Accueil Politique « Macron ne propose pas une vision nouvelle de la politique »

« Macron ne propose pas une vision nouvelle de la politique »


« Macron ne propose pas une vision nouvelle de la politique »
Emmanuel Macron, meeting de Bercy, avril 2017. Sipa. Numéro de reportage : AP22041294_000017.
emmanuel macron francois bert chefs
Emmanuel Macron, meeting de Bercy, avril 2017. Sipa. Numéro de reportage : AP22041294_000017.


Retrouvez la première partie de l’entretien ici.

Daoud Boughezala. D’après votre typologie, les « petits » candidats à la présidentielle tels que Dupont-Aignan, Lassalle, Asselineau, Cheminade, Arthaud et Poutou sont-ils des « prophètes » arc-boutés sur leur idéologie ?

François Bert. L’analyse des débats télévisés nous donne une première image de ce que révèle leur personnalité : il y a ceux qui par l’outrance, le caractère décalé ou la preuve appuyée de leur bonne foi cherchent à susciter l’affection (ce sont nos « prêtres » : Poutou, Lassalle, Dupont-Aignan) et il y a ceux qui par verrouillage idéologique ou besoin de nous donner la preuve de leur savoir cherche à attirer notre attention sur leur connaissance ou leurs idées (ce sont nos «prophètes » : Arthaud, Cheminade, Asselineau).


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Vous appelez à un renouvellement des élites politiques à partir de la société civile. A première vue, vous rejoignez le discours d’Emmanuel Macron. Pourquoi n’adhérez-vous pas à sa démarche ?

Le premier mouvement d’Emmanuel Macron était positif : chercher dans le « hors-parti » la réalité du potentiel français. Nous le savons désormais, Emmanuel Macron est à de multiples points de vue le candidat téléguidé par le système. Sans aller jusque-là, nous avions néanmoins déjà des éléments susceptibles de nous montrer que sa démarche ne pourrait pas aller dans le bon sens. D’une part parce qu’un chef, s’il sait en effet qu’il ne peut rien sans ses troupes et n’a de cesse de créer les conditions pour lever leur talent, passe ce-faisant son temps à élaborer sa vision. Il donne des directions, tranche, conduit l’action. Déléguer ne veut pas dire subir. Emmanuel Macron en est à lire le discours qu’on lui a soumis sans le comprendre… D’autre part il n’a pas fait porter sa campagne, comme nous aurions pu l’espérer, sur l’émergence des bonnes personnes et la construction d’une équipe opérationnelle, « prête à faire » : il a généré une énième manœuvre électorale dilatoire, consistant à aller chercher d’autres viviers de voix sur la base d’un gloubi-boulga de convictions. Il a au final su rassembler autour de lui tous les vieux dinosaures est aventureux des partis existants. Emmanuel Macron est ce qu’on appelle en musique un « arrangeur », ce professionnel de la réverbération qui plait tant aux médias : ni compositeur d’une vision nouvelle, ni chef d’orchestre capable de piloter avec autorité l’action collective actuelle et à venir.

Attendez-vous l’homme providentiel comme d’autres le Messie?

Ma démarche est tout sauf celle-là et je cite, pour l’appuyer, l’exemple historique de la guerre de Vendée. Les « chouans » (Bretagne, Mayenne et Normandie essentiellement) prolongeront dans d’autres départements l’action de la Vendée, avec des modes opératoires différents. La guerre de Vendée est un bel exemple d’une désignation par temps de crise d’un très riche panel de chefs naturels que contient un peuple. Les paysans vendéens ne se sont pas tournés vers les orateurs ou autres « grandes gueules » du moment : ils sont allés chercher ceux dont ils savaient qu’ils pourraient les conduire à bon port. Ces hommes-là, nobles (Charette, La Roquejaquelein, Lescure, Bonchamps…) ou roturiers (Cathelineau, Stofflet…) étaient plutôt des introvertis, connus pour leur sagesse, leur courage et pour certains seulement, la connaissance des armes. Cathelineau, pourtant le plus modeste d’entre eux (il était voiturier colporteur) fut leur premier généralissime. Aucun ne s’est mis en avant, tous ont attendu que l’évidence de l’événement et l’insistance des paysans les poussent à accepter de prendre la tête du groupe. Napoléon a qualifié la Vendée de « peuple de géants ».

Au croisement de la psychologie et de la sociologie des organisations, vous avez inventé une méthode d’analyse singulière. Quelle est-elle ?

J’appelle ma démarche « ostéopathie des organisations ». L’ostéopathie se distingue de la médecine traditionnelle en ce qu’elle va à la source des choses pour comprendre les causes, a une vision globale (holistique) des problèmes et privilégie le placement juste à l’interventionnisme. Mon approche n’est bien sûr pas médicale mais elle s’inspire du parti pris de l’ostéopathie pour aborder les problèmes en entreprise.

Il y en France beaucoup de « conseils en organisation » qui sont capables de proposer les bons organigrammes sans pour autant savoir vérifier si les bonnes personnes sont aux bons endroits. Nous avons de l’autre côté beaucoup de coachs capables de veiller au développement des personnes sans être capables de vérifier s’ils sont employés de la bonne façon. Ma démarche est de croiser les deux approches : en diagnostiquant les dimensions innées de la personnalité je suis capable de voir où les choses bloquent dans le fonctionnement d’une entreprise et de permettre l’adéquation muscles (personnalité)/squelette (organigrammes).

Cette approche permet d’apporter ce qui manque souvent le plus aux entreprises : la durée.

Votre grille d’analyse peut s’appliquer au monde de l’entreprise. En France, ce grand pays cartésien où tout commence par des idées, sait-on recruter des chefs ?

Nous sélectionnons aujourd’hui les gens soit sur la base de leur CV, et donc de leur connaissances et expériences accumulées, soit sur la base de l’ « auto-vente » de l’entretien de recrutement. Cela est très nettement insuffisant quand il s’agit de recruter des chefs. Tout au plus certains process de recrutement intègrent-ils des études de cas avec production d’une réponse écrite. Je ne crois pas qu’un chef de guerre pris en embuscade soit appelé à rendre un mémoire universitaire. Il décide, vite, imparfaitement, mais avec la présence d’esprit et la capacité à donner des ordres, étape après étape, pour que l’ensemble de l’équipe soit sortie d’affaire.

>> A lire aussi: Emmanuel Macron, la France n’est pas un open space – Par Alain Finkielkraut

Mon sujet a donc été depuis le départ de créer des mises en situation qui me permette non pas d’obtenir des réponses écrites, mais d’observer le comportement. Après plus de 600 personnes auditées, je constate que les personnalités se dégagent d’évidence à l’occasion des séquences pratiques que je leur demande de vivre. Il y aurait un livre à écrire sur la manière dont certains esprits brillants sont incapables d’aborder les bousculements que je leur soumets.

C’est donc aussi en entreprise que l’ «erreur de casting » est la cause fréquente des difficultés et fiascos à répétition. La réalité nous ramène toujours à elle et elle a pour chacun de nous, prêtre prophète ou roi ce mot ancien : « Deviens ce que tu es » !



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est journaliste.

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