleurs pauvres et moyens pauvres qui ont de quoi mettre quelques centaines d’euros pour aller voir un match ne soient pas frustrés : il suffit de retirer la loi El Khomri.

Et vous verrez,  tous ces rouges démoniaques rentreront bien vite dans la tanière dont il n’aurait jamais dû sortir. Et nous retrouverons notre image de pays moderne, merveilleusement moderne, baignant dans un bonheur parfait.



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