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À la Bastille avec Jean-Luc Mélenchon


Un petit tour du coté de la Bastille en cette après midi de mai était des plus instructifs.
La place était rouge mais pas vide. Dans la bonne odeur du graillon et sur un air de Bella Ciao, ils sont venus ils sont presque tous là : pas trop de bobos, étonnamment, pas non plus d’ados pré-pubères en rébellion mais surtout la vieille garde syndicaliste et militante, le « peuple » que tonitrue Mélenchon. Derrière la tribune où se succèdent les trois chantres Eva, Pierre et Jean-Luc, on voit s’agiter un drapeau grec, un portrait du Che (pas Chevènement, Che Guevara, hélas), des balais dressés et une pancarte qui dit : « Marx ou crève ». On est loin des balades dominicales de la Manif pour tous, ici c’est tam-tam et cigarettes, ambiance « cool ».  Pourtant, certains slogans se recoupent tel l’immuable « On ne lâche rien ».
Les lunettes vertes d’Eva  Joly  promettent une future « opération mains propres », précisant qu’il ne s’agit pas d’une manifestation anti-gouvernementale tout en s’insurgeant avec véhémence contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, tandis que la foule n’applaudit que faiblement. Lui succède Pierre Laurent, secrétaire national du Parti Communiste,  avec un blanc muguet sur la poitrine qui proclame « nous sommes tous des grecs, des espagnols, des travailleurs, des immigrés » (ah bon) et termine par un grandiloquent : « La finance dehors, l’humain d’abord ! ». Puis arrive le petit père du peuple, écharpe rouge autour du cou, rose flamboyante à la boutonnière, il parle – il hurle – pendant 20 minutes, sans regarder ses notes , fustigeant la finance, les « tout-puissants », la « maudite troïka et l’infâme Commission européenne ».
Yves Charnet, écrivain passionné par Jean-Luc dont il scande le nom avec fureur, me confie « quel style, quand même, y’en a pas beaucoup qui utiliseraient le mot « irréfragable ».
Oui Mélenchon parle haut et bien. Mais si les accents gaulliens sont bien là, le discours de Bayeux[1. Discours du général de Gaulle à Bayeux le 16 juin 1946 où il explique la forme que devrait prendre la future Constitution, et invente les institutions de la Cinquième République.] de la VIe République n’aura pas lieu. Car derrière le charisme et les balais brandis, pas de programme établi, ni le dessin d’institutions nouvelles qui pourraient remplacer notre « constitution d’un autre temps » ;
Par contre ça  sentait « l’-isme » à plein nez. Internationalisme, altermondialisme, féminisme, universalisme, écologisme, et même un brin de patriotisme, voire – horreur – de nationalisme. Des idées, de l’idéologie, mais des mesures concrètes, que nenni. Mélenchon avance bien avec prudence la proposition de mandats impératifs pour les élus, qui pourront êtres renvoyés à tout moment par un référendum révocatoire, au fond l’exact opposé de la conception française de l’intérêt général qui transcende le peuple pour s’incarner dans la nation. La république idéale de Mélenchon, du peu qu’on en sait, ressemblerait à un referendum permanent, c’est-à-dire, au mieux à une utopie, au pire, à une dictature.
Contre la « personnalisation » du pouvoir, Mélenchon brandit la souveraineté du peuple et ponctue son discours de « c’est nous » emphatiques. Pourtant, quand il prend des bains de foule et lève les bras en l’air comme pour bénir ses fidèles qui scandent « Jean-Luc P-résistant », il prend des airs de petit père des peuples, et quand il crie sa haine des banquiers, c’est l’ombre de Saint-Just qui plane sur la Bastille.
Contre l’aphorisme thatchérien « There Is No Alternative » qui est l’argument de tous les libéraux et des défenseurs de l’austérité, Mélenchon se porte candidat pour Matignon, et promet qu’il y mènera une « politique alternative », car celle-ci est possible.
La place était rouge aujourd’hui, comme pour rappeler à la fraise des bois, que le peuple français a, pour paraphraser Chesterton (qui parlait de l’Eglise) « toujours eu une sainte horreur du rose (…) cette combinaison de deux couleurs qui est le faible expédient des philosophes ».
Le tribun s’est aujourd’hui fait pareil à la bête de l’Apocalypse qui vomit les tièdes, pour rappeler au Président Hollande, que s’il veut s’extirper du malabar de l’impopularité, il devra choisir une couleur politique et s’y tenir.
Parions que ce ne sera pas le rouge.



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Journaliste au Figaro, elle participe au lancement de la revue Limite et intervient régulièrement comme chroniqueuse éditorialiste sur CNews.

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