Accueil Politique Quel second tour pour les voix de Montebourg ?

Quel second tour pour les voix de Montebourg ?


Photo : Le Parisien-PQR

Purée, ma voix vaut cher ! Dès hier soir, ils me faisaient tous les yeux doux. Enfin à moi et aux 400000 autres degauches qui ont mitonné la surprise du chef en soutenant Arnaud Montebourg au premier tour de la primaire socialiste (On va continuer de faire comme si les 0,61% de Baylet n’existaient pas, ce qui nous évitera d’utiliser le piteux vocable de primaires citoyennes.)

En conséquence de quoi, dès hier soir, la chasse aux voix démondialistes était la seule obsession des deux états-majors du second tour – qui ont préalablement pris soin, toutefois, de verser quelques larmes de crocodile sur le suaire de Ségolène. Et là, j’avoue avoir été assez choqué par la tonalité générale des commentaires. Tout d’abord, du haut de leur science exacte, experts, politologues, et sondeurs nous expliquaient dès 21 heures que ces 17% -qu’aucun d’entre eux n’avait vu venir, mais passons- se reporteraient « logiquement », voire « naturellement » sur Martine Aubry. Un credo aussitôt psalmodié en chœur par tous les ténors aubrystes, notamment ceux issus de la gauche socialiste, que Martine avait soigneusement planqués sous le tapis pendant sa campagne de premier tour, à commencer par leur leader, Benoît Hamon.

Que nous disent Benoît et Le Monde (et Fabius, et Camba et Delanoë) ? Tout d’abord que la maire de Lille captera forcément nos voix parce qu’elle est plus sociale et moins libérale que son adversaire de dimanche prochain. Déjà, c’est faire peu de cas de ce que le député de Saône et Loire n’a cessé de répéter depuis le début de sa traversée des primaires : du point de vue idéologique, Aubry et Hollande, c’est Dupond et Dupont ou, plus exactement Delors contre Delors.

C’est encore plus vrai quand on se rapproche du cœur du corpus montebourgiste, à savoir la démondialisation. Démondialisation dont il faut répéter qu’elle n’aura été que le premier étage de la fusée d’Arnaud, suivie au fil de la campagne, du rappel de plus en plus insistant de son double refus du TCE et de la lamentable ratification du Traité de Lisbonne –ce qui le distingue de ses cinq rivaux. Le troisième étage de la fusée, celui qui à mes yeux a réellement fait décoller Arnaud et convaincu pas mal d’hésitants de bouger de sous leur couette automnale, c’est bien sûr l’appropriation et la revendication du mot « protectionnisme », et ce sans même prendre la peine de l’accoler automatiquement dans ses discours à l’adjectif « européen ». Jusque là, c’était le mot qui stigmatise, décrédibilise, lepénise, la Lettre écarlate de la politique française au point que même le tonitruant Mélenchon n’osait le prononcer. Arnaud Montebourg l’a placé au cœur de ses « éléments de langage » -démontrant au passage qu’en politique, le cran peut parfois payer : avec moi, en tout cas, ça a marché à donf.

Martine Aubry est-elle mieux placée que François Hollande pour capter le protectionnisme ? Vu de loin, l’argument asséné hier par Benoit Hamon devant toutes les caméras semble imparable : « Imagine-t-on Arnaud Montebourg soutenir François Hollande au côté de Manuel Valls?». Mais le raisonnement de notre décongelé de fraiche date est hémiplégique : imagine-t-on Démondialisator faire tribune commune avec Martine entre Jacques Delors et Alain Minc sur fond de bannière bleue étoilée et d’Hymne à la joie ? Thierry Mandon, un des lieutenants de l’Arabo-morvandiau a assez bien moqué cette grosse ficelle sur le plateau de LCP : « Je suis content de voir que Fabius s’est converti à la démondialisation. Depuis le JT de 20 heures… » .

Bien sûr, dans le camp d’en face, ça a dragué sec aussi. Mais au moins les Hollande boys n’ont-ils pas trop cherché à me vendre de pianos (sauf Jack Lang, hein, mais c’est un peu le Baylet du PS, hein). Pas de conversion aussi soudaine que suspecte à la démondialisation, mais une prise en compte somme toute assez crédible, du volet VIème République du projet Montebourg, soit le minimum syndical. Les idées de François Hollande ne sont pas mes idées, et ses rêves encore moins, mais sa sobriété me sied. A contrario, le dolorisme indigné de sa challengeuse me replonge en plein cauchemar ségoléniste, et j’ai déjà donné.

Accessoirement, et c’est mon petit doigt qui me le dit, et pas mes amis les sondeurs, Hollande me paraît plus à même de tenir le choc face à un Nicolas Sarkozy, qui, va mettre toute sa force, sa ruse et son intelligence dans le combat de sa vie. En cas de confrontation avec Martine Aubry, là encore ce sera Ségo bis. Perso, ce n’est pas cette dimension de vote utile qui me parle le plus, mais je ne suis probablement pas un échantillon représentatif du vote Montebourg…

N’étant pas dans le secret des dieux, j’ignore tout de la consigne que donnera, ou ne donnera pas, ce soir Arnaud Montebourg. De toute façon, dans ce type de scrutin plus que dans tout autre, nul n’est propriétaire de ses voix. Comme tous les supporters d’Arnaud Montebourg, j’écouterai avec attention les indications qu’il donnera pour le second tour. En l’état actuel des choses, je ne sais pas encore si j’irai voter dimanche prochain, mais je sais déjà pour quelle candidate je ne voterai pas.



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De l’Autonomie ouvrière à Jalons, en passant par l’Idiot International, la Lettre Ecarlate et la Fondation du 2-Mars, Marc Cohen a traîné dans quelques-unes des conjurations les plus aimables de ces dernières années. On le voit souvent au Flore.

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