Ne pas changer de main…


Ne pas changer de main…

onanisme tissot leroy

Il y a quelques semaines, une étude scientifique nous apprenait que la consommation de pornographie était pleine de dangers pour la santé. Avec force scanners sur une population de 21 à 45 ans consommant quatre films pornos par semaine, des chercheurs allemands de la Fondation pour le développement humain Max Planck , dans des conclusions reprises par le Journal of the American medical association, (section « psychiatrie », tiens, tiens…) nous livraient leurs conclusions. « Nous avons constaté un lien négatif significatif entre le fait de regarder de la pornographie pendant plusieurs heures par semaine et le volume de matière grise dans le lobe droit du cerveau » déclaraient ainsi nos honnêtes savants qui continuaient : « Ces effets pourraient indiquer des changements dans la plasticité neuronale résultant d’une intense stimulation du centre du plaisir ».

Pourquoi avons nous eu d’emblée l’impression de relire une vieille partition plutôt que d’assister à une découverte ? C’est que ces scientifiques allemands publiés par des Américains (autant dire que nous sommes ici au cœur du vieux continuum spatiotemporel du puritanisme) renvoient en ligne droite au père fondateur du combat contre la pignole, la branlette, la veuve Poignet : j’ai nommé le docteur Samuel Auguste Tissot, Suisse, homme des Lumières et auteur du best-seller L’onanisme (1760), texte fondateur qui servit longtemps de bible sur la question. Chez nos scientifiques de 2014 qui eux aussi oeuvrent « pour le développement humain », on retrouve ainsi, en moins bien écrit, une reprise troublante des maux décrits par le bon docteur Tissot : « Un coït modéré est utile quand il est sollicité par la nature : quand il est sollicité par l’imagination, il affaiblit toute les facultés de l’âme et notamment la mémoire ». Tissot, sadien malgré lui, multiplie dans une langue très pure les descriptions de cas terribles de « masturbateurs uniquement livrés à leurs méditations ordurières » qui connaissent très vite la dépression et la débilité à force d’éjaculer leur matière cérébrale car le sperme « est une portion du cerveau. »

Tissot et ses modernes descendants, décidément, ne changent jamais de main. Ils veulent faire notre bien sexuel malgré nous, depuis toujours : « J’ai tâché de ne rien omettre de ce qui peut ouvrir les yeux des jeunes gens sur les horreurs de l’abîme qu’ils se préparent. » Loin, très loin du gentil Woody Allen pour qui la masturbation est, in fine, le meilleur moyen de faire l’amour avec quelqu’un qu’on aime.

L’onanisme, Samuel Auguste Tissot (La Différence, 1991)

*Photo : Gladys.



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