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Aubry-Frêche : reculer pour ne pas sauter


Aubry-Frêche : reculer pour ne pas sauter
Georges Frêche : divorce consommé avec le parti socialiste.
Georges Frêche : divorce consommé avec le parti socialiste.
Georges Frêche : divorce consommé avec le parti socialiste.

Maintenant que le PS a officiellement investi Hélène Mandroux et tout aussi officiellement menacé d’exclusion les socialistes qui persisteraient à faire chambre commune avec Frêche, on peut légitimement se poser la question à 1000 euros : Martine Aubry a-t-elle eu raison ou tort de procéder ainsi ? Quoique n’étant pas rabbin, j’y répondrais, sans doute sous l’influence des Frères Coen, par une autre question: avait-elle le choix ? La réponse est bien évidemment négative : dans cette affaire la marge de manœuvre de Martine était à peu près aussi épaisse qu’une feuille de papier à rouler, ou disons, qu’un bulletin de vote. Je m’explique.

Il y a du cas d’école dans les derniers développements du dossier Frêche. On aurait voulu nous valider par la méthode expérimentale les théories d’Elisabeth Lévy sur le Parti des Médias ou faire du marketing clandestin pour le prochain numéro du mensuel Causeur, titré « Aux ordres des médias aux ordres », qu’on n’aurait pas procédé autrement. Car ce n’est pas Solferino qui, au premier chef, a décidé que celui qu’il avait, bon gré mal gré investi en Languedoc-Roussillon était soudain devenu infréquentable. La mise à l’index de Frêche, c’est L’Express qui l’a décrétée, immédiatement relayé par tout ce que la presse parisienne compte de moralistes éditoriaux.

Ce faisant je n’effleurerais même pas le fond de l’affaire, ce qui a d’ailleurs déjà amplement été fait ici. On pourra penser que Richard Prasquier est plus compétent que Christophe Barbier en matière d’antisémitisme. Ou bien qu’être un supporter d’Israël ne fait pas forcément de vous un ami des juifs. On pourra estimer qu’on aurait mieux avisé de mettre Frêche en quarantaine quand il a parlé des harkis. Ou bien qu’en politique, on n’a décidément pas le droit de parler une autre langue que celle de l’ENA. On pourra penser tout ce qu’on veut, là, on s’en fout car notre problème est ailleurs, il est de savoir si Martine a eu raison de reculer en cette circonstance – car c’est bien d’un recul qu’il s’agit, puisque le président sortant avait l’investiture. Et comme je ne vais pas toujours m’en sortir en posant d’autres questions, je répondrais carrément oui.

Certes, esthétiquement, je préfère la Martine qui envoie froidement bouler les journalistes et leurs questions à la con. Mais bon, il n’y a pas que le fun dans la vie, et on est quand même en campagne électorale.

Or, si Martine n’avait pas procédé à une marche arrière express dans l’affaire, elle prenait le risque d’envoyer direct son PS à peine requinqué à la cata le mois prochain.

Imaginons un instant que Martine ait déclaré, à l’instar de beaucoup de gens sensés, que tout ça n’était pas très ragoûtant mais qu’il n’y avait pas de quoi en faire tout un fromage. Imaginons qu’elle ait passé la griffe, ou se soit contentée d’un rappel à l’ordre formel, en estimant que le cas du Septimanien loquace relevait de l’obsession fabiusophobe et non de la judéophobie. Que se serait-il passé ? Et bien depuis une semaine, on aurait droit à Frédéric Lefebvre ironisant en boucle robotisée devant tous les micros sur le thème « Vaut mieux perdre une région que perdre son âme ». On aurait eu droit aussi, et pas plus tard qu’hier matin, à un Fillon abandonnant son flegme habituel et se vautrant avec délice dans l’indignation indignée. Il n’est même pas à exclure que le président – qui, il nous l’a juré sur TF1, n’interviendra pas pour les régionales – ne soit sorti de sa réserve lors de sa tournée non-électorale en Corse pour stigmatiser comme il se doit ce manquement socialiste aux valeurs républicaines. Ne doutons pas non plus que les Verts et la gauche de la gauche ne se seraient pas gênés pour en rajouter une louche. Enfin, notre bien bienaimé Parti des Médias aurait été au premier rang de la curée. Non pas, redisons-le pour des raisons morales, mais parce qu‘en ne se déjugeant pas sur Frêche, Martine aurait délibérément marché hors des clous que ledit parti avait soigneusement délimités. Et ça, ça se paye !

En résumé, donc, Martine Aubry a bien fait de reculer, et de reculer vite. L’historiographie militaire est truffée de défaites monstrueuses qu’un bref repli tactique aurait pu éviter. Mais sans chercher si loin, certains auraient été bien avisés d’appliquer la même méthode peu glorieuse, mais payante dans quelques affaires récentes, type Epad ou Proglio, qui ne sont peut-être pas étrangères au trou d’air actuel de l’UMP.

On en conclura donc que la question n’est pas de savoir, pour le PS s’il vaut mieux perdre une région que son âme, mais s’il vaut mieux perdre seulement le Languedoc-Roussillon que cinq ou six régions…



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