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Super plan mais mauvais coup


Super plan mais mauvais coup
Bourse de Francfort. Flickr / Tobias Leeger
Bourse de Francfort
Bourse de Francfort. Flickr / Tobias Leeger

Les bourses européennes se sont littéralement envolées, ce lundi, après l’accord trouvé dans la nuit sur « un mécanisme de stabilisation destiné à préserver la stabilité financière en Europe » – traduction française : les gouvernements mettraient « jusqu’à 750 milliards d’euros » sur la table afin d’éviter une crise financière généralisée. Message reçu illico par les traders : les indices explosaient, bancaires en tête, assurés du soutien indéfectible des braves contribuables européens. Le hic (et bientôt nunc) est que ce « super plan » pourrait bien ne rien changer si la tempête financière devait se lever sur le Vieux contient.

La tempête financière éclatera. Forcément.

Or, tôt ou tard, elle éclatera. Les « maillons faibles » de l’Union (Grèce, Portugal, Espagne, etc.) ont une croissance nulle, réduisent leurs dépenses budgétaires tandis même que le coût du traitement du chômage augmente considérablement, et incitent à la rigueur salariale, étouffant ainsi la reprise. Un PIB rétréci et une dette au mieux inchangée : leur ratio richesse/dette chutera donc mécaniquement. Et sera donc confirmé leur statut de débiteurs fragiles. Et donc augmenté les taux auxquels ils pourront emprunter sur les marchés, selon la bonne vieille règle : à débiteur dangereux, taux de prêt faramineux. Bis patatra ! Dans un an, sinon dès cet été, ces pays seront de nouveau pris à la gorge. L’abandon provisoire de l’euro par la Grèce, puis le Portugal et le l’Espagne, aurait pourtant été une solution à examiner. Il aurait permis, d’une part, à ces pays à « faible spécialisation » de se refaire en dévaluant massivement, et, d’autre part, aux grandes économies encore à peu près stables de ne pas engouffrer leurs dernières marges financières dans un sauvetage hypothétique. Car si le « super plan » ne fonctionnait pas, Paris et Berlin se retrouveraient dans une situation fort délicate. Leur dette et leur croissance étant ce qu’elles sont, comment les deux « moteurs » de l’Union feraient-ils face à une nouvelle dégradation : par davantage de rigueur ou d’emprunts ?

Qui régale ? La France et l’Allemagne

La Bible l’enseigne, la première question à se poser devant une manne est : « Qui régale ? »  Ici : qui va financer ce « super plan » ? Londres s’est carapaté d’emblée. L’Italie n’a pas un kopek. Quant aux autres… Concrètement, reste Paris et Berlin[1. L’évaluation faite par notre ministre des Finances à « 20%, soit 88 milliards d’euros, la quote-part de la France » dans ce Super Plan relève de la plaisanterie : hors l’Allemagne, dont la Chancelière vient de prendre une claque électorale et pourrait donc bourse délier plus chichement qu’annoncé, qui règlera vraiment les 80% restant : l’Italie, la Belgique, la Grèce ?]. Car si les termes de l’accord ne sont pas encore connus, il ressort que, pour sa part, la Commission Européenne se contentera d’un fonds de 60 milliards d’euros pour abonder au « super plan ». Super. Et où les trouvera-t-elle ? Sur les marchés. Qui empruntent à la Banque Centrale Européenne à 1%. No Comment ? No comment. Le FMI, lui, a promis de réfléchir à un engagement pouvant aller jusqu’à 250 milliards d’euros – soit, murmure-t-on, ce qui serait tout juste en mesure de stabiliser l’Espagne, au cas où… Pour les 440 milliards d’euros manquant, eh bien… Voyez les membres de la zone euro. C’est-à-dire, une fois encore, Paris et Berlin.

Or, une simple addition suffit à douter de la viabilité de l’opération. Plus de cent milliards affectés d’ores et déjà à la Grèce, pour laquelle on admet à présent qu’une rallonge sera nécessaire. Concernant l’Espagne, on a évoqué une enveloppe de trois cents milliards, hypothèse raisonnable au vu de son endettement, de son chômage (20%) et de sa tragique absence de croissance. Ajoutons le Portugal, l’Irlande, quelques pays d’Europe orientale et voilà notre « super plan » déjà épongé jusqu’au dernier cent. Il était fait pour cela, dira-t-on ? Certes. Mais quid de la troisième économie du continent, quid de l’Italie ? Chômage, endettement, déficit, croissance, démographie : tous les voyants sont au rouge dans ce pays dirigé par un zouave. Qu’adviendra-t-il le jour où Rome verra le loyer de l’argent dont elle a cruellement besoin augmenter, augmenter… Il n’y aura alors plus de « super plan ». Il n’y aura plus d’argent à Paris, et sans doute plus de « volonté de solidarité » à Berlin depuis longtemps. Alors, ce jour-là…

Le super-plan : du spectaculaire

La vérité de ce « super plan » réside avant tout dans le qualificatif ingénument suggéré aux médias pour le décrire : spectaculaire. Et c’est bien cela qu’on nous a offert : du spectaculaire, destiné à frapper les esprits « avant l’ouverture des marchés ». Il n’y avait pourtant d’autres mesures à prendre – et de quelle ampleur ! Dimanche soir, par exemple, les Européens auraient pu décider de nationaliser les banques majeures, afin de les protéger de la dette grecque mais aussi pour les remettre à leur place, les rendre à leur rôle : financer la croissance commune. Et séparer une bonne fois pour toutes les activités de dépôts et celles dites de spéculation !

Dimanche soir, les Européens auraient pu, tout aussi bien, faire montre de courage en laissant la Grèce, et d’autres, sortir de l’euro, sortir la tête de l’eau. De courage ou bien, faisons un rêve, d’audace : n’était-ce pas l’opportunité historique d’appeler aux urnes tous les peuples de l’Union et de leur soumettre enfin un projet de gouvernement économique et de fiscalité communs ? Mais non. Il a été préféré un « super plan », encore très flou, probablement impossible à financer, et certainement incapable de dissuader des forces déchaînées tant par la paralysie des nations que par l’inexistence de l’Europe.



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