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Qui est responsable de la hausse vertigineuse de l’héritage?


Qui est responsable de la hausse vertigineuse de l’héritage?
Liliane Bettencourt et son petit-fils Jean-Victor Meyers à Paris, mars 2012. SIPA. 00634937_000001
Liliane Bettencourt et son petit-fils Jean-Victor Meyers à Paris, mars 2012. SIPA. 00634937_000001

France Stratégie, l’un des nombreux organismes publics qui nous submergent de rapports en tous genres, s’est emparé de la question de l’héritage. En France, son montant global est passé, d’après l’INSEE, de 60 Md€ en 1980 à 250 Md€ en 2015 (en euros constants). Une explosion de plus de 400 % quand le revenu disponible des ménages augmentait seulement de 77 %. La  part de l’héritage dans le total de ce que reçoit un ménage (net de cotisations et d’impôts) au cours de son existence a donc en moyenne beaucoup progressé : elle est de 19 % aujourd’hui contre 8,5 % en 1980. Cela correspond à l’augmentation du montant du patrimoine des ménages par rapport à leurs revenus : un peu plus de 8 années de revenus aujourd’hui, au lieu de 5 en 1980. France Stratégie en déduit que la transmission héréditaire devient trop inégalitaire et qu’une majoration de la fiscalité de l’héritage (y compris les donations) est donc nécessaire.

Sa « note d’analyse » ne cherche hélas pas à comprendre pourquoi le capital a tant augmenté en proportion du revenu. L’immobilier, qui en constitue la part du lion (près de 5 années de revenu contre 3,5 pour le patrimoine financier net), a vu ses prix augmenter fortement, ce qui correspond pour une large part à la raréfaction du foncier constructible. La politique des collectivités locales en est largement responsable : en schématisant, disons que tout terrain est réputé inconstructible, sauf autorisation dûment enregistrée au Plan local d’urbanisme (PLU). Ce malthusianisme en matière de terrains à bâtir n’existe pas en Allemagne, où la densité de population est pourtant beaucoup plus forte que chez nous, si bien que l’immobilier y est meilleur marché et que ses prix grimpent moins.

Investir dans le capital humain

La hausse de la fortune mobilière mériterait aussi que l’on cherche ses causes. Deux facteurs (fortement liés) ont une importance particulière : l’ampleur des déficits publics et la politique de taux d’intérêt très bas menée par la Banque centrale européenne (BCE). Les États empruntant une forte proportion de ce qu’ils dépensent, les ménages sont amenés à détenir, sous forme d’assurance vie en euros, des épargnes qui ne correspondent hélas à aucune richesse nette, mais qui pèsent dans la balance de France Stratégie. Le comportement de nos banquiers centraux incite évidemment fortement à la détention d’actions (et aussi de biens immobiliers), ce qui conduit à des capitalisations boursières sans rapport avec la valeur réelle de certaines firmes.

Autrement dit, la hausse de la richesse apparente des ménages français, très supérieure à celle de leur richesse réelle, est due pour une bonne part au comportement irresponsable des pouvoirs politiques et monétaires. Avant de dégainer un Colt fiscal, France Stratégie aurait été bien inspiré de se poser quelques questions économiques basiques relatives aux causes de l’inflation du patrimoine nominal, phénomène effectivement malsain, dont les statisticiens nous montrent l’ampleur.

 « Peut-on éviter une société d’héritiers ? » Pour répondre de façon pertinente à sa question, qui est le titre de sa « note d’analyse », France stratégie aurait également dû s’intéresser à une forme de capital très inégalement réparti, qui représente le double ou le triple du capital classique : le capital humain. La mauvaise qualité d’une partie importante de notre enseignement public, et tout particulièrement de beaucoup d’établissements situés dans les quartiers populaires et autres « cités », est la cause majeure de la transmission héréditaire d’une faiblesse en capital humain. Pour vaincre la pauvreté, dit la sagesse des nations, apprendre à pêcher est autrement efficace que de donner un poisson. Continuer à ne rien apprendre, ou si peu, à beaucoup des gamins qui n’habitent pas les beaux quartiers, est clairement le meilleur moyen pour perpétuer ou augmenter le caractère « société d’héritiers » de la société française.

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est économiste et membre fondateur du fonds de recherche Amitié Politique. Prochain livre à paraître : "La retraite en liberté" (Cherche midi)

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