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Deux idéologies accablent Mila

Mila est une lanceuse d'alerte. Disons-lui merci


Deux idéologies accablent Mila
L'adolescente Mila au tribunal à Paris, le 22 juin 2021 © JEANNE ACCORSINI/SIPA Numéro de reportage : 01024947_000001

Treize personnes sont jugées pour « harcèlement » et « menaces de mort » contre la jeune fille. Mais on ne peut imputer la responsabilité de son sort à la seule menace islamiste.


J’aurais des milliers de choses à écrire sur Mila, et sur l’affaire Mila.

Sur ceux qui harcèlent Mila. Sur les idéologies au nom desquelles ils la harcèlent, car il y en a deux.

Une censure qui s’étend 

L’islam bien sûr, l’islam avant tout, l’islam qui se banalise, se normalise, impose petit à petit ses normes. Mais aussi l’idée que l’on devrait respecter la susceptibilité des musulmans quitte à renoncer à nos libertés et à notre dignité. Sur ceux qui propagent ces idéologies, de l’Église de Sociologie adepte de la « coexistence » à bien des instances officielles de l’islam, en passant par le Pape François. Sur ceux qui consentent du bout des lèvres à ce que l’on critique ces idéologies, mais voudraient rendre intouchables ceux qui choisissent d’y adhérer. Sur ceux qui, justement, font le choix de ces adhésions, malgré Mila, malgré Salman Rushdie, malgré Raïf Badawi, malgré Charlie Hebdo, malgré Asia Bibi, malgré Samuel Paty, soutenant de fait les manœuvres de la Ligue Islamique Mondiale pour faire criminaliser le blasphème par les institutions internationales et instaurer une censure mondiale.

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Sur la passivité criminelle des pouvoirs publics, quand ce n’est pas la complicité. Complicité d’une garde des Sceaux dont le premier réflexe, le cri du cœur, fut de condamner Mila. Complicité d’une ministre de la Défense qui a accepté que même les lycées militaires renoncent à accueillir Mila. Complicité d’une ministre qui fait carrière sur l’idée qu’elle défend les femmes, mais qui a proposé pour animer les débats principaux des futures élections présidentielles un bateleur selon lequel les dessins de Charlie « mettent de l’huile sur le feu » et qui se réjouit que Mila « se fasse toute petite ». Sur ce procès qui n’est qu’un leurre, car la vérité se résume à trois choses. La première : 100 000 menaces de viol et de mort, 13 prévenus seulement. La seconde : Mila a été déscolarisée, pas ceux qui ont fait d’elle une paria. La troisième : le CFCM, dont le délégué général Abdallah Zekri trouvait que Mila l’avait « bien cherché », n’a jamais été sanctionné.

Merci Mila

Sur notre passivité collective, tout aussi criminelle. Que nous est-il arrivé pour que nous ne jetions pas notre mépris à la figure de ceux qui s’en prennent à Mila, et de ceux qui trouvent qu’elle ferait mieux de se taire ? Pour que nous ne descendions pas dans la rue hurler notre rage ? Pour que Mila doive se cacher, au lieu que ce soient ces traîtres et ces fanatiques qui rasent les murs, terrifiés par la colère d’un peuple qui n’accepte pas que l’on piétine la liberté de ses enfants pour satisfaire les caprices d’Allah et des fous d’Allah ?

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Sur l’importance fondatrice du blasphème dans notre civilisation, depuis qu’Homère a chanté Athéna armant le mortel Diomède contre l’immortel Arès, et insultant le dieu de la guerre. Sur le blasphème comme cri de révolte de la conscience humaine lorsqu’on voudrait la soumettre à l’arbitraire d’un dieu injuste, et étouffer sa capacité à déployer ses ailes pour penser par elle-même. Sur le blasphème comme expression de l’exigence sacrée que les dieux soient dignes d’être des dieux.

Sur ceux qui dès le début ont défendu Mila, et dont je suis fier de faire partie. Ceux qui l’ont défendue avant que ce soit à la mode. Ceux qui n’ont jamais cessé de la défendre.

Plus tard.

Alors que le procès se déroule, que Mila et les siens sont éblouissants de dignité, que Richard Malka est admirable et que certains avocats des mis en cause sont abjects, je suis trop en colère et trop ému pour écrire tout cela comme je le voudrais.

Aujourd’hui, je vois une jeune fille, fille de Sapphô et fille de la France, qui reste debout, qui ne cède pas, qui ne s’excuse pas, qui ne renonce pas, qui malgré la peur, le doute, la souffrance, l’isolement, la pression, continue à tenir tête à l’abomination. Et je sais que quoi qu’il arrive demain, elle aura fait un magnifique doigt d’honneur aux ténèbres. Et je n’ai qu’une chose à dire, la plus importante. Merci, Mila.




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Haut fonctionnaire, polytechnicien. Sécurité, anti-terrorisme, sciences des religions. Dernière publicatrion : "Refuser l'arbitraire: Qu'avons-nous encore à défendre ? Et sommes-nous prêts à ce que nos enfants livrent bataille pour le défendre ?" (FYP éditions, 2023)

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