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Le niveau de résilience alimentaire de la France est très bas

Faut-il s'en inquiéter en cas de crise grave?


Le niveau de résilience alimentaire de la France est très bas
Image d'illustration Pixabay

Coronavirus et résilience alimentaire des populations


Alors que le gouvernement italien vient d’étendre les mesures de confinement à l’ensemble du pays afin de lutter contre la propagation du coronavirus, nombre d’Européens et d’Asiatiques, mais également d’Américains et d’Australiens, ont commencé à stocker des provisions, de l’eau et des produits de première nécessité en vue d’une aggravation de la situation dans les semaines à venir. Au Royaume-Uni, où le nombre de cas déclarés de coronavirus était de 373 le 10 mars (par rapport aux 9172 cas italiens et 1412 cas français à la même date), certaines chaînes de supermarchés ont déjà dû imposer des restrictions sur certains produits alimentaires ou sur les gels hydro-alcooliques, déjà très difficiles à trouver. Dans ce contexte de grande incertitude, auquel est venu se greffer un krach boursier inédit doublé d’une crise pétrolière déclenchée par l’Arabie saoudite, des interrogations se font jour concernant les risques de disruption des chaînes d’approvisionnement en nourriture de nos populations.

Niveau de résilience alimentaire alarmant

En 2008, le chercheur en sciences sociales et ancien conseiller général de l’Aude, Stéphane Linou, a anticipé la menace d’une pandémie grippale qui bloquerait les approvisionnements. Afin de mesurer notre degré d’autonomie alimentaire dans le cadre d’un tel scénario, il avait fait l’expérience de se nourrir, pendant une année entière, exclusivement avec des produits issus d’une zone d’un rayon de 150 km autour de son lieu d’habitation (Castelnaudary). Il en avait conclu que production et consommation n’étant plus territorialisées, nos territoires – même ruraux – ne sont plus du tout autonomes, donc très vulnérables. Les Chinois, pour leur part, n’ont pas attendu pour tenter d’acquérir des terres agricoles sur le territoire français, dans l’optique de disposer de plus de ressources pour nourrir leur propre population, comme on a pu le voir dans l’Indre et l’Allier. Force est donc de constater, selon lui, que le niveau de résilience alimentaire de la France est très bas. Les territoires urbains n’ont que 2% d’autonomie. Il ne faut pas se faire d’illusion quant à nos campagnes, car le milieu rural est aujourd’hui incapable de nourrir les ruraux. Les supermarchés omniprésents donnent aux habitants une impression trompeuse de sécurité alors qu’ils n’abritent en fait que deux jours de stocks et que n’existent que de rares stocks stratégiques d’Etat !

A lire aussi, Dominique Reynié: Coronavirus, RN, séparatisme: si les Français ne vont pas aux urnes dimanche…

Dans un livre-enquête intitulé Résilience alimentaire et sécurité nationale, paru en 2019, Stéphane Linou alerte sur les risques pour les populations de ne pas produire suffisamment sur place et de demeurer dans un état alarmant d’impréparation en cas de crise grave. Ses travaux font apparaître la nécessité de « reterritorialiser » la production, d’apprendre à produire sans dépendance pétrolière, d’arrêter de « détruire le foncier nourricier », de se rendre moins dépendant en s’entraînant à consommer moins, à partager voire à changer notre régime alimentaire.

Stéphane Linou joue les Cassandre

Plus intéressant encore, il fait ressortir le fait qu’il ne peut exister d’ordre public sans accès pérenne et totalement sécurisé à la nourriture. Il exhorte les autorités à reconnaître officiellement que nos infrastructures nourricières sont stratégiques pour la survie de la nation. Il est nécessaire, selon lui, de préparer les Français à la “culture du risque alimentaire territorialisé”. Il cite à cet égard le modèle suédois, en tenant compte toutefois des spécificités de la culture française. Il fait référence, pour ce faire, au petit livret d’informations intitulé If Crisis or War Comes (« En cas de crise ou de guerre ») publié par le gouvernement suédois en 2018, qui invite l’ensemble de la population à constituer des stocks au cas où une guerre, un attentat, une cyberattaque, des accidents graves ou des catastrophes naturelles, venaient à interrompre l’approvisionnement en eau et en nourriture. Dans l’optique suédoise, seule une préparation adéquate des populations en amont est susceptible d’aider les individus et la société dans son ensemble à résister à des situations de stress importantes.

Les conclusions majeures de Stéphane Linou sont depuis remontées vers les décideurs politiques. L’ouvrage a reçu le Prix « Information préventive et résilience – Vigilance » décerné par le Forum des Risques Majeurs en 2019. Le proche avenir nous dira si ses recommandations ont été prises en compte.



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Analyste géopolitique (Russie, Turquie), auteur et spécialiste en relations internationales et en études stratégiques.

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