Accueil Édition Abonné Islamisme: Ces hommes qui n’aimaient pas les femmes

Islamisme: Ces hommes qui n’aimaient pas les femmes


Islamisme: Ces hommes qui n’aimaient pas les femmes
Manifestation de "bienvenue aux migrant-e-s" à Barbès, Paris, novembre 2016. Photo: @citizenside.com
Manifestation de « bienvenue aux migrant-e-s » à Barbès, Paris, novembre 2016. Photo: @citizenside.com

En février 2016, un homme écopait de deux ans de prison pour avoir, quelques jours plus tôt, brûlé et défenestré Griffin, le chat de sa compagne, un crime odieux qui avait embrasé les réseaux sociaux. La presse, les associations et les comptes twitters déchaînés applaudissaient ce châtiment exemplaire (révisé à la baisse en appel). Le 4 avril 2017, Sarah Halimi, 65 ans, résidente d’une HLM de Belleville depuis trente-cinq ans, était torturée et défénestrée aux cris de « Allah Ouakbar ». Le meurtrier, son voisin Kobili Traoré, était déclaré inapte à la garde à vue et interné en psychiatrie, où il se trouve toujours. Il ne sera peut-être jamais jugé. Bien sûr, il ne nous appartient pas de nous prononcer sur l’état mental de cet homme – un type qui commet un tel acte ou qui roule sur une foule ne donne pas toutes les garanties d’équilibre. On peut au moins s’étonner que le procureur de Paris n’ait pas retenu la circonstance aggravante de l’antisémitisme, fût-ce pour l’écarter au cours de l’instruction. Il est en revanche certain que le calvaire de Sarah Halimi a suscité moins d’émotion et moins de mobilisation que celui de Griffin. Et que la justice a été beaucoup plus prudente pour une paisible retraitée juive que pour un chat. Il faut croire que les victimes nous importent moins que de tenir les « bons coupables ». Si Sarah Halimi avait été massacrée par un skinhead, l’entre-deux tours aurait été une Sarah Pride. Chacun serait allé voter contre la haine en arborant fièrement son nom et son visage. On se serait vautrés dans les amalgames les plus éhontés, en se félicitant de ne pas céder face au fascisme. Seulement, dès qu’il s’agit de la haine islamiste, qu’elle s’exprime par la violence, la détestation affichée de la liberté française ou le harcèlement des femmes, bref dès qu’il s’agit de la haine concrète, réelle, celle qui pourrit la vie de gens ici et maintenant, toute cette énergie résistante se confond en précautions, chichis sémantiques et promesses d’accommodements : faut faire attention des fois qu’on irait confondre un brave dealer avec un vrai barbu.

Certains nous expliquent qu’on ne voit pas ce que l’on voit

À l’époque, même les institutions communautaires juives, souvent trop promptes à dégainer, n’ont pas voulu gâcher la fête électorale. Il ne fallait pas faire le jeu du Front national. Et puis, on n’était pas sûrs. Si ça se trouve, le gars fréquentait la mosquée de la rue Jean-Pierre Timbaud mais c’était une couverture. Ce silence – dont nous sommes également coupables quoi que moins longtemps que d’autres – désarme les sociétés européennes plus sûrement que les manquements de nos services de sécurité. Comment pourrions-nous lutter contre un fléau qu’on refuse de voir, contre un ennemi qu’on ne veut pas nommer ? C’est donc d’abord ce silence qu’il faut combattre aujourd’hui. Malgré l’acharnement de la journaliste Noémie Halioua (dont nous publions l’enquête pages 46-49) et de l’avocat Gilles-William Goldnadel, la partie est loin d’être gagnée si on en juge par celui, à peine poli, qui a accueilli la pétition signée le 2 juin par nos plus éminents intellectuels (Badinter, Bruckner, Gauchet, Finkielkraut, Julliard, Onfray…) dans Le Figaro, pour demander que la lumière soit faite sur ce crime. Notre grande radio de service public, France Inter, n’a pas jugé bon de la mentionner. On y est trop occupé, sans doute, à lutter contre la peste brune et le harcèlement de rue dans les beaux quartiers.

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Ce qui est encore plus désespérant que le réel (qui l’est déjà passablement), ce qui met de surcroît dans une colère noire, c’est la résistance frénétique que lui oppose une grande partie du monde politique et médiatique, l’acharnement que mettent certains à[access capability= »lire_inedits »] nous expliquer que nous ne voyons pas ce que nous voyons, le soupçon qui s’abat sur tous ceux qui, depuis des années, mettent en garde contre la progression en France, d’une culture qui n’est pas française, culture qui, au-delà même de la place qu’elle fait aux femmes, entend soumettre la raison à la foi. De cela, on peut bien sûr discuter, mais justement, toute cette entreprise de noyage de poisson, de « ce n’est pas si grave », de « n’en parlez pas cela pourrait faire le jeu du Front national », de « le harcèlement, ça commence à l’Assemblée nationale quand on siffle Duflot dans sa robe à fleurs »[1. Je n’ai pas inventé cette perle, elle est extraite de l’émission de Charline Vanhoenacker du 17 mai, avec Rachida Brakni.] vise à interdire toute discussion. Que l’on ait du mal à trouver les mots justes et les concepts précis pour définir cette culture problématique (qui n’est pas tout l’islam mais qui n’a pas non plus rien à voir avec lui) doit certainement inciter à la prudence. Pas réduire au silence. Le silence a tué Sarah Halimi une deuxième fois. Il n’est plus une option.

À chaque fois que la question de la coexistence des cultures s’invite dans le débat public, c’est-à-dire en permanence, le même mécanisme collectif d’auto-persuasion se met en place et de bons esprits, de moins en moins nombreux il est vrai, s’efforcent de nous expliquer que ces actes inqualifiables sont le fruit de la pauvreté, donc un peu de nos manquements collectifs. « Les terroristes prospèrent sur la misère », a twitté le président Macron après l‘attentat de Manchester. Quelques jours plus tard, un doctorant algérien – ancien journaliste de surcroît – s’en prenait à un soldat sur le parvis de Notre-Dame de Paris. On peut ironiser ou s’étrangler de rage, mais il faudrait surtout comprendre pourquoi il est à ce point vital pour certains de nier que les origines culturelles influencent les comportements sociaux.

C’est la faute aux méchants – fachos, mâles, blancs, riches, islamophobes, vous choisissez selon le cas.

Dans cette perspective, les bons esprits, de part et d’autre de la Manche, n’ont guère aimé le discours de Theresa May après l’attentat de Londres du 3 juin. Déjà coupable de vouloir respecter la volonté du peuple britannique quant à la sortie de l’Union européenne, la Première britannique s’en est pris clairement à « l’idéologie démoniaque de l’extrémisme islamiste » et surtout au multiculturalisme à l’anglaise et à la vie « en communautés séparées et ségréguées » qu’il instaure. Voilà qui a achevé de la classer dans le camp du mal et de la réaction, parmi ceux qui, nous explique l’impayable Laurence de Cock, historienne de son état, propagent des « paniques identitaires » – parfaitement dépourvues de fondement comme chacun sait. Qu’on m’autorise, malgré la gravité du sujet, à détendre l’atmosphère en citant la drôlissime conclusion de l’interview que celle-ci a accordée à Télérama sur la polémique « La Chapelle-Pajol » : « Penser les choses de façon sociologique, c’est donner du sens donc apaiser. » Que Weber, Durkheim, Raymond Boudon et Guillaume Erner me pardonnent, mais les sociologues sont en réalité devenus les grands vendeurs de salades de notre époque, comme en témoigne le couple de comiques déniché par France Inter, les Pinçon-Charlot, leur travail consistant le plus souvent à recouvrir les faits gênants d’un voile pudique. Avec Laurence de Cock, on le verra, on est plutôt dans la chape de plomb. Et du comique, on est passé au franchement énervant. À la fin, ça finit toujours pareil, qu’il s’agisse de terrorisme, de harcèlement des femmes, de « simple obscurantisme » ou de toute autre violence, c’est la faute aux méchants – fachos, mâles, blancs, riches, islamophobes, vous choisissez selon le cas.

Lorsqu’on lira ces lignes on saura si les électeurs ont récompensé la Première ministre anglaise pour sa lucidité ou s’ils l’ont sanctionnée pour son incapacité à les protéger. Mais à en juger par les réactions outragées suscitées par son discours, elle a frappé là où ça fait mal en déclarant : l’extrémisme sera vaincu seulement « lorsque nous aurons détourné l’esprit des gens de cette violence et leur aurons fait comprendre nos valeurs britanniques pluralistes qui sont supérieures à tout ce que proposent les prêcheurs de haine et ceux qui les soutiennent ». Enough is enough, trop c’est trop !, a-t-elle martelé. Bien sûr, il y a un risque que ce genre de proclamation apparaisse après-coup comme une vaine rodomontade. N’empêche, des valeurs supérieures ! On aimerait entendre ce genre de bravade dans la bouche du président Macron. Et on aimerait croire qu’il a pris conscience de la gravité de ce qui se passe dans les zones de non-France, qui ne cessent de s’étendre à deux pas de chez vous et moi. En effet, le multiculturalisme à la française n’est guère plus vivable que son ancêtre britannique. Il peut parfois passer pour non violent, mais il est rarement pacifique, sauf à considérer que l’intimidation soit une méthode pacifique de prise du pouvoir. Encore les Brits peuvent-ils revenir sur des droits accordés et des accommodements établis. Chez nous, où l’État prétend toujours ne voir qu’une seule tête, et certainement pas des communautés, le multiculturalisme a avancé clandestinement et sans jamais faire l’objet, bien sûr, de la moindre délibération démocratique. Personne, et surtout pas les immigrés de la première génération, n’a voulu la fin du modèle français d’assimilation que Michèle Tribalat analyse dans une nouvelle édition de son livre sur le sujet, tout juste arrivée sur ma table.[2. Assimilation, la fin du modèle français, pourquoi l’islam change la donne, éditions de l’Artilleur, 2017.] Sans doute cet abandon a-t-il été théorisé par quelques conseillers d’État qui ont inventé la chatoyante expression de « diversité », puis vulgarisé par quelques journalistes et autres militants-chercheurs, enchantés de voir se défaire toutes ces pesanteurs ennuyeuses, mais dans le fond, les gouvernants n’ont fait qu’accompagner le cours naturel des choses en les saupoudrant de compassion à deux balles. L’immigration de masse et les paraboles ont fait le reste. Et voilà pourquoi votre République est muette.

Peut-être faut-il préciser, une fois encore, que le multiculturalisme ne résulte pas de la joyeuse coexistence sur le même sol d’individus venus de cultures différentes, mais de la concurrence de plusieurs normes anthropologiques, culturelles, sociales et donc civiques. Il y a une façon d’être communautaire qui pose un défi à la communauté nationale. On peut aussi dire, comme l’intellectuelle franco-tunisienne Hélé Béji (pages 50-53), qu’il s’agit d’une différence de temporalités et que de nombreux musulmans pensent comme Bossuet dans un pays qui pense comme Voltaire. En attendant, cette différence est de plus en plus conflictuelle, et le déni de ce qui se passe de plus en plus insupportable.

Sarah Halimi, une histoire française

Aussi terrible que soit le crime fanatique de Kobili Traoré, il est l’expression, paroxystique mais certes pas isolée, du choc des cultures tel qu’il existe, non pas dans l’imagination des sociologues et des journalistes-de-gauche (espèce qui survit mieux que la gauche elle-même sans doute grâce à son sens inné du troupeau), mais dans la vraie vie de quartiers de plus en plus nombreux de nos villes. Le multiculturalisme au quotidien, ce n’est pas toujours Sarah Halimi, ni Manchester ou Londres. Mais c’est souvent La Chapelle-Pajol. Ah oui, j’oubliais, là aussi, c’est rien que des menteries des méchants Finkielkraut, Zemmour et consorts. Cette histoire est un cas d’école. Le 18 mai, Le Parisien publie un article sur ce quartier de Paris où, apprend-on, « les femmes sont chassées des rues ». Branle-bas de combat de la fine fleur du journalisme islamo-nigaud, de Télérama au Bondy Blog en passant par France Inter et Mediapart), qui se rue à La Chapelle pour démontrer que tout est faux, puisque nous, on a croisé des femmes. Rectification du Parisien qui ne dit plus « les femmes », mais « des femmes ». Triomphe du camp du Bien qui brandit des femmes très contentes de vivre dans ce quartier merveilleusement métissé – que Paulina Dalmayer nous raconte pages 54-57. Sur France Inter, une invitée de l’humoriste en chef explique que, « partout dans le monde et particulièrement en France, la rue appartient aux hommes ». Bien sûr, personne ne s’insurge, mais les deux animateurs sont belges, ils ne doivent pas savoir. Dans Télérama, Laurence de Cock et l’anthropologue Régis Meyran expliquent dans un fatras plénélo-bourdivin que ces « paniques identitaires » sont forgées et manipulées par les dominants ­– pour maintenir un ordre injuste. Si aucune femme libre (et habillée dans le style afférent) ne peut traverser un quartier où les gens de culture musulmane sont majoritaires, cela n’a évidemment rien à voir avec la conception de la femme dans l’islam et tout avec la pauvreté et le racisme. D’ailleurs, souligne Meyran, finaud, « on va montrer des cafés sans femmes à Sevran, sauf qu’au fin fond de la Creuse il n’y a pas beaucoup de femmes dans les cafés non plus ». Et après qu’Alain Finkielkraut a recommandé à Marlène Schiappa la lecture de La France soumise, ouvrage coordonné par Georges Bensoussan, la même de Cock s’étrangle au prétexte qu’il conseille « un livre d’extrême droite ». On l’aura compris, tout ce qui s’oppose à la propagande gentillette du multiculti heureux est décrété d’extrême droite. L’infatigable Caroline de Haas propose pour sa part d’élargir les trottoirs, ce qui est aussi amusant que le conseil de la maire de Cologne demandant aux Allemandes de s’habiller de façon moins tentante. Quant à Marlène Schiappa, elle semble trouver plus urgent d’insulter Alain Finkielkraut ou de permettre aux Femen d’exhiber leurs seins à Notre-Dame que d’aider les habitantes de La Chapelle-Pajol et des autres territoires perdus à s’habiller comme bon leur semble.

Les femmes ne sont pas, loin s’en faut, les seules victimes de cet ordre que l’on qualifiera, faute de mieux, d’islamo-délinquant et qui, loin de protéger le minoritaire, le faible, le dissident, les montre du doigt. Mais elles sont en première ligne. Comme l’écrit Daoud Boughezala, « dans le XVIIIe, comme d’ailleurs à Sevran et tant d’autres territoires occupés de la République, ce sont les femmes qui trinquent, ou plutôt qui ne trinquent pas ». Tout d’abord, nos vaillantes racailles s’attaquent volontiers aux plus faibles : Sarah Halimi n’a peut-être pas été attaquée en tant que femme, mais son meurtrier ne s’en est pas pris à un homme. Ensuite, la liberté des femmes est probablement ce que nos ennemis haïssent le plus chez nous. C’est aussi un trésor que nous devrions chérir et défendre. Quoi qu’on en pense à France Inter, Télérama et sur toutes ces autres planètes où le réel n’arrive pas, il y a un certain islam avec lequel nombre de mes concitoyens ne veulent et ne peuvent pas vivre. Les traiter de racistes n’y changera plus rien. Nous voulons tous vivre-ensemble. Mais pas avec n’importe qui.[/access]

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Juin 2017 - #47

Article extrait du Magazine Causeur




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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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