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Et Salvini inventa une Shoah anti-italienne

Quand l’Italie s’invite à la table des peuples génocidés


Et Salvini inventa une Shoah anti-italienne
Matteo Salvini. Cristiano Minichiello/AGF-SIPA.

En faisant passer les massacres titistes de la Seconde Guerre mondiale pour de la purification ethnique, l’Italie s’invite à la table des peuples génocidés. Et taxe de révisionniste tout historien rappelant la complexité des fosses communistes (foibe) au nord-est de la Botte.


« Les enfants morts dans les foibe et ceux morts à Auschwitz sont égaux. Il n’existe pas de victimes de premier et de second rang », a solennellement déclaré le ministre de l’Intérieur italien Matteo Salvini le 10 février, à l’occasion de la Journée du souvenir. Littéralement, une foiba désigne un fossé au fond duquel les partisans yougoslaves de Tito jetaient les combattants ou soutiens de la République (nazi-fasciste) de Salò entre l’automne 1943 et le printemps 1945. En Vénétie julienne, les condamnés étaient liés les uns aux autres aux poignets par un long fil de fer, les premiers de la file mitraillés et jetés dans la fosse, puis les suivants enterrés vivants sous les corps de leurs compagnons. Depuis 2004, l’État italien a instauré le jour du Souvenir pour commémorer leur martyre.

« Vive Trieste, l’Istrie et la Dalmatie italiennes ! »

Cette année, le ban et l’arrière-ban de la République se sont rendus au mémorial de Basovizza, près de Trieste. Même le président du Parlement européen, Antonio Tajani (centre droit) s’est fendu d’un très chauviniste : « Vive Trieste, l’Istrie et la Dalmatie italiennes ! » La Croatie et la Slovénie n’ont pas tardé à réagir. Non seulement parce que l’eurodéputé s’est laissé aller à revendiquer des fractions de leurs territoires, comme aux pires heures de l’irrédentisme transalpin. Mais aussi parce que Tajani comme Salvini ont fustigé le « nettoyage ethnique » auquel se seraient livrés les partisans communistes yougoslaves. Par voie de communiqué, le très modéré président Sergio Mattarella a renchéri : « Beaucoup des victimes italiennes n’avaient aucun lien avec le fascisme et ses crimes. » Tollé de son homologue slovène. Car le consensus historique veut que les partisans titistes aient essentiellement abattu des collaborateurs mussoliniens sans pour autant viser l’éradication du peuple italien, dont ils appuyaient la résistance communiste.

A ses morts, Salvini reconnaissant

Cependant, depuis la fin de la guerre froide, l’historiographie dominante à Rome calque le sort des Italiens sur celui des juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Jadis apanage de la droite néofasciste, la mémoire des foibe a été « holocaustisée » (Damiano Garofalo) de manière à disculper le régime fasciste. Certains universitaires et politiques, souvent de gauche, rappellent que Mussolini et ses sbires imposèrent leur joug criminel vingt ans durant aux sous-citoyens slovènes et croates. Par les temps qui courent, ce simple énoncé factuel suffit à se faire taxer de révisionniste… Grâce aux foibe, l’Italie s’est tardivement invitée à la table des peuples génocidés, élargissant cette catégorie à tous les civils italiens chassés de Yougoslavie après le second conflit mondial, ainsi qu’aux milliers de prisonniers morts emprisonnés ou déportés par Tito. Opération victimisation réussie.

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Quinze jours après les commémorations de Basovizza, une autre cérémonie se tenait aux portes de Trieste, dans l’enceinte du camp d’extermination de San Sabba. À l’occasion du Jour de la mémoire, le 27 février, dans l’unique lager nazi d’Italie, aux milliers de victimes brûlées dans les fours crématoires, une foule de 300 personnes a écouté les discours officiels lus par un conseiller régional, un obscur sous-secrétaire d’État, le vice-président de l’Assemblée et une poignée de parlementaires. Ministres, président de région et maire de Trieste brillaient par leur absence. Les morts sont bien peu de chose.

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Mars 2019 - Causeur #66

Article extrait du Magazine Causeur




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est journaliste.

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