Réforme du collège : qu’en pensent les parents d’élèves?


Réforme du collège : qu’en pensent les parents d’élèves?

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Alors que les associations de professeurs de lettres et d’allemand ont été les premières à sonner publiquement le tocsin sur le danger que représentait la réforme du collège, elles sont désormais rejointes par la quasi-totalité des associations de professeurs du secondaire, sans parler des syndicats qui, pour la plupart, appellent à manifester le 19 mai.

La réforme du collège enflamme le débat public, surtout depuis que de grands noms de la communauté intellectuelle et scientifique se sont emparés du sujet, poussant dans leurs retranchements Najat Vallaud-Belkacem et le Président de la République lui-même. Dans un discours, prononcé à l’occasion du troisième anniversaire du démarrage de son quinquennat au Conseil économique, social et environnemental devant un parterre de jeunes, François Hollande a dit qu’il entendait « le concert des immobiles » et de poursuivre, « ce sont souvent les plus bruyants, ceux qui au nom de l’intérêt général supposé, défendent leurs intérêts particuliers ». C’était une forme de réponse au courrier qui venait de lui être adressé par l’Association des professeurs de lettres, et qui avait reçu le soutien public de plusieurs dizaines de personnalités intellectuelles, culturelles et politiques.

N’en déplaise à la ministre, tout ce qui réfléchit en France se réveille et montre son rejet d’un projet éducatif complètement aberrant. Oui mais voilà, certains, et non des moindres, refusent d’ouvrir les yeux. Je parle ici des fédérations de parents d’élèves de l’enseignement public (PEEP et FCPE) et privé sous contrat (APEL), c’est-à-dire les représentants des parents dans les conseils d’administrations des collèges et lycées et dans les conseils d’école. La PEEP et la FCPE ont participé, aux côté des syndicats d’enseignants, au vote consultatif du Conseil supérieur de l’éducation sur la réforme du collège, le 10 avril dernier. En votant dans cette haute instance du ministère de l’éducation nationale, ils ont donc engagé leur responsabilité à l’égard des parents qu’ils représentaient. Nous étions en droit d’attendre, nous parents d’élèves qui les avons élus, qu’ils le fassent en maîtrisant à la perfection le sujet sur lequel ils étaient appelés à se prononcer et qui engage l’avenir des collégiens. Et là, je suis perplexe face à un tel manque de discernement et de sérieux.

Un petit tour d’horizon des positions des trois grandes fédérations de parents d’élèves me semble assez significatif du drôle de décalage entre de très nombreux parents et ceux qui sont censés porter leur voix.

Parmi les deux principales fédérations de l’enseignement public, je pensais la PEEP, qui avait battu le fer contre la réforme des rythmes scolaires, la mieux placée pour s’opposer à la réforme du collège. Je me suis trompée puisqu’à ma grande surprise, elle s’est abstenue lors du vote du 10 avril. Mon sang d’adhérente n’ayant fait qu’un tour, j’ai donc écrit à la fédération pour demander des explications que sa présidente, Valérie Marty, m’a fournies rapidement. La PEEP est favorable aux nouveaux Enseignements Pratiques Interdisciplinaires (EPI) mais elle est défavorable à la suppression des classes européennes et elle est réservée sur la réforme des langues anciennes. Si je transforme ses arguments en langage mathématique, cela fait : 1-1+0=0. La réponse adéquate pour transcrire cette logique en chiffres était donc l’abstention. Sauf qu’à mon sens, c’est extrêmement léger comme méthode pour évaluer une réforme qui va bouleverser en profondeur l’éducation de nos enfants. J’ai connu la présidente de la PEEP bien plus inspirée et réactive dans la bataille qu’elle a livrée contre les rythmes scolaires, une bataille à laquelle les adhérents avaient d’ailleurs été largement associés.

Qu’en est-il de la FCPE, proche du Parti socialiste, pour lequel une réforme du gouvernement actuel est forcément bonne et juste? Sans surprise, la fédération a voté pour la réforme et, en bon petit soldat de Najat Vallaud-Belkacem, elle reprend sur son site les éléments de langage que la Ministre répète à longueur de matinales. Ceci dit, on a vu la FCPE bien plus offensive ces derniers mois, notamment lorsqu’il s’agissait de défendre dans les médias la réforme des rythmes scolaires ou, lors de la querelle sur la théorie du genre à l’école en janvier 2014, lorsqu’elle a mis toute son énergie pour relayer la promotion des ABCD de l’égalité auprès des parents et dénoncer ceux qui s’y opposaient. Il n’est pas interdit d’imaginer qu’aujourd’hui, la réforme en cours ne fait pas l’unanimité parmi les adhérents qui comptent beaucoup d’enseignants, ce qui expliquerait sa discrétion sur ce sujet.

Mais, devinez d’où vient le soutien le plus inconditionnel, à la fois à la réforme du collège et au projet de refonte des programmes ? Du privé sous contrat ! Mais oui, et pas de n’importe qui, de l’Association des parents de l’enseignement libre (APEL) ! Bien que n’étant pas membre du Conseil supérieur de l’éducation, l’APEL a ses entrées au Quai de Grenelle et elle a publiquement manifesté sa satisfaction de voir la réforme du collège adoptée lors du vote au Conseil. Elle « partage le constat de la Ministre » sur le fait « que le collège n’est pas adapté à l’évolution de la société » et « qu’il ne tient pas assez compte de la diversité ». L’association « se réjouit » ainsi de l’introduction de l’interdisciplinarité par les EPI, du caractère moins encyclopédique des programmes et de l’accent mis sur les compétences. Pas un mot sur les langues anciennes qui visiblement n’existent pas pour ces gens-là. C’est quand même à se demander si les artisans de la réforme au ministère n’ont pas massivement mis leurs enfants dans le privé et insidieusement investi l’association en jouant de la naïveté de certains parents et chefs d’établissements. En tout cas, pour l’APEL, avec cette réforme, tout est beau dans le meilleur des mondes, comme le laisse entendre le site qui reprend quasiment mot pour mot le discours ministériel. Puisque « l’APEL accueille avec beaucoup d’espoir la volonté de la ministre de réorganiser le collège », celle-ci n’a pas de souci à se faire pour que ses enfants soient accueillis à bras ouverts dans les établissements privés. Ainsi, ce sont les parents les plus privilégiés, ceux des écoles privées sous contrat, qui sont les meilleurs alliés du projet égalitariste de François Hollande et de Najat Vallaud-Belkacem ! En attendant, je connais des parents du privé qui s’étranglent de colère face aux positions utopistes de leurs représentants.

Comme n’importe quel lecteur avisé, les représentants des parents au niveau national, ont accès à tout un panel d’analyses extrêmement sérieuses, comme par exemple l’étude mise en ligne par la Conférence des associations de professeurs spécialistes. Avant de se prononcer en notre nom, la moindre des choses serait de se documenter et, de préférence, ailleurs que sur le site du ministère de l’éducation nationale, non ? Ce n’est pas non plus trop leur demander que d’associer les adhérents à un vrai travail de réflexion sur les enjeux de cette réforme.

Encore une fois, nous retrouvons au niveau des associations de parents d’élèves, cette crise de représentativité dont souffre notre démocratie. Est-ce vraiment sérieux de penser que les positions des trois principales fédérations (deux soutiens à la réforme et une abstention) reflètent vraiment ce que pense l’ensemble des parents de la réforme ? Que l’on me permette d’en douter. Les fédérations sont les premières à déplorer les taux d’abstention record lors des élections de représentants de parents d’élèves en début d’année scolaire. La situation ne risque pas de s’améliorer si elles continuent à se montrer autant à côté de la plaque sur un sujet qui provoque une telle inquiétude dans l’opinion publique.

À quelques semaines du vote définitif du texte, les ouvriers de la vingt-cinquième heure sont encore les bienvenus. J’appelle les responsables des fédérations des parents d’élèves à sortir de leur torpeur ou de leur angélisme face à ce tsunami éducatif annoncé et à réaliser enfin, pour citer François Bayrou, que « le pays dans ses profondeurs ne veut pas qu’on lui enlève ses atouts ».

*Photo : A. Gelebart / 20 Minutes/SIPA. 00666674_000029.



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