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Amour toujours, je suis pour !


Amour toujours, je suis pour !

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Il y a les partisans de la vieille école, celle où le mari se trouve être aussi le père des enfants. Bambins qui, à défaut d’être enfantés dans la douleur, furent conçus dans le plaisir, sans le recours à quelque technologie que ce soit. Il n’est guère difficile, après la naissance du premier, de laisser à nouveau entrer les cigognes, car dans la vieille école, les enfants vont tôt au lit et laissent les parents redevenir des amants.
Dans cette vieille école, lorsque l’on disait « Je t’aimerai toujours », cela ne voulait pas dire « Je t’aimerai toujours sauf si je ne t’aime plus », mais « Je trouverai toujours en moi la force de souffler sur les braises pour ranimer notre amour, s’il venait à s’essouffler ».

Cela commence comme un joli conte, non ?
Seulement, la réalité est souvent plus prosaïque.[access capability= »lire_inedits »] Il faut faire avec les chaussettes sales, les réunions de parents, la belle-doche, la varicelle, les collègues, le lave-vaisselle et les fins de mois ! On manque un peu de souffle pour les braises, par moment…
Dans ces conditions, comment faire pour ne pas rejoindre la cohorte des décomposés ?
Pour les croyants (ou les militaires), il y a le principe de l’engagement. Ça peut tourner au cauchemar, certes, mais ça tiendra, coûte que coûte. Façon « Radeau de la Méduse », peut-être, mais ça tiendra ! N’ironisons pas. Il n’est pas inutile de rappeler que les personnes auprès desquelles on s’est engagé y ont cru, et que décevoir les autres n’est pas un objectif pour la vie. Trop de serments tuent les serments : soyons parcimonieux dans nos engagements, mais tenons ceux que nous avons pris, si minimes soient-ils.

Pour les psycho-branchés, il y a la théorie des projets. Faites des projets, cela vous soudera ! Lesquels ? Peu importe ! Racheter Chambord, faire le tour du monde en kayak, décrocher un Prix Nobel de physique, mettre au monde des sextuplés, gravir l’Annapurna sur les genoux ou boucler le périph en 20 minutes un vendredi à 17 heures, peu importe ! Toujours plus vite, toujours plus haut, toujours plus loin ! Tandis que vous mitonnerez vos projets à l’ombre de la treille du jardin en savourant votre Pastis, votre couple se composera, et c’est ça l’objectif, parce que franchement, Chambord, hein, vous en feriez quoi ?
Pour les conscientisés politiques, organisez une bonne manif à vous deux, joue contre joue, et le tour est joué. Une manif pour quoi ? Ne soyez pas ballot, les sujets ne manquent pas : pour l’érection de plaines de jeux dans les quartiers sensibles ; ou des pistes cyclables ; ou contre l’islamisation de la France ; ou une marche contre Bruxelles ; ou pour la défense de l’euro ; ou pour le droit des femmes ; ou contre la vivisection ; ou pour le mariage gay ; ou pour Megaupload… Bref, c’est peu de dire qu’on a le choix. Imaginez-vous susurrant à votre moitié : « Tu sais, chéri, j’ai encore obtenu 400 signatures aujourd’hui, sur ma cyberpétition ! » « Oh, mon amour, tu es trop forte ! » Et zou !

Pour les artistes frustrés, il y a les stages. De céramique, d’art dramatique, d’écriture, de tissage voire, pour les moins doués, de pâte à sel. En général, ils se déroulent dans les Cévennes, histoire d’ajouter l’ennui à l’ennui. Mais entre les répétitions et le séchage de la terre glaise, cela laisse du temps pour tromper l’ennui à deux.

Pour les fashion-friqués, on ne saurait trop conseiller un week-end à Amsterdam chez les designers zinzins, suivi de près par un défilé de mode à Rome. C’est idiot, évidemment, mais pas plus que le stage de macramé ou la manif anti-nucléaire, et ça permet de faire des pauses dans les aéroports. Qui n’a pas érotiquement testé les toilettes handicapés d’un aéroport ne connaît rien à la vie !
Et puis, il ya la vieille école. Celle où l’on presse des agrumes chaque matin pour sa dulcinée, même si, franchement, qu’est-ce qu’elle fout toujours au plume à cette heure-ci ! Où l’on mitonne pendant des heures du bœuf bourguignon, même si l’on n’aime pas trop ça, mais lui oui. Où l’on accepte de papoter toute une soirée, alors que passe à la télé la version remastérisée de 2001, Odyssée de l’espace et qu’on a investi dans un grand écran juste pour ça ! Où l’on passe une soirée de martyr avec les collègues de sa boîte dans la robe verte et jaune qu’il nous a offerte et qui nous va comme une tenue de cosmonaute, tout sourire. Ou l’on monte une étagère dans le cagibi parce qu’elle en a trop marre de ne jamais pouvoir rien ranger dans cette cambuse. Où l’on reste seule avec un enfant malade parce qu’il a vraiment trop envie de voir ses potes. Où l’on ferme les yeux sur les chaussettes sales, la belle-doche et les fins de mois.

Dans la vieille école, quand un jeune homme aux yeux trop clairs ou une jeune fille aux cheveux trop blonds ont fracassé le couple comme une assiette de porcelaine, on ne le jette pas dans les poubelles triées. On le répare.[/access]

*Photo : par pareeerica.

Septembre 2012 . N°51

Article extrait du Magazine Causeur



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Romancière et scénariste belge, critique BD et chroniqueuse presse écrite et radio. Dernier roman: Sophonisbe.

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