Alstom: un scandale français


Alstom: un scandale français

Alstom scandale d'Etat Jean-Michel Quatrepoint

On voudrait se tromper. Croire que notre économie et son socle industriel ne sont pas dans l’état de déliquescence que l’on suspecte. Que nos dirigeants ne sont pas aussi irrémédiablement lâches et impuissants qu’on le pense, malgré la multiplication des preuves du contraire. Que nos élites administratives, en particulier à Bercy, résistent encore, au moins un peu, aux vents dominants de l’ultralibéralisme. À cet égard, l’ouvrage de Jean-Michel Quatrepoint sur l’affaire Alstom (Alstom, scandale d’État, Fayard) est parfaitement déprimant. Car il apporte la preuve, par l’exemple, qu’il en est bien ainsi.[access capability= »lire_inedits »]

Et quelle preuve : Alstom, un des derniers fleurons de l’industrie française, vendu à la sauvette, l’an passé, à l’américain General Electric. Au risque de déstabiliser ce qu’il reste de notre filière nucléaire – et le pan de souveraineté qui va avec –, devenue dépendante du bon vouloir des Américains. Les moulinets d’Arnaud Montebourg n’y ont rien changé, ou si peu.

Bien sûr, l’État français n’avait pas forcément toutes les cartes pour agir : Alstom est une entreprise privée, et les Yankees ont déployé une force de frappe massive pour parvenir à leurs fins : batteries de communicants, lobbyistes appointés et banquiers grassement rémunérés pour remporter la bataille contre Siemens, autre candidat à la reprise du groupe. Mais ce qui choque, c’est que la bataille a été perdue avant même d’avoir été livrée : dès le départ, on sent que Hollande, Valls et Macron savent bien que GE va emporter le morceau. Il s’agit simplement d’écrire une belle histoire, qui ne soit pas simplement celle d’un renoncement. À cet égard, Montebourg est bien pratique, pour donner l’illusion d’un semblant de résistance.

Cet abandon, ce crime de non-assistance à industrie en péril, contraste tragiquement avec les moyens déployés par les États-Unis, qui n’hésitent pas à soutenir ouvertement leur champion national, quitte à instrumentaliser la justice de leur pays. Comme le démontre parfaitement Quatrepoint, l’action du Department of Justice – qui a poursuivi Alstom et ses hauts cadres dans une affaire de corruption en Indonésie – a exercé une pression psychologique sur les dirigeants d’Alstom, et les a poussés à céder aux sirènes de GE. Le rouleau compresseur américain est parfaitement huilé, d’autant que Jeffrey Immelt, son PDG, est aussi président du Conseil pour l’emploi et la compétitivité mis en place à la Maison-Blanche par Barack Obama.

La vente d’Alstom à General Electric est bien le dernier clou planté dans le cercueil de l’industrie française, que la mondialisation avait déjà décimée, avec 1,2 million d’emplois perdus en vingt ans. Et l’on se demande comment il est possible qu’à l’Élysée, on n’ait pas fait le lien entre cette industrie en déliquescence et cette économie qui, malgré les incantations, se refuse obstinément à redémarrer. Étrange défaite que cette liquidation de l’industrie française, rappelle Jean-Michel Quatrepoint, en référence à Marc Bloch. Celle d’un pays qui coule, sans même essayer de se débattre.[/access]

*Photo : Wikimedia Commons.

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Octobre 2015 #28

Article extrait du Magazine Causeur



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est journaliste, il tient le blog Basculements.

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