Accueil Brèves Et l’acier fut trompé, troisième épisode : Pas de quiche sans lardons !

Et l’acier fut trompé, troisième épisode : Pas de quiche sans lardons !


Résumé des épisodes précédents : prenez un cadavre d’indien (capitale Dehli), placez-le dans la cave d’une maison à Florange (Moselle) , mort, une balle dans la tête . Accompagnez d’un vieux flic, Muller, et de son adjoint puis adjoignez leur un légiste obèse, arrosez le tout d’une mystérieuse inscription sur le postérieur de l’industriel défunt…

– Trêve de conneries Patron, lâcha Gallino dans un sanglot, comme on lâche un vent pour détendre l’atmosphère, et la mère Schimanski qu’en fait-on ?
je la veux bien, hurla le gros, se prenant tout à coup pour un Bérurier des calanques.
Bouclez-là et faites-la parler Pippo, usez de la gégène s’il le faut.

– Bien chef ! Et de cavaler dans l’escalier, pistolet au poing comme au sortir de la tranchée à Caporetto.
La pluie venait d’entamer son déluge, sous les coups de gouttes monstrueuses comme des pierres célestes, le soupirail de la cave, qui affleurait au trottoir, s’ouvrir subitement laissant pénétrer le vacarme aqueux ainsi qu’ une coulure boueuse et rougeâtre. Muller s’en approcha, reniflant comme un limier, puis soudain recula , terrifié et tremblant, parvenant à grand peine à se tenir sur ses jambes.

– Oh lâ ! Derrick tu tournes de l’oeil, qu’est-ce qui ne va pas mon petit vieux ?

– Une vision, un souvenir, la pluie, le sang qui ruisselle, merde…

– La guerre pute vierge, j’oubliais.

Gallino reparut alors dans l’encadrement de la porte, l’air déconfit, trempé comme un minestrone

– Nom de Dieu chef elle s’est taillée, je lui ai couru derrière mais vous ne me croirez pas si je vous dis qu’elle m’a semé la vieille, moi qui cours le 100 mètres en 10’30…

Chers lecteurs, camarades, vous attendez sans doute comme toutes les semaines, petit oiseau niché au creux de ce palpitant feuilleton, l’intermède, l’incontournable retour au réel : Nouvelles du Front de l’est, Stalingrad sur Fensch, Koursk sur Moselle. Les chars de la CGT ne sont pas encore en route vers Paris ; l’ expectative des désespérés, chacun contemple les usines qui aux quatre coins de l’hexagone (qui en compte pourtant six) s’écroulent les unes derrière les autres comme des châteaux de cartes : il s’agit évidemment d’un jeu : Technicolor, tu perds, Aulnay, tu perds, Florange, tu perds, et j’en passe, les règles sont pourtant simples : gagner plus, réduire les coûts. Investir là où la main d’œuvre est moins chère, plus dure à l’ouvrage, docile et moins exigeante.
À un saut de puce par delà la Moselle, l’eldorado chinois (Terra Lorraine) semble se concrétiser : une convention a été signée le 21 septembre : trois mille emplois à l’horizon 2014, je ne sais pourquoi mais ça sent confusément l’arnaque. Annoncé comme un point d’entrée sur notre continent de quelque deux mille entreprises chinoises le projet est entre autres piloté par une holding luxembourgeoise, la Comex… J’avoue, je préfère la Chine au Qatar, quitte à manger de la quiche lorraine, autant que ce soit avec des baguettes plutôt que sans lard…

Le reste de la matinée, alors que la pluie redoublait, transforma la maison en une fourmilière d’experts en tous genres ; des pandores furent chargés d’éloigner les curieux, le corps fut emmené discrètement afin que l’homme de l’art puisse le dépiauter tranquillement. Muller qui s’ennuyait ferme entreprit d’inventorier les livres qui garnissaient un meuble-bibliothèque massif comme un panzer, dans le salon. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir au milieu des best-sellers encore emballés une édition serbo-croate en 26 volumes des œuvres complètes d’Arnaud Montebourg, ancien ministre socialiste devenu guérillero au Pérou après une déception amoureuse, et plus particulièrement l’ouvrage Tactique du sabotage de l’industrie capitaliste, qui était truffé de notes et farci de coupures diverses, dont une carte postale expédiée depuis Iquitos (Pérou) le 22 octobre 2019 , mais dont le nom du destinataire avait été soigneusement effacé, le texte était aussi étrange que succinct : « Acheter votre vie au prix qu’elle vous coûte, déchirez le bandeau qui recouvre vos yeux, dites ce mot, mon fils, que je l’emporte aux cieux !…Il faut que Mittal paie » Arnaud El Macho Monteb. Nous étions le 8 novembre de la même année et Muller n’eut aucune difficulté à reconnaître Lamartine…

à suivre…



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