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Montebourg gâche son talent


photo : Sidi-Bouzid News (Flickr)

Il y a trois Montebourg : l’avocat de la démondialisation qui dès 1997, faisait campagne en faveur du protectionnisme européen, déplorant la désertification industrielle de la Saône-et-Loire, l’éternel jeune lion du Parti Socialiste qui ne parvient pas à se défaire de son image de bourgeois aux dents longues, orfèvre en retournements de veste et combinazione, passé de Benoît (Hamon) à Ségolène (Royal) puis à Martine après un flirt raté avec Pierre (Moscovici) et, enfin, le Robespierre aux petits pieds, partisan de l’acharnement éthique contre Chirac, dont l’idéologie semble se réduire à une vague critique parlementariste de la Ve République et à une croisade contre les paradis fiscaux.

Lundi soir, lors de son grand meeting au théâtre Dejazet, Montebourg voulait surtout montrer le premier, le démondialisateur, notamment dans son excellent discours de clôture où il a confirmé son hétérodoxie économique et formulé quelques propositions concrètes, qui ont au moins le mérite de trancher avec les mesures cosmétiques de ses concurrents socialistes d’enrichir le débat de quelques couplets innovants :

– La mise sous tutelle des banques et entrée de représentants de l’Etat, des syndicats et des usagers dans leurs conseils d’administration ;

– La création d’une Agence Européenne de la dette mutualisant les dettes publiques sur la base d’une taxation des transactions financières à hauteur de 0.05% (dont les recettes rembourseraient la dette grecque en un an).


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Bonne prestation sur le fond, donc. On n’en dira pas autant sur la forme. Côté mise en scène, Montebourg a sacrifié à tous les poncifs du Spectacle contemporain. D’emblée, le ton fut donné par le choix farfelu d’une musique du groupe ivoirien Magic system en duo avec le chanteur Khaled.


MAGIC SYSTEM KHALED par sixonine

Compilant l’arabe et un idiome africain dans un brouhaha musical insupportable, ce générique accompagna l’entrée en scène – puis la sortie- d’Arnaud Montebourg, rappelant avec de gros sabots que Montebourg n’a rien à voir avec Marine Le Pen, malgré la proximité de leurs projets économiques malicieusement rappelée par l’intéressée. Le public ne put échapper à la rengaine sur le grand-père algérien du candidat, pas plus qu’à l’éloge absurde de la « France métissée ». Du Ségolène Royal dans le texte.

Le pire restait à venir, avec un aréopage de soutiens hétéroclites. Deux heures durant, une petite dizaine d’intervenants se disputèrent en effet la palme du discours le plus soporifique pour défendre leurs chapelles respectives, en vrac le féminisme, les banlieues, la laïcité, l’écologie, les rapports Nord-Sud. On vit donc se succéder à la tribune :

– Un Roland Castro parfois lyrique, parfois pertinent et concret, mais plutôt fumeux dans son éloge naïf de la « mondialité » ethnoculturelle française.

– Un représentant du pôle écologique du PS racontant longuement l’écologie d’hier avec des histoires de poêles à charbon qui firent monter d’un cran la chaleur suffocante. Sa blague involontaire sur la profondeur des convictions écologistes d’un Montebourg n’acceptant les supermarchés que quand ils utilisent un tant soit peu l’énergie solaire, a remporté un grand succès auprès des mauvais esprits disséminés dans la salle.

– Une ex-ministre de la jeunesse de Cresson et Bérégovoy, Frédérique Bredin, qui offrit à l’assistance dans un pur revival des années Mitterrand promettant à Montebourg, qui a « le courage de la volonté », un destin présidentiel.

– Laurianne Deniaud, présidente des Jeunes socialistes, soumise à un très courageux devoir de réserve qui la contraint à attendre le résultat des primaires socialistes pour rallier le vainqueur, mit son éloquence (digne des plus belles heures de Darry Cowl) au service d’un vibrant hommage à la jeunesse, résumant au passage les deux faces du socialisme postmoderne : l’égalité hommes-femmes et la lutte contre les discriminations.

– Christine Taubira entraînant une fois encore sur le public sur les chemins rebattus du « devoir de mémoire » et de l’exécration corollaire des pouvoirs politique, financier, médiatique, idéologique. Evoquant Frantz Fanon et le mouvement des pays non-alignés, elle célébra la globalisation de la démondialisation. Heureusement, la radicale de gauche fit une révélation fracassante : Montebourg possèderait deux qualités « il est beau, et ce n’est pas un bourgeois ».

– Sihem Souid, auteur d’Omerta dans la police, évidemment victime de la misogynie et du racisme congénitaux de nos flics et ardente avocate de la police de proximité : de quoi dissuader les trafiquants de drogues de manier des armes de guerre.

– Sihem Habchi, ex-présidente de Ni putes ni soumises, « résistante » au fascisme qui entra en politique un certain 21 avril 2002et que l’on a connue mieux inspirée.

Arrivé et reparti sur les rythmes endiablés d’un hymne au métissage, pour ne pas dire au multiculturalisme – personne au PS n’ayant à ce jour perçu la contradiction entre ces deux voies – Arnaud Montebourg a finalement galvaudé son talent en caricaturant « Jean-Marine Le Pen » dont le « projet est racialiste » (!).

N’eût-été son programme économique ambitieux, ce show aurait pu être parrainé par la Fondation Terra Nova. Les amis d’Olivier Ferrand, qui avait choisi de se fondre dans l’assistance, sont en effet les inspirateurs du positionnement France de demain regroupant « les jeunes, les femmes et les minorités des quartiers populaires ». Il n’est pas sûr que cette « coalition des victimes » suffise à pallier le peu d’appétence des classes populaires pour le PS. Il est vrai qu’il le leur rend bien.



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