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Bobigny: ce qui est reproché à Lagarde

Le livre qui fait mal


Bobigny: ce qui est reproché à Lagarde
Jean-Christophe Lagarde à la sortie d'une séance à l'Assemblée nationale le 17 septembre 2019. © Olivier Coret/ SIPA

Ses récentes interviews frôlent l’énervement, Jean-Christophe Lagarde perd son sang froid quand on lui parle de la parution du livre d’Eve Szeftel Le maire et les barbares. Clientélisme, copinage avec le gang des barbares… un dossier chargé.


Suite à la publication du Maire et les barbares, Jean-Christophe Lagarde a déclaré : « Il y a toujours des imbéciles pour croire aux manipulations ». Brandir le « complotisme », un paratonnerre aux questionnements légitimes d’un livre ? Ce n’était même pas nécessaire… Coup de bol pour le chef de l’UDI, la parution fracassante d’Albin Michel a eu lieu la semaine de l’affaire Griveaux.

Eve Szeftel – dont vous pourrez lire un entretien dans les colonnes de Causeur lundi – livre une enquête fouillée et pleine de réflexions, fruit de ses rencontres aux abords de l’hôtel de ville de Bobigny. Coup de tonnerre dans la préfecture du département le plus pauvre de France : la municipalité aurait bien pactisé avec les barbares, cet épouvantable gang de voyous responsable de la séquestration et du meurtre du jeune Ilan Halimi en 2006 !

Tout commence par un tract

Eve Szeftel prenait en juin 2014 ses fonctions au bureau de l’Agence France Presse (AFP) de Seine-Saint-Denis, trois mois seulement après que Bobigny, bastion historiquement communiste, ne tombe aux mains de l’UDI (Centre droit). Rapidement, elle enquête sur le profil de ces nouveaux arrivants à la mairie.

C’est un tract placardé aux quatre coins de Bobigny dans la nuit du 3 au 4 juin 2014, qui lance la journaliste de l’AFP sur différentes pistes. « La mairie de Bobigny a embauché Al-Qaida » mentionne carrément le document. C’est un peu gros, mais reste qu’effectivement, le gang des barbares semble avoir un pied dans les bureaux municipaux. Plus son enquête avance, plus des membres de la mairie se trouvent effectivement liés à des activités frauduleuses voire criminelles. Le gang des barbares, c’est notamment Lynda Benakouche qui le représente. Chargée de mission politique urbaine pour Bobigny, elle est la compagne de Jean-Christophe Soumbou, le complice de Youssouf Fofana qui, lui, est incarcéré pour séquestration, barbarie et meurtre sur le jeune Ilan Halimi à Bagneux en février 2006.

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Selon Eve Szeftel, le grand marionnettiste de toute l’histoire n’est autre que Jean-Christophe Lagarde, ancien maire de Drancy, commune limitrophe à Bobigny, président de l’UDI et député de la 5e circonscription de Seine-Saint-Denis. Pour arriver au pouvoir dans cette municipalité, son parti use de procédés clientélistes et s’approprie l’approche tolérante-indigéniste habituellement courante à gauche, pour mieux faire tomber l’étiquette PC de la ville. La démocratie à Bobigny se déconstruit alors au profit d’une voyoucratie et d’un communautarisme assumé.

Pour consolider son statut de député et élargir une base électorale fragile, Lagarde devait faire basculer coûte que coûte la préfecture de Bobigny à droite. Eve Szeftel nous décrit ses méthodes par le menu et dresse la liste des personnes impliquées de près ou de loin dans l’affaire. Leur point commun ? Leur relation avec le député de la 5e circonscription, pardi ! Ainsi, Christian Bartholmé, collègue de M. Lagarde à la mairie de Drancy. Ou Kianoush Moghadam, cador de la cité Paul Éluard. Ou encore Abdeslam Berrouane, membre de l’association des musulmans de Bobigny. Ils auront à eux trois plus de pouvoir que le maire Stéphane de Paoli en personne.

Voyoucratie et communautarisme

Chacun des membres de la municipalité a son rôle et son importance. Mme Benakouche, égérie de l’affiche officielle de la liste « Rendez-nous Bobigny », voilée, et Kianoush Moghadam matérialisent à deux ce pacte entre le gang et la mairie. Abdeslam Berrouane, quant à lui, fait le lien entre le maire et les musulmans de Bobigny.

Capture d'écran youtube avec de gauche à droite Sabrina Saïdi, Christian Bartholmé et Lynda Benakouche.
Capture d’écran Youtube avec de gauche à droite Sabrina Saïdi, Christian Bartholmé et Lynda Benakouche.

La clef du succès électoral de l’UDI à Bobigny, c’est l’associatif. Jean-Christophe Lagarde distribuera plus de la moitié de sa réserve parlementaire entre 2010 et 2014 à des associations musulmanes de Bobigny : parmi elles, une salle de fitness non-mixte financée indirectement par la mairie, une mosquée à tendance salafiste… le tout, en flattant parfois le mérite des enfants d’immigrés et en prônant un discours type décolonial et indigéniste. Si certaines de ces associations ne sont plus en activité, l’association culturelle des musulmans de Bobigny touchera 80 000€. M. Lagarde est bienveillant ! Une fois les cités et les musulmans de Bobigny dans la poche, Stéphane de Paoli, candidat UDI en 2014 remporte la victoire électorale.

Bobigny comme tant d’autres…

La couleur était annoncée, et une fois l’UDI aux commandes la situation se détériore encore : clientélisme, intimidations au sein même de la mairie et violences pour lesquelles Christian Bartholmé et Kianoush Moghadam comparaissent devant la justice. En 2014, après la diffusion du fameux tract, l’hebdomadaire Marianne avait dévoilé l’enregistrement pirate d’une réunion plus que musclée où le premier adjoint et Moghadam menacent de mort une élue qu’ils soupçonnent d’être l’auteur du fameux tract.

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Ayant postulé en Seine Saint-Denis après dix ans au siège parisien de l’AFP, Eve Szeftel confie avoir voulu confronter à la réalité ses préjugés sur les banlieues. Elle n’est pas déçue du voyage. Son aventure n’a fait que grossir les traits d’une caricature tristement vraie. Le Maire et les barbares n’invente rien et nous met en garde. Ailleurs aussi, le communautarisme subventionné, le clientélisme et l’encouragement des discours antirépublicains gagnent élus et agents municipaux. Lynda Benakouche est toujours en poste à Bobigny et est même en passe de devenir fonctionnaire, malgré toutes les accusations portées contre elle. Un jalon posé dans la dangereuse islamisation de la vie politique. Le bafouement démocratique balbynien raconté par Szeftel nous montre des élus locaux pactiser avec des figures anti-juives, alors que les figures nationales du même parti font mine de s’inquiéter de la montée de l’antisémitisme.

Si l’on devait toutefois trouver des circonstances atténuantes pour l’UDI de M. Lagarde, être à la tête d’une ville n’implique pas de gouverner sans les particularités des citoyens. Bobigny n’est d’ailleurs pas n’importe quelle ville… Eve Szeftel décrit une situation qui dépasse la volonté d’un seul homme. Lagarde ne fait qu’appliquer un système de gouvernance efficace et répandu dans les banlieues, probablement considéré comme unique moyen de conserver dans ces zones de violences physiques et idéologiques une présence républicaine. À une logique démographique répond une logique politique.

Depuis la sortie de l’ouvrage, Jean-Christophe Lagarde annonce vouloir porter plainte contre la journaliste de l’AFP et l’hebdomadaire Le Point qui accole une photo du député à sa une « Ces élus qui ont vendu leur âme ». Aucune plainte n’a encore été déposée.

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