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Affaire Epstein: tension gouvernementale grotesque entre Schiappa et Belloubet

Le gouvernement français et le prédateur présumé


Affaire Epstein: tension gouvernementale grotesque entre Schiappa et Belloubet
La presse américaine sous le choc après la mort en prison de Jeffrey Epstein © Levine-Roberts/Sipa USA/SIPA Numéro de reportage: SIPAUSA30178091_000001

Comme pour tant d’autres nobles combats, Schiappa est au taquet contre les réseaux pédophiles! Pendant ce temps, sur le dos de cette dernière, Belloubet tente de se refaire une virginité pour faire oublier les gilets jaunes…


Comme c’était prévisible, le tremblement de terre de l’affaire Jeffrey Epstein a produit des répliques chez nous. Dont la réaction de deux des ministres les plus ridicules de notre gouvernement, Marlène Schiappa secrétaire d’État sapiosexuelle et Adrien Taquet, secrétaire d’Etat aux attributions obscures, auparavant passé par la case DSK… Histoire de tirer des bénéfices politiques de l’affaire, les deux ont envoyé un communiqué de presse commun dans lequel ils ont réclamé l’ouverture d’une enquête en France sur les agissements du suicidé de Manhattan. Provoquant les réactions prévisibles de la Garde des Sceaux et des syndicats de magistrats qui en ont profité pour essayer de redorer leurs blasons ternis par leur attitude pendant la crise des gilets jaunes.

Cérémonie expiatoire

La mondialisation néolibérale est corrompue jusqu’à l’os. Le terme corruption utilisé ici n’est pas seulement celui de la définition juridique qui figure dans le code pénal et concerne l’achat illégal d’avantages publics. Il recouvre également cette corrosion profonde qui s’est installée et que l’on masque avec des discours moralisants d’une hypocrisie confondante. On sait très bien chez les dominants et ceux qui les soutiennent que le système est totalement amoral, et que sa seule loi est celle de l’argent, celui qui achète tout, permet tout. Alors, de temps en temps, sous le poids de cette contradiction se déclenchent des scandales planétaires ou le double puritanisme du sexe et de l’argent va pouvoir s’en donner à cœur joie. Malheur à celui sur lequel va tomber la violence de la cérémonie expiatoire ! Peu importe que ses turpitudes soient parfaitement connues de tout le monde. Les anciens amis instantanément dispersés comme une volée de moineaux seront en première ligne de la meute à réclamer les châtiments les plus terribles.

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Je ne sais pas qui était Jeffrey Epstein, dont j’ai appris l’existence avec l’information de sa mort en détention.

Je ne sais pas si les accusations portées contre lui étaient fondées, mais si c’est le cas, les termes de prédateur sexuel et de proxénète et pour tout dire de gros porc seraient utilisables. Je ne sais pas non plus s’il s’est suicidé, la thèse d’un assassinat pour éviter l’élargissement du scandale n’est pas impossible. En revanche, je pense que la claire conscience de ce qui l’attendait a pu aussi le pousser à vouloir l’éviter.

Mantra rituel de l’intérêt des victimes

Revenons aux propos de nos Plic & Ploc gouvernementaux avides d’exposition médiatique. Tout d’abord, la classique niaiserie victimaire attribuant à la justice une mission qui n’est pas la sienne : « La mort de Monsieur Epstein ne doit pas priver les victimes de la justice à laquelle elles ont droit : c’est une condition essentielle de leur reconstruction. » On va donc rabâcher à nouveau que la Justice est là pour appréhender des faits, les qualifier, et après un débat contradictoire prononcer la sanction que mérite leur auteur. Les juges ne sont pas des psychiatres. Ensuite, il est atterrant d’être contraint de rappeler qu’on ne juge pas les morts. C’est un principe fondamental qui a plusieurs motifs, et en particulier celui que l’accusé ne peut plus se défendre.

Et nos duettistes de poursuivre : « L’enquête américaine a mis en lumière des liens avec la France. Il nous semble fondamental pour les victimes, qu’une enquête soit ouverte en France afin que toute la lumière soit faite. »  On fera observer que s’il apparaît que Jeffrey Epstein s’est livré à son triste commerce dans notre pays, c’est-à-dire que des infractions graves y ont été commises, ce qui serait fondamental et justifié serait qu’une enquête ait lieu pour le déterminer et identifier coauteurs et complices qui pourraient alors être poursuivis. La justice française est parfaitement compétente pour le faire. Nul besoin pour le réclamer d’invoquer le mantra rituel de l’intérêt des victimes.

Quelle séparation des pouvoirs ?

Immédiatement, histoire de restaurer une image passablement cabossée de défenseuse de la séparation des pouvoirs, Nicole Belloubet y est allée elle aussi de son intervention. Il faut dire que la Garde des Sceaux part de très loin. Elle avait organisé et soutenu la répression du mouvement social des gilets jaunes, et accepté sans broncher l’instrumentalisation politique d’une Justice lancée contre l’opposition politique et protégeant les amis de Monsieur Macron.

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« Les poursuites ne sont pas des décisions du gouvernement. Depuis 2013, les instructions individuelles sont prohibées, conformément au principe d’indépendance de l’autorité judiciaire » nous dit-elle. Pardon Madame ? Le principe d’indépendance de l’autorité judiciaire ne concerne que le juge du siège, pas le parquet et vous le savez parfaitement. Et le parquet, autorité de poursuite de la République est sous votre responsabilité. Schiappa et Taquet demandent une enquête sur des faits, et non pas une procédure contre une personne particulière mais sur l’existence éventuelle de réseaux de prostitution en France. La prohibition des « instructions individuelles » ne concerne en rien ce qu’ils souhaitent contrairement à ce que vous dites.

Venons-en maintenant à nos amis magistrats, dont les organisations syndicales ont affiché une pudeur de violette pendant tout le mouvement social des gilets jaunes confronté à des violences policières et judiciaires considérables. Jacky Coulon, secrétaire général de l’Union Syndicale des Magistrats (USM) s’est fendu d’une déclaration au Figaro dans laquelle il nous dit : « Aucun ministère n’a vocation à demander une enquête judiciaire, d’autant que, pour exercer des poursuites pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement à l’étranger, il est nécessaire d’avoir une plainte préalable de la victime ou de ses ayants droit, ou encore une dénonciation officielle par l’autorité du pays où le fait a été commis. De plus, en droit français, on ne peut pas poursuivre les morts. » Juste quelques observations sur ce rappel à l’ordre juridique soigneusement à côté de la plaque et uniquement destiné à montrer au chaland comment l’USM se veut elle aussi la gardienne de la séparation des pouvoirs. Schiappa et son compère demandent effectivement une enquête judiciaire, mais pour des faits commis en France, prévus et réprimés par la loi française, en l’occurrence l’existence de réseaux de prostitution. En aucun cas ils ne demandent des poursuites contre Jeffrey Epstein, ils proclament certes hypocritement « quil leur semble fondamental qu’une enquête soit ouverte en France ». Désolé mais en matière de violation de la séparation des pouvoirs, on a vu bien pire.

Souiller la meilleure des causes

En revanche, dans le domaine de la démagogie politicienne crasse, nos duettistes font fort. Pour eux, l’enquête serait « la condition à (!) une protection plus efficace à l’avenir d’autres jeunes filles face à ce type de réseaux organisés, face à ce type de prédateurs ». Que voilà un noble objectif que l’on ne peut qu’approuver. Et les auteurs du communiqué d’enfoncer vigoureusement le clou : « Nous rappelons notre détermination entière à protéger les jeunes filles des violences sexuelles et notamment des réseaux d’exploitation criminelle. » De peur que nous ayons des doutes sur la valeur de leurs engagements ?

Eh bien oui nous en avons, parce que leur comportement peut faire craindre de leur part une sollicitude à géométrie très variable. Sauf erreur, on ne les a jamais entendus protester contre les réseaux de prostitution africaine ou chinoise qui ont envahi les trottoirs parisiens, niçois, les bois de Vincennes et de Boulogne, jusqu’à l’émergence désormais d’une prostitution rurale. On ne les a pas entendus non plus se prononcer sur les trafics de ces migrantes promises à l’abattage et destinées à ces réseaux. Pas plus qu’ils ne dénoncent ces passeurs qui se posent en héros des temps modernes alors qu’ils livrent leurs marchandises à la mafia italienne travaillant de concert avec la pègre nigériane pour alimenter ce commerce ignoble. Là-dessus, silence de nos deux belles-âmes.

Alors non, ce communiqué n’est rien d’autre qu’une misérable opération de communication estivale destinée à permettre à ses deux auteurs de prendre la pose. Et au passage au Garde des Sceaux et à l’USM d’essayer de se refaire une virginité.

Comment souiller la meilleure des causes…



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