Un duel et 66 millions de Français obligés d’y assister


Un duel et 66 millions de Français obligés d’y assister
(Photos : SIPA.00756422_000004/00703776_000021)

Claquez bannières rouges et roses, la gauche voit ses armées s’affronter sur les chemins de France. L’éternelle lutte finale qui n’en finit plus est en train de paralyser le pays et surtout ses habitants.

La « loi travail » portée par le gouvernement Valls a donc fait sortir de ses gonds la CGT et le camarade Philippe Martinez. Ce dernier a évidemment saisi l’occasion. Débordé sur sa gauche par ceux qui veulent en découdre, il sait qu’il joue son avenir à la tête du syndicat car c’est cette défense d’une ligne dure qui l’a confirmé en avril à la tête de la CGT. Le pari est gagnant. Non seulement il a évincé Nuit debout du paysage médiatique, mais il a aussi réussi à ressusciter l’unité du syndicat contre un ennemi commun : le gouvernement. Au point de faire enrager le secrétaire de la CFDT et d’effrayer Force ouvrière qui en est réduite à jouer les médiateurs. Ces derniers se voyaient bien parachever l’enterrement de l’ex-premier syndicat de France.

Devenu expert dans l’art d’allumer des incendies, Martinez laisse donc les médias et le gouvernement spéculer sur sa capacité à les éteindre. En d’autres termes, il a démontré qu’il était pyromane, on ne sait toujours pas s’il est pompier. Là est son atout.

Las, son adversaire est dans le même bateau. Embarqué dans une lutte dont il ne peut sortir en véritable gagnant (le contrecoup du 49-3), mais dont il peut à l’évidence sortir en véritable perdant puisqu’il s’est beaucoup trop engagé sur ce texte pour pouvoir reculer. Son exil momentané en terre promise n’aura calmé personne et le chef du gouvernement le plus impopulaire de la Ve République peine à trouver des soutiens. Tiraillé entre frondeurs, opposition et syndicats, à la peine dans les enquêtes d’opinion, Manuel Valls est aux abois. Lorsque le passage en force ne suffit plus, on admet et on se démet généralement.

De son côté, si la droite critique ouvertement le texte, elle va pousser le gouvernement à le défendre. Elle voudrait faire passer la loi et faire tomber Valls en même temps. Aujourd’hui, la gauche au pouvoir matraque ses syndicats et la droite compte donc les points. Critiquant vertement la loi mais poussant l’exécutif à ne pas céder, trop heureuse de les voir se débattre avec ceux qui leur ont pourri la vie et le pouvoir.

Mais les Français me diriez-vous ? Vous, les autres, moi ? Si l’immense majorité d’eux est favorable au retrait du texte, ils ne supportent plus l’énergie que met la CGT, qui ne représente plus qu’elle-même, à empoisonner leur quotidien. Autrement dit, bloqués entre un gouvernement qu’ils ne soutiennent pas et un syndicat qui ne les représentent plus, ils en sont à demander timidement à une caméra « Ah, mais pardon, mais pourrions-nous aller travailler pour payer nos impôts qui vous permettront de continuer à vous mettre sur la figure s’il vous plaît ? » La scène fait pitié.

Ils veulent le retrait de la loi, mais ne trouvent leur compte chez aucun des belligérants, c’est le problème de la France du XXIe siècle : une fracture entre le peuple et ses élites qui ne fait que s’accroître. Le Français ne revendique plus, il ne demande plus rien, il veut juste qu’on lui foute la paix.

Soixante-six millions d’entre eux assistent donc à un combat disputé par un Premier ministre qui, au mieux, nous disent les sondages, recueille l’assentiment d’un interrogés sur quatre, et un patron de syndicat ne représentant que 3% des travailleurs. Et nos concitoyens se demandent si ledit combat ne pourrait pas se dérouler sur un ring ou dans une cage, et non au milieu du public, lassé, celui-ci, de prendre des coups. Mais pour que Martinez ait des lendemains qui chantent, cela vaut la peine d’en prendre pour lui, semble-t-il estimer…



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est journaliste.

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