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Thierry Jonquet, pour mémoire


Thierry Jonquet, pour mémoire
Thierry Jonquet.
Thierry Jonquet
Thierry Jonquet.

Thierry Jonquet est mort à 55 ans, au mois d’août 2009. C’était une des voix les plus originales et les plus indépendantes du roman noir français. Dans un milieu où l’antifascisme est devenu une posture moutonnière pour cacher l’absence de talent et profiter de quelques rentes de situation dans les festivals, il avait fait entendre sa différence sur des questions comme l’insécurité ou la montée de l’antisémitisme dans les banlieues. Cela avait valu à Thierry Jonquet les foudres du procureur Daeninckx et de quelques-uns de ses sycophantes. Venu de l’extrême gauche trotskyste, éducateur puis ergothérapeute avant de se consacrer pleinement à la littérature, Jonquet n’avait pourtant pas viré particulièrement à droite, se contentant de rendre compte, dans Jours Tranquilles à Belleville, de la dégradation d’un quartier à cause de la toxicomanie à ciel ouvert et, dans Ils sont votre épouvante et vous êtes leur crainte, des angoisses d’une professeur obligé de cacher ses origines juives devant certains adolescents plus ou moins manipulés par des islamistes à front de taureau.

[access capability= »lire_inedits »]Folio Policier a eu la bonne idée de reprendre en un seul et épais volume quatre titres parus initialement en Série Noire. Ils correspondent à deux périodes distinctes de l’œuvre de Jonquet. Mygale et La Bête et la belle sont des romans noirs rapides, cruels, coupants comme une lame fraîchement aiguisée. Typiques d’une « french touch » des années 1980, ils décrivent, à travers des névroses individuelles, l’état d’une société tout entière. Si La Bête et la belle est une réécriture ironique et achélémienne du conte de Mme Leprince de Beaumont, Mygale, qui eut l’honneur de porter le numéro 2000 de la célèbre collection de Marcel Duhamel, est l’un des récits de vengeance froide et médicale les plus étonnamment pervers et efficaces qu’il nous ait été donné de lire et que beaucoup tiennent pour un chef-d’œuvre littéraire qui transcende le genre.

Documentaire réaliste et peintre de l’intime

Les Orpailleurs et Moloch, les deux autres titres présents dans ce volume, datent des années 1990, époque où Jonquet décide de renouer avec une autre tradition du genre, celle de la saga unanimiste, mêlant sur plusieurs centaines de pages tous les acteurs d’une société, policiers, magistrats, avocats, médecins, que l’on suit sur de longues périodes. Cela avait donné, par le passé, des œuvres essentielles comme celle d’Ed McBain et ses romans sur le 87e commissariat ou celles des Suédois Sojwall et Whalöö sur un groupe de policiers dans le Stockholm des années 1960-1970. Chez Jonquet, comme chez eux, on retrouve la minutie dans la description des procédures et le réalisme documentaire des situations qui n’empêchent pourtant pas de suivre les destins individuels dans leur intimité. Cette façon de faire a donné à ces deux titres de Jonquet une dimension de « roman total » : c’est à eux, en priorité, qu’il faudra se référer quand on voudra savoir à quoi ressemblait la France de la dernière décennie du siècle dernier entre corruption, meurtres d’enfants, tueurs en série, tensions sociales et « passé qui ne passe pas » et vient affleurer mortellement dans le présent.

Romans noirs

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Mai 2010 · N° 23

Article extrait du Magazine Causeur



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