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Les cinq batailles perdues du chevènementisme

Chevènement lance "Refondation républicaine", et déçoit ceux qui pensent que le souverainisme n'est pas compatible avec le macronisme


Les cinq batailles perdues du chevènementisme
Jean-Pierre Chevènement, 13 avril 2022 © BERTRAND GUAY / AFP

L’ancien ministre et haute figure de la gauche souverainiste, a annoncé le lancement d’un nouveau mouvement politique, « Refondation républicaine », mercredi, depuis l’auditorium de l’Académie d’agriculture à Paris. Il entend présenter quelques candidats aux prochaines législatives qui se soumettront à la majorité macronienne.


« Refondation Républicaine », c’est donc le nom de la dernière loge en date du chevènementisme lancée ce mercredi. À 83 ans, l’ancien ministre Jean-Pierre Chevènement a ainsi matérialisé son ralliement à la macronie néo-libérale, libertaire et atlantiste. Belle fin de parcours pour un vieux tromblon qui n’aura cessé de vouloir incarner la « gauche républicaine »  ou le « citoyennisme des deux rives ».

Des représentants qui vont à la soupe

D’ailleurs, Jean-Pierre Chevènement n’est pas le seul à aller bouffer au râtelier du macronisme triomphant. Le dernier représentant notable de la gauche républicaine, l’infatigable Manuel Valls, se noyant petit à petit dans le pathétique du représentant placier cherchant désespérément à mettre le pied dans la porte du vainqueur du moment. Manuel Valls n’a aucun métier, ne sait rien faire de ses petits doidoigts à part de la politique et serait capable de taper l’incruste dans votre plumard si vous étiez un responsable politique quelconque. Sur le site de Pôle Emploi, ce métier n’a point de code ROME alors qu’il est pourtant le plus vieux du monde !

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Le chevènementisme et la « gauche républicaine » finissent donc dans le pathétique en ce qui concerne ses représentants. C’est la première défaite du chevènementisme.

Une idéologie très affaiblie

Mais au niveau idéologique, la gauche républicaine est également un naufrage total.

Car la gauche n’a jamais été aussi « woke ». Le « Chev » rêvait de la « replacer dans giron républicain », or la gauche française a désormais comme superstar Sandrine Rousseau ! Bravo !

L’ « assimilation » des populations immigrées par la politique de la main tendue, et la valorisation du mérite républicain, qui constituaient l’alpha et l’oméga de la pensée chevènementiste, se sont également pris la réalité quotidienne sur le coin de la gueule. Jamais les millions d’immigrés qui enrichissent nos banlieues ne s’assimileront et, nul besoin d’être un lecteur de Houellebecq, pour comprendre, qu’à terme, c’est plutôt nous qui devrons nous assimiler. De guerre lasse, comme le fait François, le héros de Soumission. Car le mérite républicain est petit à petit grand remplacé par le zèle islamique.

La mystique républicaine ne fait plus rêver à l’âge identitaire

Le chevènementisme est mort, mais à travers lui c’est également toute la mystique républicano-française qui s’est fracassée sur le mur du réel. Ce qui constitue une nation, ce n’est pas parler la même langue, ni appartenir à un groupe ethnographique commun, c’est « avoir fait de grandes choses ensemble et vouloir en faire encore » disait Ernest Renan. Ah bah oui, tout cela marche plus ou moins bien avec un paysan du Morvan et un ouvrier lensois. Avec Muhammad et Boubakar, en revanche, la théorie est déjà beaucoup plus théorique. La République a voulu déraciner sa population pour créer un « homo francus » de Dunkerque à Nice, elle finira déracinée des quartiers nord de Marseille à la Seine Saint-Denis ! A force de niveler les Français, d’annihiler toute forme de culture locale, de langues régionales pour créer un creuset républicain anonyme, la République a désincarné la France.

Car le jacobinisme ce n’est qu’un mondialisme à l’échelle française. Un mondialisme sans la carte flying blue d’Air France ! Or, aujourd’hui, les descendants des paysans bretons partis à Paris au début du XXè siècle ne rêvent que d’une chose : revenir dans le pays de leurs grands-parents pour tenir une ferme bio avec un four à pain. Et mettre leurs gosses dans des classes en breton ! Dans ce grand mouvement historique de « retour de l’identité », la République n’a rien d’autre à offrir que la lecture de Victor Hugo, des vagues souvenirs de l’épopée napoléonienne et des cartes réduc’ chez Leclerc. Regardez vos gamins, ils se sont recréé des identités à partir des réseaux sociaux. Sexuelles ou religieuses mais des identités quand même. Et le creuset républicain « désidentitaire » par nature, n’a pas les armes pour lutter contre cela. La République ne veut pas entendre parler de « distinction » entre les citoyens, mais aujourd’hui il y a des milliers de « distinctions » attirantes sur le marché. Dans le sous-rayon des identités sexuelles on en crée même chaque jour !

Les indépendantismes régionaux veulent prendre leur revanche

La quatrième défaite du chevènementisme concerne sa vision jacobine de la France. Chevènement, quand il était ministre de l’Intérieur, a longuement combattu les nationalistes corses : ils ont aujourd’hui trois députés à l’Assemblée nationale française, ont tous les pouvoirs sur l’île et le gouvernement de l’Etat français assassinu qu’il soutient leur a prévu un large statut d’autonomie. Bravu !

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Ah mais au-delà de la Corse, le jacobinisme français a partout du plomb dans l’aile : le 8 avril, le conseil régional de Bretagne a voté la demande d’un statut d’autonomie législatif et fiscal à Paris. A l’unanimité. PS, LR, LREM, PCF – à l’exception notable du RN. Et, dans la foulée, la Guyane a fait de même !

En 1998, l’ARB (l’Armée Révolutionnaire Bretonne) plastiquait la mairie de Belfort dont le maire était Jean-Pierre Chevènement. 25 ans plus tard, le groupe LREM au conseil régional de Bretagne, groupe soutenu par Chevènement Jean-Pierre réclame l’autonomie de la Bretagne. Brav ! (en breton cette fois)

Marine Le Pen, dernière représentante du chevènementisme ?

Et pour bien enterrer le cadavre de la gauche républicaine et jacobine à coups de pelle, notons que les grands principes de ce courant de pensée se sont incarnés dernièrement en… Marine Le Pen. Regardez bien son républicanisme assimilationniste et jacobin : c’est du Chevènement tout craché ! Cette appropriation du chevènementisme par le lepenisme constitue la dernière défaite de Jean-Pierre Chevènement.

Défaite politique, défaite idéologique, défaite complète.



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