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La SNCF réinvente le train fantôme


La France est mondialement réputée pour ses fromages légendaires, pour le donjuanisme de ses Présidents de la République, pour le charme mutin de ses actrices et pour ses trains à grande vitesse – qui fendent les paysages à la vitesse de l’éclair, et fonctionnent à l’énergie nucléaire. La Société Nationale des Chemins de Fer, à qui nous devons les aventures anarcho-ferroviaires de Julien Coupat (mais si, souvenez-vous, l’épicier anti-système de Tarnac) et La Bête humaine d’Émile Zola, se distingue pourtant par l’énergie considérable qu’elle déploie pour promouvoir tout un fatras d’activités qui n’ont qu’un rapport très lointain avec la circulation des trains…

Ouest-France nous apprenait il y a quelques semaines que la SNCF avait placé un piano en libre service dans le hall de la gare de Nantes. Dans quel but ferroviaire caché ? Avec quelle ambition secrètement connectée au projet général de faire partir les trains à l’heure ? Mystère. Le but affiché était de « destresser » les voyageurs. Maria-Dolores Castaigne, directrice des gares à la SNCF, se félicite: « Le ‘piano gare’ est un succès depuis la première expérience, à Montparnasse à Paris, pendant l’été 2012 : 150 à 200 personnes y jouent chaque jour. Le piano humanise, apaise… » Pour défouler les voyageurs les jours de grève, on aurait plutôt attendu une batterie… Encore que le piano soit techniquement un instrument à cordes frappées… Parallèlement est lancée l’opération « bookcrossing » à destination des voyageurs franciliens. «Sur 241 rames et 11 lignes de trains et RER – écrivait il y a peu Le Parisien – 60000 polars ont été déposés sur les banquettes par les agents SNCF. Dès 6 heures, les usagers ont pu découvrir des nouvelles d’auteurs (…) vainqueurs du prix SNCF du polar. » Mais attention, la surprise ne s’est pas arrêtée là précise le quotidien… « Dans les pages de cent livres étaient, en plus, insérés de petits cadeaux »… Lassés de conduire des trains, de veiller à la sécurité des voyageurs, d’améliorer la ponctualité des liaisons… les cheminots du futur visent le bonheur de leur prochain… Sybille Beaupied, chef de projet à la SNCF déclare « Nous voulions offrir un moment de partage, de générosité à nos usagers ». Amen.

La RATP n’est pas en reste. Nos confrères de Stratégies nous apprennent le déploiement prochain d’une opération évènementielle de grande ampleur autour de l’ouverture du Tournoi des 6 Nations de rugby… avec notamment l’ouverture d’un «Rugby Park» à la station Auber du RER A… Dans le même temps le partenaire de l’opération, la GMF, organisera des ateliers faisant connaître les gestes à adopter pour une « pratique du rugby en toute sécurité ». En cas de danger tirez le signal d’alarme…

Pourtant, les professionnels du rail français savent encore faire rêver les voyageurs, les faire frissonner et les surprendre autrement que par ces opérations évènementielles fatiguées qui n’enthousiasment en réalité plus personne… et ce grâce au train fantôme ! Brrrr… La Nouvelle République décrivait il y a quelques jours les mésaventures de passagers à qui la SNCF a vendu des billets pour un train qui… n’existait pas. « Montparnasse, dimanche soir. La gare se vide de ses derniers passagers pendant que l’accueil se remplit de clients incrédules. L’employée, pourtant visiblement rompue aux situations ubuesques, tombe des nues : ‘Non Madame ce TGV n’existe pas’ lâche-t-elle confuse à une voyageuse » Le TGV de 22h01 qui devait relier la capitale à Poitiers, et pour lequel des billets avaient été vendus, n’a tout simplement aucune existence réelle. Ce n’est qu’une pensée. Pour l’heure personne n’explique ce mystère. Les naufragés du rail ont été pris en charge par la compagnie, et logés à grands frais dans un hôtel 4 étoiles voisin de la gare. Il était inscrit sur leurs billets « ni échangeables, ni remboursables et uniquement valables sur ce train ». Mais rien, c’est vrai, ne précisait qu’il s’agissait de billets pour un trajet véritable, ou imaginaire.

L’histoire ne dit pas si le petit groupe est reparti le lendemain dans un train réel ou chimérique, ni si leur nouveau convoi kafkaïen était prévu pour le 32 du mois à 23h65… mais avec la SNCF – comme le disait l’ancien slogan – tout est possible…



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Il est l’auteur de L’eugénisme de Platon (L’Harmattan, 2002) et a participé à l’écriture du "Dictionnaire Molière" (à paraître - collection Bouquin) ainsi qu’à un ouvrage collectif consacré à Philippe Muray.

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