Face à Marine, relire Mao


Dieu sait que les formules du Petit livre rouge m’ont toujours paru désopilantes, mais pour le coup, je ne peux pas m’empêcher de penser à celle qui recommande de repérer la contradiction principale afin de la distinguer des contradictions secondaires.

Je poursuis dans la même veine.

Sur le plan électoral, demandons-nous : « Quelle est la contradiction principale ? »

La réponse juste est : « La contradiction principale est celle qui oppose les pro-européens aux national-populistes. »

Sur quoi porte cette contradiction principale ? Il est stupide de répéter qu’elle oppose les républicains aux anti-républicains. Où a-t-on vu Marine le Pen répudier les principes républicains, en se situant dans la lignée de Pétain ? Une enquête auprès des masses nous apprendrait que l’anti-républicanisme d’obédience pétainiste n’est la motivation ni de ses nouveaux ni de ses prochains électeurs.

Cette contradiction principale ne peut être comprise et correctement désignée qu’au prix d’un effort, très dérangeant. Pierre-André Taguieff s’y est employé dans Le Nouveau national-populisme (CNRS éditions), un petit texte qui fait grandement bouger les lignes, comme on dit, et qui ne qui ne coûte que 6 euros !

Si je peux maintenant me permettre de parler en mon nom personnel, je dirais que les pro-européens sont républicains comme le FN, et réciproquement. La différence est que les premiers sont des pro-européens démocrates et libéraux, et que le second ne l’est pas.

Il y a là un vrai conflit de valeurs.

Face à Marine, le centre droit de la gauche (qui est au pouvoir) et les partis du centre et de la droite pro-européenne sont condamnés à s’entendre, car ce qui les oppose entre eux n’est qu’une contradiction secondaire, encore merci Mao.

Mais il ne suffira pas à nos pro-européens de cesser de se dégommer mutuellement. Ils resteront inaudibles s’ils s’obstinent à vouloir diaboliser le FN au nom de ses réelles pensées d’hier et de ses supposées arrière-pensées d’aujourd’hui, sans répondre à ce que dit Marine le Pen.

Son avantage à elle est qu’elle pratique le parler vrai et simple dans la désignation des problèmes, face aux contorsions imposées aux autres par le politiquement correct.

Pour répondre à Marine d’une façon offensive et crédible, le plus facile sera de défendre l’Europe en affrontant franchement ses arguments anti-européens et anti-libéraux. Arguments dont elle n’a d’ailleurs pas le monopole. Car elle n’est pas seule en France à se ranger du côté de Poutine.

Le plus difficile, ce sera évidemment de lui répondre d’une façon convaincante sur ce que l’Europe permet ou empêche de faire au sujet de l’immigration, de l’islam, et de l’insécurité.

Il y a donc bien mieux à faire, du côté des partis pro-européens et libéraux, que de se décrédibiliser mutuellement et de se chamailler pour savoir lequel est le vrai rempart contre la marine montante.



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André Sénik, professeur agrégé de philosophie.

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