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Tu veux ou tu veux pas ?


Tu veux ou tu veux pas ?


C’est le dernier épisode du soap socialiste, dont la conclusion est théoriquement attendue en octobre, au sortir de la primaire. Dimanche, après la diffusion d’un documentaire mi-ébloui, mi-hagiographique sur Canal Plus, les experts en silences, en quarts de ton et en demi-phrases de DSK ont tranché : il « a pris sa décision. » N’attendez pas qu’on vous dise laquelle. Non, il s’agit de ménager le suspense, pour qu’il colle pile au calendrier socialiste et puisse rentrer à peu près dans l’agenda fourni par le FMI, l’actuel employeur du sauveur de la gauche.

La scène qui permet aux augures de trancher en faveur de l’appétence de DSK pour cette présidentielle se résume à un dialogue entre le patron du FMI et –excusez du peu- Bill Clinton, croisé à Yalta, à qui le Français demande « Should I stay or should I go ? » ( C’est le titre du plus grand tube des Clash, qu’on peut traduire par « J’y vais ou j’y vais pas ? »). Evidemment, Bill l’incite à foncer. Or poser la question, comme on disait autrefois, c’est déjà y répondre. Pourtant, ces derniers jours une rumeur insistante courait : certes DSK a décidé « d’y aller », mais pas à n’importe quel prix. Il ne demande rien moins que l’annulation pure et simple des primaires ouvertes – à l’américaine -, et leur remplacement par un mode de désignation plus traditionnel. Par acclamations du peuple de gauche, disons.

Revenons en arrière : il y a à peine une semaine, deux sondages plaçaient Marine le Pen en tête du premier tour de la présidentielle. DSK y apparaissait comme le meilleur candidat pour affronter la nouvelle patronne du FN et cela dès le premier round présidentiel. À en croire les sondages, il offrirait la meilleure résistance au tsunami frontiste, tout en distançant le plus nettement Nicolas Sarkozy. Performances auxquelles ne parviendraient pas Martine Aubry ou François Hollande et encore moins Ségolène, qui à défaut de conserver ses chances conserve néanmoins le droit d’être appelée par son prénom.

Immédiatement, les DSK boys sont montés au front, de Jean-Marie le Guen, dénonçant la cacophonie des primaires, à Pierre Moscovici se demandant ouvertement s’il ne fallait pas tout annuler (avant de modérer ses propos). Sans oublier ceux qui glissent sur le ton de la confidence que François Hollande se montrerait raisonnable en abandonnant l’aventure illico presto… Tous, officiellement ou de façon plus sourde, y sont allés de leur pilonnage en règle d’un système pourtant conçu largement dans le laboratoire d’un savant fou tout aussi strausskhanien qu’eux, Olivier Ferrand, le patron de Terra Nova, le machin qui pense pour le PS…

Les primaires, c’est le clash assuré

Mais il est vrai qu’entre le principe –c’est-à-dire des primaires qui permettent d’écraser tous les concurrents en arrivant comme le messie- et la réalité -un calendrier pas tout à fait aux petits oignons pour qui serait dans la nécessité de démissionner d’un boulot important aux Etats-Unis avant la fin de son mandat- il y a un monde. Ce dilemme, la poussée de Marine le Pen permet opportunément de l’évacuer. De manière soudaine, sous la menace préventive d’un 21 avril bis, à l’envers ou dieu sait quoi… Le salut public exige que le PS s’incarne ici et maintenant, parle vite d’une seule voix forte et claire. Soit celle de DSK, promu sauveur de la gauche et de la France.

La condition paraît pourtant un peu énorme. Certes, aujourd’hui, on voit bien que certains socialistes se rendent compte que l’acclimatation en France d’un tel système de pré-prez à l’américaine n’est pas simple. Inutile de revenir sur les risques de divisions dont il est porteur, les incertitudes juridiques qu’il génère, ou même sur la possibilité, non nulle, d’un bide participatif donc politique.

Mais enterrer les primaires n’est pas aussi facile que les missi dominici de DSK semblent vouloir le faire croire. Il va falloir encore un paquet de sondages avec MLP en tête au premier tour pour que le peuple de gauche renonce à sa castagne entre amis. Imaginons que les candidats abandonnent les uns à la suite des autres : les militants pourraient avoir l’impression désagréable de s’être fait piquer le peu de démocratie interne qu’on leur promet depuis des années. Au point, qui sait, de trainer des pieds pour la campagne, la vraie, celle contre Sarkozy et Le Pen. Quant à la droite, elle tiendra là un sacré motif de rigolade, et au-delà, d’attaque politique contre le candidat du PS qui ne tient pas ses promesses avant même d’avoir été élu…

Alors, pourquoi exiger le retrait des primaires, ou leur « assouplissement » ? Soyons paranoïaques : pour se trouver un bon motif de dire « finalement, je ne suis pas candidat à la candidature, puisque mes amis ont décidé de ne pas être raisonnables et de ne pas donner à la gauche la chance de revenir enfin au pouvoir » ?

Mais revenons à l’information du week-end, DSK a pris sa décision. Et mesurons la puissance de cette simple phrase. Et notons que quoi qu’il fasse, il aura mérité la palme du suspense le plus insoutenable et de l’éveil du désir le plus incontrôlable. Ce qui pour un socialiste n’est déjà pas si mal.



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