Tunisie : misère du BHL bashing


Tunisie : misère du BHL bashing

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Vendredi dernier, aux cris de « BHL dégage », « Non aux intérêts sionistes en Tunisie » des dizaines de manifestants scrutaient l’arrivée de Bernard Henri-Lévy à l’aéroport de Tunis en conspuant « l’intellectuel juif » venu distiller sa « haine contre les Arabes et les musulmans » (sic). Obligé de sortir par une porte dérobée, l’auteur du Serment de Tobrouk venait tout simplement conférer avec ses amis libyens hébergés à l’hôtel Résidence de Gammarth. Interrogé par Le Point, l’intéressé impute ces attaques à une infime minorité d’islamistes, rejoints par un quarteron de gauchistes locaux.

J’ai bien peur que cette lecture très franco-française des événements ne pèche par excès d’optimisme. Car du côté des siffleurs, on trouvait des jeunes gens comme Lotfi Abdelli, connu pour ses spectacles contre le voile et l’islamisme. Il est fort probable que des électeurs de Nidaa Tunes et autres modérés se soient glissés dans le troupeau de Panurge accusant BHL de fomenter la destruction de la Tunisie. Sous l’entretien du Point, des commentateurs tunisiens ayant fait la claque à Tunis disent n’appartenir à aucun camp. En effet, les images parlent d’elles-mêmes : en fait de rouges ou de barbus le couteau entre les dents, on y discerne des tunisiens lambda et glabres, au milieu d’une nuée de jeunes femmes non voilées. L’un d’eux poussait l’excentricité vestimentaire jusqu’à arborer un maillot Superman et une tête coiffée de la  traditionnelle chechia, tel le premier hipster parisien alliant chapeau melon et jean’s slim fit !

Bref, on était loin des gueux sortis de leurs mosquées. Au quotidien, ces membres de la classe moyenne pratiquent sans doute « l’islam des Lumières » cher à leur bête noire. Ironie du sort, BHL ne rêve que d’édifier la démocratie avec ces élites qui l’abhorrent. Gêné aux entournures, en bon représentant d’une « démocratie sans démocrates » (Ghassan Salamé), le gouvernement intérimaire tunisien a piteusement réagi à l’affaire. Non seulement en refusant de condamner la tragi-comédie de l’aéroport mais, par la voix de son  chef de la diplomatie, en annonçant diligenter une enquête sur les motifs de la venue de BHL à Tunis. On ne saurait mieux alimenter la machine à fantasmes…

Des deux côtés de la Méditerranée, depuis ce week-end, la Toile se délecte de ce délire carnavalesque où le minable le dispute à l’abominable. Au prétexte que Bernard-Henri Lévy porte une lourde responsabilité dans le déclenchement de la guerre libyenne, de petits plaisantins ricanent derrière leurs claviers face aux images des Tunisiens criant sus au « sioniste ». Sur les réseaux dits sociaux, on met ces scènes d’hystérie en rapport avec le fiasco de sa pièce Hôtel Europe afin d’illustrer la dégringolade d’une des têtes de turc préférées des Français. De méchantes langues prétendent même que ce crâneur de BHL aurait été expulsé par un pays mieux avisé que le nôtre. C’est ajouter l’irresponsabilité au mensonge : au mieux, ces comiques troupiers négligent l’antisémitisme d’une partie des masses arabes ; au pire ils le cautionnent.

Quoi qu’il en soit, ce triste spectacle n’est pas un signe de très bonne santé pour la première « démocratie » du Maghreb. Personnellement, j’ai assez écrit tout le mal que je pensais de la politique libyenne qu’a inspirée BHL pour échapper à tout soupçon de complaisance. Lorsque ses illusions universalistes se heurte aux rugosités du monde arabe, il serait malvenu de crier avec la meute. On ne se refait pas : je préfère tendre la main à un adversaire plutôt que de le jeter dans la fosse aux lions…



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est journaliste.

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