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Paris, peine capitale


Paris, peine capitale

paris alain paucard

Alain Paucard est un mélancolique allègre, un ronchon aimable, un nostalgique souriant. Question de politesse. Qu’il prenne acte du réaménagement autoritaire de ce qu’on appelait jadis les villes par des urbanistes aux utopies mortifères (Les Criminels du béton) ou de la servitude volontaire qui pousse des millions de gens à partir bronzer loin de chez eux dans des conditions concentrationnaires (Le Cauchemar des vacances), Paucard, dont les amis et admirations ont pour nom Jean Dutourd ou Michel Audiard, est un indispensable comptable de nos faillites contemporaines.

Là où il pourrait éventuellement perdre son amabilité, dans cette fin du monde au ralenti, c’est quand il est question de Paris. Paris est la propriété personnelle de Paucard. Il n’en sort pas, ou peu, chérissant par-dessus tout son 14e natal où il vit encore, comme un assiégé. La tradition dans laquelle s’inscrit son Paris, c’est foutu est presque aussi vieille que Paris lui-même. C’est celle des piétons attentifs, des arpenteurs minutieux, des chasseurs subtils de signes dans une ville de tous les possibles.

Paucard chemine, dans son inventaire des vingt arrondissements et de la proche banlieue, en compagnie des truands, de François Villon à l’argot mystérieux, des situs de Debord et de leurs dérives psycho-géographiques mais aussi de Walter Benjamin saisissant le mystère des passages ou encore des surréalistes qui, avec Aragon dans Le Paysan de Paris ou Breton dans Nadja, ont redessiné une géographie secrète et soyeuse de la capitale. Nadja et son profil perdu qui reste le même que celui de la passante de Baudelaire, de la jeune fille de Nerval ou de la Dora Bruder de Modiano.

Seulement, raconte Paucard au fil de son errance, le rêve fraîchit. Paris finit par céder à son tour et par ressembler, au choix, à un musée ou à une cité construite par et pour  des utopistes qui voient le monde comme une administration désincarnée. La preuve de cette désillusion définitive avec son sale goût d’irréversible, nous dit Paucard, c’est que les rimailleurs magnifiques  ne chantent plus la ville désenchantée. Et pourtant,« recenser les chansons sur Paris, ses rues, ses amours, son esprit, la Seine, les bals, les guinguettes serait une tâche pour bénédictin centenaire. Bout à bout, elles représenteraient la plus grande programmation jamais mise en ondes ».

Paris c’est foutu !, Alain Paucard, éditions Jean-Cyrille Godefroy, 2013.

*Photo : SEVGI/SIPA. 00669172_000005



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