Lutter contre le djihadisme, oui mais avec quelles armes?


Dans une interview donnée au Point il y a deux semaines, le philosophe Alain Finkielkraut s’est trouvé dépourvu d’arguments au moment d’évoquer la propension des jeunes européens à s’engager pour le djihad et s’est avoué « incapable d’expliquer ce phénomène ».

Si on peut raisonnablement mettre en doute la foi et la sincérité des leaders fanatiques, la rapidité avec laquelle certains jeunes adhèrent aux thèses de l’Etat islamique pose effectivement question.

Or il y a une tendance, chez les intellectuels français, à sous-estimer la soif spirituelle de l’homme – spirituel au sens philosophique du terme, c’est-à-dire, selon la définiton qu’en donne Le Robert, « qui est indépendant de la matière » –, sa quête jamais assouvie d’absolu. « Il y a dans le cœur de chaque homme un vide en forme de Dieu et nul autre que lui ne peut le combler » disait Pascal. Et peu importe qu’au contraire de l’auteur des Pensées, qui ne croyait qu’en la religion de ceux qui se sont fait couper la tête, certains de nos contemporains soient attirés par la religion de ceux qui coupent des têtes, l’important est d’avoir l’impression de défendre une cause.

Dans une société où l’individu prime sur le collectif, où l’amour de la patrie est souvent marqué du sceau de la suspicion, il n’est pas totalement surprenant de voir certains frustrés du capitalisme mondial aspirer à quelque chose qui les dépasse, quand bien même cette cause serait absurde et totalement contraire à cette aspiration d’absolu.

A la question « le fanatisme religieux peut-il finir par triompher ? », une philosophe avait répondu il y a quelques années dans l’émission de Frédéric Taddéi : « On ne se bat pas pour des canapés ! », comme pour indiquer que le modèle capitaliste n’offrait pas de valeur suffisamment forte pour qu’il puisse être défendu avec force et empêche l’avènement du fanatisme.

Certes, la laïcité à la française ou l’héritage des philosophes des lumières offrent bien autre chose et sont des modèles qui ne manquent pas de vertus. Mais la difficulté croissante de notre école à transmettre ces modèles sans cesse mis à mal par la télévision, internet, l’individualisme de notre société, les discours religieux voire communautaires et familiaux, ne laisse pas espérer une farouche résistance aux totalitarismes naissants. On peut même se demander, bien qu’il ne s’agisse nullement de remettre en doute notre modèle laïc, capable de laisser s’exprimer autant la foi que l’athéisme, si tout modèle de société qui ne s’appuie pas, de près ou de loin, sur une référence à Dieu ou au spirituel ne serait pas plus fragile et voué à une destruction rapide.

Dans Soumission, Houellebecq voit dans notre renoncement à nos racines chrétiennes et notre volonté de faire table rase du passé le signe de notre décadence et l’annonce de la fin de notre civilisation. Un des personnages va même plus loin lorsqu’il affirme que « seule une religion […] [peut] créer, entre les individus, une relation totale. ». Ce à quoi un autre ajoute :« La Révolution française, la république, la Patrie… oui ça a pu donner lieu à quelque chose, quelque chose qui a duré un peu plus d’un siècle. La chrétienté médiévale, elle, a duré plus d’un millénaire. »

Sans un sursaut spirituel au sens large, la chute de notre civilisation serait inexorable ? Peut-être. Ce qui est sûr en tout cas, c’est qu’« un peuple qui ne connaît pas son passé, ses origines et sa culture ressemble à un arbre sans racines. » comme le disait Marcus Garvey. Et les enfants d’une civilisation qui ne sait plus d’où elle vient ont peu de chances de savoir où ils vont.



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