Accueil Culture « La Piscine » de Jacques Deray: âpre et sensuel

« La Piscine » de Jacques Deray: âpre et sensuel

A revoir sur arte ce mois-ci


« La Piscine » de Jacques Deray: âpre et sensuel
Romy Schneider et Alain Delon, "La piscine" (1969) © NANA PRODUCTIONS/SIPA Numéro de reportage : 00594467_000014.

Jacques Déniel se félicite d’avoir découvert, même tardivement, ce film de 1969 devenu un classique. Arte le rediffuse à la fin du mois.


J’ai découvert sur Arte le superbe film de Jacques Deray « La Piscine » (1969). Je ne l’avais jamais vu. En 1969, dans ma bonne ville de Brest, très jeune amateur éclectique de cinéma, je l’avais manqué. Ensuite, considérant Jacques Deray comme un réalisateur de polars à la française après avoir vu Borsalino (un bon film pourtant) et quelques autres de ses films plus académiques, je n’avais pas jugé intéressant de le voir. Erreur de jugement et mauvaises raisons, ce film est un petit bijou de cinéma, une perle rare.

Casting impeccable

Le film est surtout connu et admiré pour son impeccable casting. Alain Delon, Romy Schneider, Maurice Ronet et Jane Birkin pour les quatre rôles principaux. En cette fin des années soixante, Alain Delon est une star adulée, bien loin du débutant des années cinquante. La décennie des années-soixante entamée avec Plein soleil de René Clément le révèlera aux yeux du monde entier (avec Maurice Ronet, où les deux hommes partagent des rôles similaires à celui de La Piscine). Il va dès lors jouer dans plus de trente films dans cette décennie. Il tourne avec Luchino Visconti, Michelangelo Antonioni, Jean Duvivier, Henri Verneuil, Alain Cavalier, Robert Enrico, Jean-Pierre Melville, Guy Gilles…

A lire aussi: Jane Birkin bouleversante dans son dernier album « Oh pardon tu dormais »

Dans ce drame psychologique tendu et abrupt, adapté par le scénariste Jean-Claude Carrière du roman éponyme d’Alain Page sorti cette même année 69, Jacques Deray par la force de sa mise en scène âpre et sensuelle signe son plus beau film. Il organise, en huis-clos, avec une vraie maestria, un ballet d’une perversion et d’une grande cruauté mentale, entre le couple d’amants diaboliquement désirable et désirant Jean-Paul et Marianne (Alain Delon, Romy Schneider) et leurs invités, un ami hautain et flagorneur et sa jolie et séduisante fille, Harry et Pénélope (Maurice Ronet et Jane Birkin). La belle villa sur les hauteurs de Saint-Tropez et sa piscine qui sont les lieux et cadres où se déroulent le film nous renseignent sur l’aisance matérielle de ces personnages.

Rivalités érotiques

Aisés et oisifs, nonchalants et blasés, ils ont des occupations plus que du travail (Jean-Paul est dans la publicité après une carrière d’écrivain avortée, Harry gagne énormément d’argent dans l’industrie du disque de variétés). Ils se baignent dans la piscine, font l’amour mais semblent s’ennuyer et avoir un certain mépris de la vie. Au fil de leur séjour, leurs relations amicales et la grande banalité de leurs conversations laissent transpirer une rivalité masculine et féminine malsaine. La perversion de leurs rapports et une jalousie contenue mais bien réelle se développent, amenant la tension puis une violence brute qui éclate entre les deux hommes, une nuit où ils ont beaucoup bu. Réussite sociale et possession de la très désirable Marianne ou de la sensuelle Pénélope sont les ingrédients de cet affrontement entre les deux hommes.

A lire aussi: Finkielkraut coupable de substitution idéal

Le cinéaste joue avec une grande finesse sur la banalité des dialogues et la perversion des échanges de regards. Chef-d’œuvre d’érotisme, le film baigne dans une atmosphère de sensualité trouble et moite, servi par la perfection de la musique de Michel Legrand et la photographie solaire de Jean-Jacques Tarbès.

Un film de l’après 68

La Piscine est une œuvre très en phase avec la France de l’après-mai 1968 et les élans libertaires et révolutionnaires des bourgeois et intellectuels des classes aisées d’alors. Névrosés, égocentriques et égoïstes, les quatre personnages du film de Jacques Deray ne s’intéressent ni à la révolution ni à la lutte des classes, se contentant de s’approprier le slogan il est interdit d’interdire, et de vivre selon leur bon plaisir… Liberté sexuelle, sadomasochisme, trouble de l’inceste, perversions et meurtre : tout semble possible dans ce monde de l’insouciance.

Pris au piège du tragique dénouement, les deux amants Jean-Paul et Marianne restent à jamais prisonniers par leur pacte de silence diabolique.

Enfermés dans cette villa et sa piscine, leur mausolée. A revoir.

La Piscine, un film de Jacques Deray, scénario de  Jean-Claude Carrière
1969 – 2h02. Prochaine diffusion sur ARTE: vendredi  29 janvier à 13h30 et visible sur ARTE.TV disponible en DVD: SNC/M6 vidéo.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent L’assimilation: une dernière chance pour la France
Article suivant Sur Henri Raczymov, artiste de la faim
est directeur de cinéma.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération