Le scandale des prêtres non pédophiles


Le scandale des prêtres non pédophiles

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Le pape François l’a annoncé : une journée de prière sera organisée, le 7 juillet, pour les victimes d’actes pédophiles commis par des membres du clergé catholique. La multiplication des affaires de pédophilie dans lesquelles l’Église est mouillée offre aux médias de quoi s’indigner à bon compte : sujet racoleur, coupables idéaux, rentabilité morale garantie.

On dira qu’il ne s’agit pas d’un complot des robes noires, mais de faits bien réels. De fait, les chiffres impressionnent : entre 2004 et 2013, pas moins de 3420 plaintes déposées contre des ecclésiastiques pour pédophilie ont été jugées sérieuses.

Comme je crains que, des accusations de ce genre, il continue d’en pleuvoir des cordes auxquelles l’honnête croyant pourrait être tenté de se pendre, je voudrais cependant rassurer les familles dont les enfants passent leurs mercredis et dimanches dans les jupes du clergé. Victime de la suspecte imprudence de mes géniteurs, je fus astreint à fréquenter catéchisme et aumônerie dès l’âge de 6 ans et ne fus autorisé à me mettre à l’abri des prédateurs ensoutanés auxquels on m’avait livré que dix ans plus tard. Croyez-le ou non : quitte à en décevoir certains, mon enfance ne ressemble pas à un film de Pedro Almodovar.[access capability= »lire_inedits »]

Seul dans ma chambre, je ferme les yeux. Je me revois petit garçon écoutant les cours du père Martin ; m’inventant des péchés à confesse devant un autre prêtre dont le nom m’échappe ; devisant sans fin en tête à tête avec le père Albert quelques jours avant ma profession de foi. Je me revois en aube blanche, le jour venu, un cierge à la main, yeux noirs et crin brillant, teint pâle d’enfant sage, un rose et doux sourire à mon visage suspendu comme une image de la Vierge au mur de la loge d’une concierge portugaise. Ma chair était tendre, sentait la lavande et le savon de Marseille. Qu’attendaient-ils, mes bourreaux présumés?

Je cherche, je fouille, je creuse, je questionne ma mémoire, supplie le docteur Freud d’éclairer le recoin de mon cerveau où se dissimule le noir souvenir que, sans doute, je refoule… Eh bien, non, rien ! Aucun baiser douteux, aucune caresse déplacée. RAS. Pas même un mot ou ne serait-ce qu’un regard à demi-suspect dont je n’aurais compris que des années plus tard qu’ils étaient une invitation manquée à la débauche. Sans que je le devine, ma carrière de séducteur venait de subir ses premiers revers.

Étais-je si repoussant ? Ma mère et mes grands-mères se moquaient-elles, avec leurs yeux couvants qui me regardaient comme on se pourlèche devant une pâtisserie orientale? Dix années d’instruction religieuse, autant de perdues. Mes curés avaient dû fréquenter les mauvais séminaires. Je les quittais aussi sceptique et ignorant des choses du sexe qu’avant de les avoir rencontrés. Le bon Dieu a de ces farces…

Loin de moi l’idée de me servir des déconvenues de ma jeunesse pour nier la diversité des tempéraments. Quelques enfants, peut-être, ne goûtent pas les leçons d’ecclésiastiques plus entreprenants que les miens. Je plains ces gosses. Pour deux minutes de licence mal digérées, on les ballottera de commissariat en cours d’assises.

Échoués dans les méandres de la procédure pénale, ils seront tenus d’exposer devant parents, amis, policiers, magistrats et public le détail de leur vie sexuelle dix fois, cent fois, mille fois ! Pour peu que l’affaire ait les faveurs des journalistes, elle sera même placée sous les projecteurs devant la France entière. Des kilotonnes de papier, d’images, de commentaires feront du premier péquin venu le fin spécialiste de l’intimité du plaignant. Il y a de quoi être traumatisé…

Pour préserver les enfants de l’indélicatesse de la justice, d’aucuns prétendent que le Vatican devrait détourner de leurs penchants les curés pédophiles en les autorisant à se marier. Peut-être que l’abandon du célibat est nécessaire. Les vocations se raréfient (« Dieu n’a plus d’arguments », en conclut un anonyme dans une brève de comptoir), et mieux vaut des prêtres mariés que pas de prêtres du tout.

Quoique… Les catholiques devraient se méfier. L’Église, à force de plier sous le poids des modes de son temps, finira par s’écrouler. Le danger, pour elle, ne vient pas de l’extérieur. La déliquescence du respect des principes chrétiens est patente chez les fidèles eux-mêmes. En témoigne l’explosion des syncrétismes. Chacun concocte la macédoine spirituelle qui l’arrange. Tel croyant y mettra, par exemple, deux doigts de bouddhisme, trois cuillères à café de catholicisme, une pincée d’animisme et (pourquoi pas?) un soupçon d’athéisme. La recette est astucieuse et permet de se soustraire aux commandements du pape sur l’avortement, l’euthanasie ou le mariage homosexuel. C’est oublier que la vocation de l’Église est de réformer les mœurs, pas d’encourager leur dissolution.

On dira que le clergé pourrait commencer par réformer les siennes. Admettons qu’il y a contradiction à prêcher, bible en main, la bonne parole, un enfant de chœur planqué à genoux dans la soutane. L’argument du recours au mariage pour limiter les amours pédophiles n’en est pas moins une infaillible ânerie. Ces amours s’épanouissent dans toutes les professions où des adultes sont en contact fréquent avec des enfants. Des instituteurs, des imams, des rabbins, des j’en-passe-et-des-meilleurs y succombent. Voilà qui en dit long sur la pauvreté de l’origine de nos troubles sexuels.

Des études démontreraient que c’est dans le clergé catholique que l’amour des enfants est le plus répandu. J’en doute. Affirmer, comme les journalistes, que les affaires de pédophilie affaiblissent l’Église, c’est raisonner à l’envers : c’est parce que l’Église est la plus affaiblie de toutes les institutions scolaires et religieuses que les scandales s’y multiplient. Ce déclin, que l’on peut déplorer par ailleurs, a au moins ceci de bon que les ecclésiastiques ne jouissent plus auprès des fidèles du prestige moral qui leur permettait, hier, de laisser leur coupable passion s’accomplir dans la tranquillité de leurs paroisses.

Pour terminer, je ne pense pas qu’une femme, aussi ardente soit-elle, puisse éteindre chez un homme le goût des petites filles et des petits garçons. Si c’était le cas, le clergé aurait déjà éradiqué la pédophilie. Croit-on qu’un prêtre qui a l’audace de faire fi de son vœu de célibat pour tripoter un enfant se gênerait pour en faire autant avec une femme si ce substitut l’apaisait ? Autoriser le mariage ne changera rien. Ce n’est pas en lui servant du sanglier qu’on rassasie un cannibale.[/access]

*Photo: ALFRED/SIPA.00485577_000003

Eté 2014 #15

Article extrait du Magazine Causeur



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