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Les hommes politiques de demain auront-ils encore le droit à une vie privée?

Les politiques à ciel ouvert


Les hommes politiques de demain auront-ils encore le droit à une vie privée?
L'avocate de Julien Bayou, Marie Dose, estime que Sandrine Rousseau instrumentalise le "juste combat contre les violences sexistes et sexuelles à des fins politiques". Paris, 26 septembre 2022 © Thomas SAMSON / AFP

Près de sept Français sur dix veulent plus de transparence des politiques sur leur vie privée (Odoxa / Public Sénat).


On pourrait de prime abord plaisanter sur cette rigueur qui anime nos compatriotes quand il s’agit de leurs dirigeants et de leurs représentants, sur cette envie d’avoir des politiques en quelque sorte exemplaires à leur place. Comme si l’humanité était partagée en deux, entre des politiques voués à une impeccable éthique sur tous les plans et une masse de citoyens plus désinvoltes à cet égard.

Metoo: salubre ou préoccupant ?

Depuis quelques années, et encore davantage à partir de l’émergence à la fois salubre et préoccupante de MeToo, on a quitté la période où, par exemple, on me riait au nez quand je soutenais qu’il y avait des parts de vie privée, des fragments d’épisodes familiaux qui méritaient d’être pris en compte, parce qu’ils avaient une incidence sur le versant public de la vie. Il y a donc un changement bienvenu sur ce plan qui met au rancart cette idée confortable et créatrice d’impunité, considérant comme une évidence que tout ce qui n’est pas strictement politique doit être préservé, occulté.

Qu’on projette rétrospectivement cette prise de conscience sur certaines péripéties présidentielles, et on pourra constater comme elles ne seraient plus minimisées aujourd’hui. Les Français, et c’est un progrès, attendent des personnalités publiques qu’elles soient globalement irréprochables à tous les niveaux, et non pas seulement dans la sphère de l’existence politique. Il me paraît évident que la double vie de François Mitterrand aux frais de l’Etat serait stigmatisée, de même que les mensonges si peu républicains sur sa santé. Je ne doute pas que certaines scènes impliquant Nicolas Sarkozy dans un rôle affectant la dignité présidentielle seraient perçues comme il convient, à leur juste degré de vulgarité. De la même manière, je suis persuadé que le comportement de François Hollande sur le plan amoureux, avec une maîtresse à l’Elysée et une pantalonnade rue du Cirque, auraient des effets plus négatifs dans le climat actuel.

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Culpabilité par accusation

Je refuse cependant, au nom d’une transparence qui perdrait toute limite et s’égarerait avec un impérialisme délétère, d’applaudir par principe tout ce qui, sans aucune distinction ni nuance, jetterait dans l’espace public et médiatique des rumeurs de violences psychologiques ou autres. Je sais bien que le nouveau sport national est cette « culpabilité par accusation » qui dans les univers professionnels lance, telles des certitudes et des inquisitions assurées, le poison d’insinuations ou d’accusations, sans qu’à aucun moment on accepte que des contradictions leur soient apportées.

Je ne peux que reprendre les termes de mon précédent billet : la haine des évidences est une plaie d’aujourd’hui ! Julien Bayou ne sait pas encore précisément ce qu’on lui reproche et Sandrine Rousseau ne sort pas grandie de cette offensive trouble. Je persiste à dire, au risque d’apparaître imparfait aux yeux de ceux qui osent s’afficher irréprochables, qu’une gifle, même dans un climat de crise, de forte tension conjugale, est inadmissible mais que c’est tout mélanger en affirmant que d’une part c’est comparable à des violences quotidiennes systématiques et que d’autre part une gifle en engendrerait forcément d’autres. Ce qui est absurde.

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Il serait médiocre de ne pas reconnaître les avancées effectives pour les relations humaines de ces bouleversements et de ce féminisme rattrapant des années de silence et de soumission mais il est clair que nous irions vers le pire, vers des procès expéditifs et des débats simplistes et unilatéraux, si le caractère irremplaçable de la nuance n’était pas sauvegardé. Un monde sans elle, sans ce suspens contre les justiciers au petit pied et pour les scrupuleux honnêtes et équitables, deviendrait étouffant. Alors les politiques à ciel ouvert ? Oui, mais pas pour n’importe quoi et pas n’importe comment. Sinon, le remède deviendrait plus traumatisant que le mal.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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