«Le FN est prêt pour 2017»


«Le FN est prêt pour 2017»

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Retrouvez la première partie de cet entretien ici.

Causeur. Ces jeunes désaxés sont presque tous français. Quand vous parlez de « remigration », envisagez-vous de les priver de leur nationalité française alors qu’ils l’ont acquise légalement ?

Aymeric Chauprade. Je défends en effet la possibilité de déchoir de leur nationalité un certain nombre de gens qui n’ont pas voulu entrer dans l’histoire française, c’est-à-dire adhérer aux fondamentaux de notre civilisation, à commencer par le statut de la femme européenne, qui n’est pas négociable à mes yeux.

Quid de la non-rétroactivité des lois, pilier constitutif de notre droit ? Qui pourrait croire alors en la parole de l’État français ?

Il appartiendra aux juristes de préciser les modalités d’une réforme de la nationalité. Mais je vous retourne la question : pourquoi croirais-je en la parole de quelqu’un que j’ai accueilli et qui finalement est rentré en guerre contre mon pays ? L’ADN de la France est assimilationniste. La France n’est pas une construction multiculturaliste. Si cela ne fonctionne pas, ceux qui le refusent n’ont pas vocation à rester. Ceux qui n’entrent pas dans la nation française, et choisissent le salafisme ou la burqa, devront retourner dans leur pays d’origine. C’est ce que j’appelle la « remigration ».

N’auriez-vous pas également suggéré que nos services spéciaux se chargent d’éliminer les djihadistes français in situ ?

L’islamisme nous mène une guerre globale. Par définition elle n’a pas de frontière. S’ils ont le droit de nous tuer partout, alors ils prennent le droit d’être éliminés partout, pas seulement en Irak. Bien sûr, il y a l’État de droit, et je le respecte, car l’État de droit est partie intégrante de notre civilisation, et je ne peux donc m’en affranchir. Mais quand la nouvelle génération de terroristes aura accompli l’horreur qu’elle prépare, la décapitation aléatoire, en Europe, chez nous, de citoyens français chrétiens, juifs ou athées capturés au hasard, il est possible que nous devions reconsidérer notre manière classique de lutter contre le terrorisme.[access capability= »lire_inedits »]

Admettons que vous puissiez vous débarrasser des apprentis terroristes sans piétiner nos principes fondamentaux. Comment comptez-vous sanctionner les sentiments, l’adhésion ? Qui décidera si X ou Y est entré dans l’histoire de France ? Et que ferez-vous des femmes qui, sans commettre la moindre violence, s’obstinent à porter la burqa ?

Il y aura toujours des cas particuliers. Mais, fondamentalement, au-delà de l’islamisme, se pose le problème d’immigrés qui vivent uniquement de l’État providence. Pour moi, l’assimilation, c’est le travail. Si le monde du travail favorise ceux qui ont choisi la culture française et érige un mur face à ceux qui ont d’autres codes, alors les seconds ne pourront rester. Et s’ils restent parce qu’ils ont la nationalité française et pour pouvoir simplement bénéficier des largesses de l’État providence, alors il faudra conditionner l’accès à ces aides à d’autres critères. C’est une immense muraille sociétale qu’il faut élever, dans toutes les strates de la société française, pour freiner et dissuader l’islamisation rampante de la France.

La loi ne vous permet pas de distinguer les « de souche » des enfants d’immigrés, vous couperez les aides à tout le monde. Ce sera donc cela, la politique sociale du FN au pouvoir ?

Le Front national veut au contraire sauver l’État providence et le mettre au service des Français qui le méritent vraiment. C’est l’immigration massive qui détruit notre système social ! Je le répète, nous sommes assimilationnistes, et nous créerons les conditions de l’assimilation pour une large partie des immigrés ayant acquis la nationalité française, celles du départ pour ceux qui refusent la civilisation française, y compris des nationaux, parce qu’il sera devenu impossible de vivre selon leurs normes, incompatibles avec les nôtres. Malheureusement, c’est la faillite programmée de l’État providence qui risque de mettre tout le monde d’accord, car l’immigration suit souvent la situation économique.

Il est sûr que si la France devient un des pays les plus pauvres du monde, elle n’aura pas de problème d’immigration.

Vous pouvez ironiser, mais si l’État providence ne compensait plus le déficit de travail, cela favoriserait les départs. Les gens qui foutent la merde, je ne vois pas au nom de quoi on les garderait ! Ceux qui partiront pourront garder la nationalité française, mais n’auront plus accès à l’aide médicale d’État et autres prestations sociales. Pour l’instant, ce sont des forces vives de la France qui s’expatrient. Ces Français-là, qui sont des Français de souche pour l’essentiel (ou des Français assimilés diplômés !), gardent bien leur nationalité française, et ils ne touchent rien du système social français que je sache ! Moi, je préfère que ces Français-là reviennent et que ceux qui ne sont que des Français de papier partent s’établir ailleurs.

Des Français interdits de territoire français, voilà une innovation… Sérieusement, croyez-vous vraiment à une inversion des flux migratoires des trente ou quarante dernières années ? 

Mais l’inversion des flux migratoires, elle existe déjà : ce sont les Français de souche, et qualifiés de surcroît, qui commencent à quitter massivement le territoire. Toutes les statistiques explosent de ce côté-là. Le pays se vide de ses forces vives. Alors qu’on ne me dise pas que l’inversion n’est pas possible puisqu’elle existe déjà ! Simplement ce n’est pas la bonne inversion ! L’espoir premier que le Front national peut porter pour la France, c’est de faire revenir ceux dont elle a besoin et de pousser au départ ceux qui nous empoisonnent la vie et provoquent l’effondrement de notre système social. C’est la question numéro 1 pour la France de demain.

Quoi qu’il en soit, vous ne comptez pas sur la « remigration » pour éradiquer le péril islamiste. Face au djihadisme, vous prônez l’union sacrée occidentale…

Je n’ai jamais dit que la France devait être dans une logique occidentaliste, et j’ai même lutté contre cette idée toutes ces dernières années ! Je dis simplement qu’aujourd’hui nous avons un intérêt commun, que partagent aussi les Russes et certains pays, à lutter contre un péril islamiste globalisé. De manière générale, je suis partisan d’une politique française indépendante, qui peut accompagner parfois les Américains quand l’intérêt est commun (et c’est le cas face à ce monstre qu’est l’État islamique), ou au contraire jouer son rôle d’équilibre sur la scène internationale face aux États-Unis, et je pense sur ce sujet à la crise ukrainienne.

Justement, sur l’affaire ukrainienne, quelle est votre position ? Soutenez-vous les séparatistes pro-russes du Donbass ?

Je ne crois pas que les Russes en veuillent à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, en dehors de la Crimée qui est un cas à part puisqu’elle a obtenu son rattachement à la Russie par référendum. Seulement, depuis qu’on a ouvert la boîte de Pandore du Kosovo, l’intangibilité des frontières a vécu.

Au fond, l’Ukraine est une nation jeune traversée par deux tropismes contradictoires. La partie occidentale du pays, c’est-à-dire les restes de l’Empire austro-hongrois, regarde vers l’Union européenne, voire l’OTAN. L’autre partie, qui représente un tiers du territoire et deux tiers de la richesse, est issue de l’empire russe, et se vit comme une part de l’univers civilisationnel russe. Or, l’Union européenne a voulu intégrer toute l’Ukraine dans le schéma américain de l’extension de l’OTAN en Europe. Le résultat, c’est ce divorce entre les deux Ukraine, celle qui regarde vers l’OTAN et celle qui rêve de Russie. Pour sortir de l’ornière, il faudrait réfléchir à une solution de compromis qui pourrait être une forme de neutralité.

Reste qu’en écoutant les cadres et les sympathisants du FN défendre Poutine on avait un peu l’impression d’entendre des communistes des années 1950 célébrant le Petit père des peuples.

Il n’y a pas un soutien inconditionnel. Le FN n’est ni pro-russe ni anti-américain, il est patriote. Dans un monde multipolaire, un État souverain doit avoir plusieurs cartes dans son jeu. Les États-Unis ne sont pas nos ennemis, ce sont des alliés historiques et des rivaux géopolitiques aujourd’hui parce qu’ils refusent l’équilibre multipolaire et veulent dominer l’Union européenne.

On n’a pas l’habitude d’entendre des membres du FN dire : « Les États-Unis sont nos alliés historiques » ! Les discours de Jean-Marie Le Pen pendant la guerre du Golfe étaient très anti-américains…

Je ne pense pas qu’un parti de gouvernement – car le FN va devenir un parti de gouvernement – puisse raisonnablement affirmer que les États-Unis sont notre ennemi. Déjà, pendant la guerre froide, le FN de Jean-Marie Le Pen a toujours été dans le camp américain face à l’URSS. Aujourd’hui, si nous avons un ennemi, c’est bien le fondamentalisme islamique ! Pour le reste nous avons des rivaux géopolitiques, y compris l’Allemagne en Europe qui cherche à détruire notre relation avec la Russie au moins autant que Washington.

Un parti de gouvernement, c’est vous qui le dites. Le FN dispose-t-il des cadres et des compétences nécessaires à la direction de la cinquième puissance mondiale ?     

La victoire appelle la victoire ! Je vois autour de moi des cadres dirigeants de grands groupes et des hauts fonctionnaires qui votent pour nous, dont certains travaillent dans des cercles pour définir nos programmes. Pour le moment, ils restent très discrets, mais ils seront prêts le moment venu. Il faudra bien que le mur des hostilités – essentiellement médiatique – tombe. L’histoire de la compétence du FN est une tarte à la crème. Il n’y a qu’une chose de certaine : l’incompétence avérée des autres partis qui, eux, ont un bilan, le déclassement de la France. Et, croyez-moi, les compétences nous rejoignent massivement. Nous serons prêts pour 2017.

Vous croyez à 2017 ?

Tout est possible, l’histoire n’est pas linéaire. La meilleure façon d’être prêt, c’est de penser que l’on n’est pas prêt, car cela oblige à travailler ! Marine Le Pen a une personnalité très forte qui sait décider. C’est précisément ce qui manque à la France aujourd’hui. Mes idées, je les ai depuis longtemps, mais si je me suis engagé récemment au Front national, c’est d’abord parce que je crois en Marine Le Pen.[/access]

*Photo : Hannah.

Octobre 2014 #17

Article extrait du Magazine Causeur



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Elisabeth Lévy est journaliste et écrivain. Gil Mihaely est historien.

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