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Jean-Luc Mélenchon et LFI, une rentrée placée sous le signe du déshonneur

Ce grand donneur de leçons pourrait pourtant balayer devant sa porte


Jean-Luc Mélenchon et LFI, une rentrée placée sous le signe du déshonneur
Jean-Luc Mélenchon, Chateauneuf-sur-Isere (26), 25 août 2023 © Alain ROBERT/SIPA

Dans le cadre des universités d’été de LFI, le Che Guevara de la Canebière a déployé toute une rhétorique guerrière lors d’une conférence, en déconnexion totale avec le réel et les institutions républicaines. Une stratégie qui suscite l’inquiétude, y compris à gauche, alors que les Français estiment désormais LFI plus dangereuse pour la démocratie que le Rassemblement national.


Décidément,cette rentrée est placée sous le signe du déshonneur pour une partie de la Nupes. On a ainsi appris grâce à EELV et son soutien à Médine qu’une parole antisémite était acceptable si on était stupide ou inculte, l’un n’empêchant pas l’autre. Le parti a même fait un triomphe à un Médine qui a soigneusement évité de discuter de la dimension antisémite de son tweet pour se présenter en victime d’une France raciste et de l’extrême-droite. Il faut croire que jeu de mot antisémite est la nouvelle martingale pour être mis à l’honneur par un parti politique de gauche, puisque Médine est invité à la fête de l’Huma et est encensé par Jean-Luc Mélenchon, qui l’a invité lui aussi à ses universités d’été. On pensait toucher le fond, mais Jean-Luc Mélenchon a décidé de creuser plus profond ! Le voilà qui se vautre dans un discours de rentrée aux accents factieux. Il y déclare que l’extrême-droite – traduire le fascisme et la dictature – commence au macronisme. Comme une fois les bornes franchies, il n’y a plus de limites, il explique également que la France n’a plus de forces de l’ordre mais est sous la coupe d’une milice aux ordres de Gérald Darmanin. Plus c’est gros…

Des propos inacceptables

Mais jugez plutôt sur pièces. Voilà le verbatim exact de Jean-Luc Mélenchon, à propos du ministre de l’intérieur, et de la police : « Le candidat commun de l’espace idéologique que représente l’orbanisme français, la jonction de la droite et de l’extrême-droite, c’est Monsieur Darmanin. C’est un homme qui dispose d’une audience sur plus de 100 000 personnes dont il est le ministre et qui ont manifesté une manière d’être et de penser que tout le monde connait, qui est la police du pays. Ce n’est pas rien, tout ça. Il n’y a que les naïfs pour croire que cela n’arrive qu’aux autres (…) on doit en tenir compte, comprendre le danger et comprendre le personnage. »

Il se trouve que les mots ont un sens et que ce que vient de dire Jean-Luc Mélenchon est profondément scandaleux et inacceptable. Ce type de rhétorique, qui nie toute légitimité aux institutions et fait de la police la milice du pouvoir est un appel à l’insurrection. En effet, si la police est une milice, alors toute intervention de sa part est illégitime. Elle n’est plus un outil destiné à maintenir l’ordre et à protéger les citoyens, mais une force d’oppression à laquelle il est légitime de répliquer. Attaquer des commissariats devient alors un acte de libération du territoire, et s’en prendre violemment à des miliciens est un acte citoyen, un geste héroïque. Voilà ce que libère ce genre de rhétorique : le ressentiment et la haine. Sans compter qu’une partie du public auquel ce discours est destiné peut passer à l’acte. Il l’a d’ailleurs fait au mois de juillet. Ce discours s’inscrit complètement dans la communication de LFI qui fait des policiers, des cibles, qui défend les violences et les pillages au nom de la justice sociale et qui désigne les policiers comme ontologiquement racistes et fascistes, les accusant de tuer en toute impunité.

Extension du domaine de l’extrême-droite

Un autre passage du meeting est tout aussi éclairant. Après avoir défendu Médine bec et ongles, voilà ce que Jean-Luc Mélenchon explique aux cadres et militants de son parti : « Vous devez vous préparer au choc avec une ligne de front qui s’étend de l’extrême-droite jusqu’au macronisme, d’un seul fil, avec autant de nuances que l’on peut en trouver dans la grisaille. Mais au total c’est la même couleur, la même grisaille. » Et hop, tout ce qui est au-delà du PS est renvoyé à l’infamie ! Au moins on ne pourra pas reprocher à Jean-Luc Mélenchon de faire dans la subtilité, mais on a l’impression qu’en matière de déconnexion avec le réel, lui aussi atteint des sommets.

Le rappeur Médine était présent chez les Verts et chez LFI lors de leurs universités d’été 2023 Photo : HARSIN / SIPA

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Certes, ce type de rhétorique guerrière sert souvent à masquer l’inanité des propositions et le manque de consistance du projet politique. Quand on n’a rien à proposer, on peut toujours bâtir une stratégie de conquête sur la dénonciation. Faute de solutions, proposons donc des coupables à lyncher. Et c’est vrai qu’en politique le manque de finesse associé à l’exacerbation du pulsionnel fonctionne. Mais à quel prix ? Ce type de dérive signifie aussi que l’on est en train de sortir de la démocratie et que la politique redevient violente et dangereuse. C’est une trahison de l’humanisme, une profession de foi antidémocrate et un effondrement moral.

L’hypocrisie des donneurs de leçons

Mais de la part de Jean-Luc Mélenchon, c’est également d’une hypocrisie qui confine à la malhonnêteté. Jean-Luc Mélenchon utilise le terme extrême-droite comme l’insulte suprême. Il l’utilise, comme le fait d’ailleurs Emmanuel Macron en période d’élections, comme il s’est cristallisé dans l’inconscient collectif, autrement dit en lien avec la Seconde Guerre mondiale. La référence à l’extrême-droite ne renvoie pas à l’échiquier politique actuel, il ne caractérise pas une droite réactionnaire, mais l’héritage de la collaboration, la complicité du crime contre l’humanité commis par les nazis. Parler de « l’extrême-droite », dans le substrat politique français, est la manière polie de dire fasciste ou nazi. Le terme est un mot valise qui véhicule une des insultes les plus fortes que l’on peut utiliser en politique, sans avoir besoin de l’expliciter ou de l’argumenter, ce qui est bien pratique. Cela permet de déconsidérer ses adversaires sans avoir besoin de fournir des preuves. Mais à trop servir, la mécanique s’est usée.

Premier problème : si quelqu’un est en train de s’allier à d’authentiques soutiens des nazis, c’est bien Jean-Luc Mélenchon. La dérive islamogauchiste de son parti l’a rapproché des frères musulmans, qui sont eux, bel et bien, d’authentiques alliés historiques des nazis. Il soutient d’ailleurs les revendications politiques des islamistes : port du voile vendu comme une liberté, tentative de criminaliser toute critique de l’islam via la diffusion du concept d’islamophobie, discours de persécution des musulmans, référence au racisme systémique… Il reprend également leurs discours sur la corruption des institutions et la délégitimation des forces de l’ordre. Il faut dire que leurs objectifs ou leurs fantasmes sont les mêmes : semer le chaos pour faire tomber le système.

Deuxième problème, si quelqu’un est l’héritier de Jean-Marie Le Pen dans sa façon de se mettre en scène, c’est bien le leader de LFI. En le voyant déambuler sur la scène, la rage au ventre, dégageant une agressivité physique contenue et chargeant ses mots d’une grande violence symbolique, je revoyais le président du FN dans les années 80. Dans les extraits de meeting qui passaient au journal télévisé, lui aussi arpentait la scène en haranguant la foule, ivre de lui-même et cherchant à réveiller la force du ressentiment dans son auditoire.

Mais surtout, Jean-Luc Mélenchon reproche à Gérald Darmanin, des propos conformes à ceux qu’il avait lui-même tenus en 1991. En effet, la colère de Jean-Luc Mélenchon a été déclenchée par les paroles du ministre de l’Intérieur rapportées par La Voix du Nord.

Rififi chez les castors

Le ministre de l’Intérieur évoquait une possible victoire de Marine Le Pen et invitait « Renaissance » à s’intéresser aux classes populaires.« Les gagnants de la mondialisation et les élus des centre-villes, ça ne fait pas 51% des voix ». Et le ministre de se poser comme un rempart contre l’élection de l’extrême-droite. Le problème c’est que tous les adversaires de Marine Le Pen veulent se poser en rempart contre l’extrême-droite car ils n’ont ni projet, ni programme, ni vision. Leur seul axe de campagne est de dénoncer le retour de la bête immonde et de transformer tout adversaire en ventre potentiellement fécond. De ce fait, pour pouvoir décrocher le pompon « d’authentique barrage contre le retour du fascisto-nazisme », il faut renvoyer les autres tribus de castors dans le camp du mal. Tout le monde devient alors susceptible d’obtenir sa casserole « appartient à l’extrême-droite » et personne ne sait plus vraiment ce que cette appartenance signifie.

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Or, nombreux sont les obstacles qui attendent une stratégie politique qui se réduit à ce syndrome du castor, où les électeurs ne sont plus là que pour faire barrage au pire.

  • Le premier obstacle, c’est que tout le monde étant sur cette logique, il devient compliqué de se distinguer pour assurer la captation des voix.
  • Le deuxième obstacle, c’est que l’extrême-gauche, à force de renvoyer tout le monde à l’extrême-droite, affaiblit cette accusation et finit par la rendre ridicule et inefficace.
  • Le troisième obstacle est que le RN d’aujourd’hui n’est pas le FN d’hier. Le parti peut être qualifié de réactionnaire ou de conservateur, et il se positionne clairement sur l’immigration, mais on ne trouve plus dans le discours officiel et dans celui de sa leader, les appels à la violence, la volonté de déstabiliser les institutions, les relents racistes et antisémites ou la dimension factieuse qui apparaissent au grand jour à la LFI. Le RN n’a pas non plus des alliés stratégiques aussi encombrants que les islamistes et les racialistes, ces gens qui se disent antiracistes mais réduisent chacun à la couleur de sa peau.

L’histoire et les racines du RN jettent le doute sur son appartenance à l’arc républicain, mais l’actualité, la pratique politique et les discours de LFI l’en font clairement sortir aujourd’hui.

Les Français jugent LFI plus dangereuse pour la démocratie que le RN

Les Français d’ailleurs ne s’y trompent pas : l’attitude agressive de Jean-Luc Mélenchon, la justification de la violence que porte son mouvement, le manque de tenue de ses représentants, leur proximité avec les mouvements islamistes et racialistes ont abimé l’image de la gauche Nupes et de celui qui la domine. Quand les sondeurs ont demandé aux Français quelle était la personnalité politique la plus dangereuse pour la démocratie, c’est Jean-Luc Mélenchon qui est arrivé avant Marine Le Pen. Le dernier sondage IFOP-Fiducial qui confirme cette tendance date du 17 juin 2023. Seuls 21% des sondés estimaient que le RN était un danger pour la démocratie, contre 28% pour LFI. Dans le même ordre d’idées, 30% des sondés pensent que le RN est capable de gouverner, alors qu’ils ne sont que 13% à le penser dans le cas de la France Insoumise. L’image du RN et de Marine Le Pen se notabilise quand la réputation de LFI empire.

La stratégie de la tension, de l’appel au soulèvement et de l’attaque des institutions a pour vocation de faire main basse sur la colère du peuple. Il y a derrière, le vieux rêve de transformer « un peuple révolté en peuple révolutionnaire ». Pour l’instant ce fantasme n’est pas un levier politique. Il marginalise cette gauche Médine à un point tel qu’aujourd’hui, quel que soit le camp du politique interrogé, tous disent en off, qu’en cas d’un second tour Le Pen /Mélenchon, Marine Le Pen serait largement élue.

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Ancienne conseillère régionale PS d'Île de France et cofondatrice, avec Fatiha Boudjahlat, du mouvement citoyen Viv(r)e la République, Céline Pina est essayiste et chroniqueuse. Dernier essai: "Ces biens essentiels" (Bouquins, 2021)

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